domingo, 3 de enero de 2010

TRAVAU ET EXPOSES POUR APPROFONDIR LE COURS DE THEOLOGIE PHILOSOPHIQUE

I. L’EXISTENCE DE DIEU CHEZ DESCARTES

Introduction

Depuis la période antique, la réflexion sur l’absolu a soulevé beaucoup de questions. On se demandait par exemple : existe-t-il un être absolu qui serait au dessus de tous les autres êtres ? Quels sont ses attributs ? Ou encore comment parvenir à sa connaissance ? René Descartes fait partie des philosophes de la période moderne qui se sont penchés sur la question de Dieu afin de prouver son existence par la raison. Dès lors comment Descartes démontre t-il l’existence de Dieu ? Quelles sont les preuves qu’il avance ? Notre travail consistera à présenter la conception des idées chez Descartes, ensuite nous mettrons en exergue ses preuves de l’existence de Dieu, enfin nous ferons une évaluation critique de sa pensée.

I - Conception cartésienne de l’idée

Etymologiquement, le mot idée vient du grec idéa qui signifie forme visible, aspect de. Chez Descartes, le concept d’idée désigne au sens large les objets de la pensée quels qu’ils soient entant qu’ils sont pensés, « c’est tout ce qui sont dans notre esprit lorsque nous les concevons. »[1]*** au sens restreint, les idées sont les objets de notre pensée qui ont un contenu représentatif et sont plus ou moins adéquat. Descartes distingue trois sortes d’idées qui entre autres, prennent leur origine dans le cogito. Il s’agit des idées adventices, factices et innées, suivant qu’elles viennent directement du dehors, que nous les fabriquons avec des éléments empruntés à différentes idées, ou que l’âme les portes en elle-même et les tires de son propre fond. «Or de ces idées les unes me semblent être nées avec moi, les autres étrangères et venir de dehors, et les autres être faites et inventées par moi-même. »[2]

a) Les idées adventices

Adventice vient du latin advencius qui veut dire qui vient du dehors ou emprunté. Chez Descartes, les idées adventices désignent celles qui proviennent des sens, mais qui sont toutes aussi étrangères à nous. Ce sont des idées qui viennent hors de nous, raison pour laquelle nous les voyons semblable aux objets. Elles ne dépendent pas de notre volonté et nous sont enseignées par la nature. C’est le cas de l’idée du soleil.

b) Les idées factices

Ce sont des idées élaborées par l’esprit, ce sont des …..
Les idées factices sont celles que nous fabriquons en composant des notions simples. Elles sont au même titre que les chimères. Pour Descartes du point de vu de la connaissance, les idée factices ne sont pas faussent, bien qu’elles soient fabriquées. Comme toutes les idées, elles ne sont ni vraies ni fausses. L’erreur ici est seulement l’effet de l’affirmation volontaire dans le jugement, c’est pourquoi il est possible d’utiliser ces idées dans la science à condition d’en faire un usage réglé.

c) Les idées innées
Ce sont des idées potentielles en notre esprit dès notre naissance, elles sont issues de la réflexion sur l’expérience sensible, que la pensée prendra conscience d’elle-même. C’est ainsi que l’idée de Dieu, de l’âme ou du corps sont innées, elles font partie de nous-mêmes. Ce sont des idées forts claires et forts distinctes, contenant en soi plus de réalités objectives qu’aucune autre. Elles ne sont pas acquises par les sens, ni une pure production de l’esprit car « je n’y peut rien diminuer ou ajouter.»[3] Elles sont nées et produites avec nous dès lors que nous avons été crée c'est-à-dire dans le temps et dans l’espace.

II- Les preuves de l’existence de Dieu

1- L’argument de l’innéisme

L’innéisme est une doctrine philosophique qui stipule que des idées, des vérités ou des principes sont présents dans l’esprit humain.[4] On fait remonter cette doctrine jusqu'à Platon. La théologie chrétienne a souvent repris et transposer cette thèse sous la forme de la doctrine de l’illumination intérieure : Dieu est le verbe qui éclaire nos esprits. Nonobstant, l’innéisme est proprement la doctrine de Descartes pour qui l’Homme a des idées innées. On comprend pourquoi il affirme : « lorsque je commence à les découvrir, il ne me semble pas que j’apprenne rien de nouveau, mais plutôt que je me ressouviens de ce que je savais déjà auparavant, c'est-à-dire que j’aperçois des choses qui étaient déjà dans mon esprit, quoique je n’eusse pas encore tournée ma pensée vers elles ».[5]
Pour Descartes, l’homme est un être essentiellement pensant. Et si l’homme pense c’est parce qu’il y a en lui des idées qui sont les objets de sa pensée. Cependant, l’auteur distingue la réalité formelle et la réalité objective de l’idée. Or du point de vue de la réalité objective, certaines idées sont plus riches ou plus parfaites que d’autres. C’est le cas de celles qui nous représentent des substances puisqu’elles sont quelque chose de plus, et contiennent en soi plus de réalité objective, plus de degrés d’être ou de perfection, que celles qui me représentent seulement des modes ou des accidents.[6] Chez Descartes par exemple, l’idée d’un Dieu souverain, éternel, infini, immuable, tout connaissant, tout puissant, et créateur de toutes les choses qui sont hors de lui a certainement en soi plus de réalité objective que les idées qui représentent les substances finies. De plus l’idée qui représente une substance ne peut tenir sa réalité objective qu’à partir de quelque cause qui contienne formellement ou actuellement cette réalité.[7] Autrement dit, la réalité de la cause doit être contenue dans l’effet. C’est pourquoi, nous pouvons être la cause des idées qui représentent des substances finies. Mais compte tenu de notre imperfection, nous ne sommes pas responsables de l’idée de l’infini qui est en nous. C’est Dieu lui-même qui est responsable de son idée : « je n’aurais pas néanmoins l’idée d’une substance infinie, moi qui suis un être fini, si elle n’avait pas été mise en moi par quelque substance qui fût véritablement infinie ».[8] Ainsi l’idée de Dieu est innée, elle n’est pas le fruit d’une expérience sensorielle ou d’une production de l’esprit, elle est née et produite avec nous dès lors que nous avons été créés. Dieu en me créant a mis en moi son idée pour qu’elle soit « comme la marque de l’ouvrier sur son ouvrage ». Par ailleurs c’est à cause de notre finitude, de notre imperfection que nous avons l’idée de perfection car « comment serait il possible que je pusse connaître que je doute que je désire, c'est-à-dire qu’il me manque quelque chose et que je ne suis pas tout parfait, si je n’avais en moi aucune idée d’un être plus parfait que le mien, par la comparaison duquel je connaîtrais les défauts de ma nature ? »[9] Et l’idée de Dieu est tellement claire et distincte, puisque tout ce que notre esprit conçoit clairement et distinctement de réel et de vrai, et qui contient en soi quelque perfection, est contenu et renfermé tout entier dans cette idée.[10]****

2- L’argument de causalité
La première voie que Descartes utilise ici est celle de la causalité efficiente. Elle consiste à remonter de l’existence du monde, considéré comme contingent, à celle de Dieu, défini comme cause première et nécessaire. De tout ce qui existe. Selon lui, « il doit y avoir pour au moins autant de réalité dans la cause efficiente et totale que dans son effet. Car d’où est ce que l’effet peut tirer sa réalité sinon de la cause ? »[11] Si nous examinons cet argument de près, nous arriverons au syllogisme suivant :

a) Toute chose doit avoir une cause pour exister;
b) L’univers existe;
c) L’univers doit avoir une cause;
d) Puisque la cause doit être supérieure à l’effet en complexité, la cause de l’univers ne peut faire partie de cet univers;
e) Dieu existe et est la cause de toute chose.

Ayant déjà posé et admis l’idée d’un être parfait, c'est-à-dire qui contient en soi plus de réalités objectives, Descartes déduit que c’est cette cause qui a mis en lui toutes les idées objectives. L’exemple de la pierre pris par Descartes nous montre que ce qui est la cause de la pierre possède en lui-même de façon éminente tout ce qui entre dans la composition de la pierre. Autrement dit, qu’il possède plus de ce qui est dans la pierre. Cela nous amène à constater que, comme idée claire te distinctes, Descartes distingue deux types de cause à savoir la cause hors de soi qui se situe au niveau de la substance, et la cause par soi, qui est la substance per se. Pour lui, il faut que Dieu soit à lui même sa propre cause. Pour ainsi dire, le rapport de Dieu à Dieu est un rapport dee cause à effet. Ce rapport de causalité est nommé causa sui, c’est celui qui est propre à l’être suprême. Pour expliquer ce rapport, Descartes part de l’idée de la toute puissance de Dieu, celle là qui est infini et qui lui permet de d’exister par lui même. C’est dans ce sens qu’il affirme que, « de plus, celle (l’idée) par laquelle je conçois un Dieu souverain, éternel, infini, immuable, tout connaissant, tout puissant, et créateur universel de toutes choses qui sont hors de lui […]. »[12]
La deuxième voie employée par Descartes est celle de la substance infinie. En effet, il défini Dieu comme étant une substance infinie par laquelle tout a été crée et produit.[13] Partant de l’idée qu’il est lui-même une substance finie, il a l’idée d’une substance infinie « […] Dieu existe car l’idée qu’une substance soi en moi alors que moi-même je suis une substance finie, j’ai l’idée d’une substance infinie […] Cette idée a été mise en moi par une substance véritablement infinie. »[14] C’est dire que les notions d’infini et de fini sont présentent en l’homme, ce qui veut dire que l’idée de Dieu est inhérente à l’homme tout comme l’homme. Par la négation de ce qui est fini, Descartes conçoit ce qui l’infini dont la grandeur s’impose à nous, et la substance infinie comporte plus de réalités que la substance finie.
Il fait enfin intervenir la création pour illustrer sa pensée. En effet, Descartes constate qu’il n’est pas seul dans le monde, mais qu’il y a encore d’autres choses qui existent et gravitent autours de lui et dont il n’est pas la cause. « […] il suit de là nécessairement que je ne suis pas seul dans le monde, mais qu’il y a encore quelque autre chose qui existe […].»[15] Il constate aussi qu’il peut se tromper en touchant les choses qui lui semblent les plus manifestes. Cette nature d’être qui se trompe parvient à son esprit du fait ce soit peut être Dieu qui a pu la lui donner car l’idée de la souveraine puissance d’un Dieu qui se présentait à sa pensée le contraignait à avouer qu’il lui était facile de faire qu’il se trompe selon son gré, même sur une idée dont Descartes avait la plus grande certitude.[16]

3- L’argument de perfection

Apres avoir montré par les arguments ci-dessus comment l’idée de Dieu est une réalité indubitable, Descartes propose une argumentation sur un autre attribut de Dieu qui est l’idée de perfection.
Descartes constate que la connaissance que l’homme a est modulée par le réel. Il affirme que l’homme étant une substance finie ne peut de ses propres forces contenir l’idée d’une substance infinie et parfaite. Cela dit, le perfectionnement progressif de la connaissance humaine est une preuve de son imperfection et qu’il existe nécessairement un être hors de sa pensée en qui repose toutes les perfections. Descartes reconnaît qu’il n’est pas l’auteur de son être encore moins des idées de perfections qu’il a en lui. Il est évident que ce soit Dieu qui en est l’auteur. Descartes conçoit Dieu actuellement infini en un si haut degré qu’il ne se peut rien ajouter à la souveraine perfection qu’il possède.[17] (p.121)*. Descartes veut expliquer ici l’idée du principe de causalité. Et si la cause première tient son origine de perfection et son existence de soi-même, il s’ensuit qu’elle-même soit Dieu. Puisque ayant la vertu d’être et d’exister par soi, elle doit aussi avoir sans doute la puissance de posséder naturellement toutes les perfections dont elle conçoit de Dieu. Descartes émet l’idée selon laquelle il existerait plusieurs causes qui auraient contribué à ma production. Mais il y’a une cause à travers laquelle j’ai reçu l’idée des perfections que j’attribue à Dieu. Cette cause est Dieu lui-même. Et les perfections qui seraient dans l’univers, (il ne verse pas dans le panthéisme) lorsqu’elles se rencontrent, elles se manifestent dans l’idée de Dieu. Si de ma pensée seule je puis tirer l’idée de quelque chose, il s’ensuit que tout ce que je reconnais clairement et distinctement appartiennent à cette chose là. Ainsi toutes les fois qu’il m’arrive de penser à un être premier et souverain, et de tirer, pour ainsi dire, son idée du trésor de mon esprit, il est nécessaire que je lui attribut toutes sortes de perfections immanentes à sa nature. Mais comment ai-je acquis l’idée d’un Dieu souverainement parfait ? Descartes exclu d’entrée de jeu la voie des sens, des idées factices et adventices : « Car il n’est pas à mon pouvoir d’y diminuer ou d’y ajouter aucune chose » p.129. Car elle est née et produite avec nous dès lors que nous avons été crées. Et pour Descartes, l’on ne saurait avoir l’idée de Dieu s’il n’existait pas réellement. Toutes les perfections attribuées à dieu se situent dans l’idée que nous avons de lui.
Nous pouvons dire que chez Descartes, l’idée de l’être parfait est la seule de toutes nos idées qui contiennent l’existence. Car l’existence est une perfection[18]. Toutefois, peut on dire que l’argumentation cartésienne ne soufre d’aucune contestation ?

III- Evaluation critique

a) Les Mérites

Descartes a le mérite de nous avoir donné des arguments rationnels qui nous permettent d’affirmer l’existence de Dieu. Il a pour ainsi dire concrétisé voir parachevé l’action entreprise par Saint Anselme. Celui-ci avait proposé une théologie basée sur la raison. Par sa raison et avec les idées claires et distinctes, l’homme découvre l’être suprême qui se trouve en lui depuis son existence.

b) Limites

Le fait Descartes parte tout simplement d’une idée pour affirmer l’existence de Dieu ne nous semble pas judicieux. En effet, il est anormal de partir de la pensée pour affirmer quelque chose sur le réel. De plus, l’existence n’est pas un attribut réel. C’est dans ce sens que Kant dira que « l’existence n’est pas une perfection ni un concept, nous ne pouvons pas de la considération de l’essence rien conclure au sujet de l’existence »[19]. Et à David Hume d’ajouter qu’ « il n’y a pas d’idées innées. L’expérience ne peut pas nous rendre compte de l’idée de Dieu.»[20] De plus, l’expérience étant nécessairement finie peut elle remplir le concept d’un Dieu infini ?

Conclusion

Arrivée au terme de notre travail sur les preuves de l’existence de Dieu chez Descartes, nous voyons qu’il est impossible à Descartes de penser Dieu autrement que comme existant car s’il le pensait autrement, il ne s’agirait plus de Dieu, parce que celui-ci à la propriété d’exister de toute Eternité. Il en découle que Dieu existe nécessairement. Ainsi, ceux qui affirment que Dieu n’existe pas ne parlent pas du même Dieu, mais seulement d’une parodie d’être suprême dont il est ensuite possible de nier l’existence. S’ils connaissaient le véritable Dieu, qui est parfait par nature, ils ne pourraient lui enlever l’existence. Descartes affirme aussi qu’il y a dans sa tête cette idée d’un Dieu infini. Or, puisque notre entendement est fini, il ne peut être l’auteur de cette idée. C’est là aussi une preuve ontologique, car elle revient à dire que si Dieu existe comme concept, il doit exister en réalité, car un tel concept ne pourrait autrement être pensé puisqu’il dépasse notre entendement.

Bibliographie

MICHEL A., Encyclopédia Universalis, Paris, Albin, 2000,
DESCARTES R., Méditations métaphysiques, Paris, GF Flammarion, 1979, 574 p.
DESCARTES R., Les principes de la philosophie première, Paris, Alcan, 1886, 111 p.
KANT, Œuvres philosophiques, T.1, Paris, Gallimard, 1980, 1795 p.
SEVE B., La question philosophique de l’existence de Dieu, Paris, PUF, 1997,


II. SPINOZA CONTRE LES PREUVES DE L’EXISTENCE DE DIEU

Introduction

Spinoza figure en bonne place parmi les philosophes qui ont marqué non seulement l’esprit de leurs contemporains, mais aussi celui des générations après eux. Redevable en sa philosophie à bien des penseurs de son temps et même avant lui, notamment Giordano Bruno et Descartes, Spinoza a su se singulariser et vivre une haute liberté envers et contre tous.[21] Il innove surtout dans sa façon de concevoir Dieu et le genre de rapport que les hommes devraient entretenir avec lui. Un rapport que Spinoza fonde par-dessus tout sur la liberté. Mais comment arrive-t-il à affirmer l’existence de Dieu ? Quel genre de rapport établit-il entre l’homme, Dieu et le monde ? Autant de questions qui l’ont préoccupé et dont il apporte rigoureusement sa réponse en appliquant une déduction géométrique. Notre travail va présenter cette réponse en considérant trois points : d’abord comprendre ce que sont l’erreur, l’idée vraie et la Vérité, puis connaître Dieu et ses attributs et enfin l’évaluation philosophique de cette théodicée.

I- L’erreur, l’idée vraie et la vérité

Spinoza pense que l’erreur n’est qu’une idée inadéquate, c'est-à-dire la privation de connaissance qu’enveloppe toute idée partielle, mutilée et confuse. C’est pourquoi, dit-il, « Je me trompe chaque fois que je ne sais pas suffisamment »[22]. Chaque fois aussi, dit Michel Albin, paraphrasant Spinoza, il y a erreur quand on se fie à une imagination naïve[23], c'est-à-dire celle qui ne fait pas l’objet d’une démarche rigoureuse et critique.
L’idée vraie par contre contient en elle-même sa puissance d’affirmation. L’idée est vraie non parce qu’elle correspond à un objet qui lui est extérieur, mais parce qu’elle est adéquate, c’est-à-dire qu’elle est un acte intégral de l’esprit.[24] Spinoza dit qu’une idée adéquate est « une idée qui […] a toutes les propriétés, ou dénominations intrinsèques d’une idée vraie »[25]. C’est l’adéquation où la vérité est intrinsèque à l’idée. Or la vérité est la marque d’elle-même, elle est par elle-même claire et évidente, car elle s’éclaire elle-même et éclaire l’erreur : d’où il suit encore évidemment qu’il suffit pour reconnaître la certitude de la vérité, d’avoir l’idée vraie de l’objet, et qu’il n’est besoin d’aucun autre signe.
L’idée vraie parfaite c’est la Vérité ou Dieu. Spinoza dit à ce propos : « Dieu ou ce qui pour moi est exactement la même chose, la vérité ».[26] Ce sera alors par une logique rigoureuse, la déduction géométrique, que nous serons conduits à la certitude de la vérité, en possédant les essences objectives des choses. Ainsi, selon Spinoza, à l’ordre subjectif de nos pensées répond l’ordre objectif des choses, de la nature. Entre les objets réels que nous pensons et nos pensées, il y a donc une identité de rapport.

II- LA CONNAISSANCE DE DIEU ET SES ATTRIBUTS

Pour établir la réalité de Dieu, Spinoza passe par l'idée claire de substance et en déduit deux propositions à savoir, la réalité de Dieu, et la coexistence du monde fini et de Dieu infini. Expliquons davantage chacune de ces propositions.

II – 1 La réalité Dieu

Nous nous servons ici de deux points pour cerner la réalité de Dieu chez Spinoza d’abord de la notion de la substance ensuite de celle de la connaissance de Dieu.

II -1 -1 L'existence nécessaire de la substance

L'idée claire de substance est celle d'un être qui n'a besoin de personne pour exister. Il est question de l'Etre parfait qui existe par soi. L'existence réelle de cette Substance, de cet Etre parfait s'implique de cette définition. « J’entends par substance, écrit Spinoza, ce qui est en soi et est conçu par soi : c'est-à-dire ce dont le concept n’a pas besoin du concept d’une autre chose, duquel il doive être formé »[27]. Car poser sa définition c'est poser son existence réelle. Or l'idée claire est infaillible et par intuition nous connaissons que la Substance existe réellement dans la réalité. Quelles sont alors les qualités de cette Substance ?
Ses deux qualités sont l’infinité et l’unicité. La Substance dont toute la définition est d'exister par soi n'est non-être d'aucune façon. Elle n'est pas être fini qui connaît limitation et non-perfection. La Substance est donc par définition infinie. Cette Substance est également unique, c’est pourquoi il ne peut y avoir une deuxième substance. Au quel cas cette dernière serait finie et imparfaite, différente de la première. Alors il n'y a qu'une seule Substance unique et infinie. Cette Substance c'est Dieu, Etre nécessaire, infini, unique, simple, immuable, éternel, souverainement indépendant. C’est un Dieu tout-puissant. Spinoza affirme à ce propos que « la toute-puissance de Dieu a été en acte de toute éternité et demeure pour l’éternité dans la même actualité ».[28]

II - 1 – 2 Connaissance humaine de Dieu

Nous ne pouvons connaître Dieu qu'en saisissant son essence par ses attributs. L'essence d'un être n'est en effet connaissable que par ses attributs. Mais Dieu ne saurait avoir une essence définissable par la connaissance d'attributs propres. L'âme par exemple est définie par la pensée, ce qui implique sa finitude. Mais Dieu est infini et ne peut donc être connu par ses attributs. On peut avoir une idée de Lui selon deux conditions : en identifiant son essence avec son existence et en concevant tous ses attributs infinis. Dieu est un Etre parfait constitué par une infinité d'attributs infinis chacun dans son état. Les attributs connus de Dieu sont la pensée et l'étendue et ce sont les seuls qui constituent notre monde. Qui est donc Dieu en définitive ?
Dieu, Substance ou Etre nécessaire, infini et unique, connaissable en droit par une infinité d'attributs ou idées claires, nous est connu en fait par deux attributs : la pensée et l'étendue. Dieu c’est la Nature. Mais la Nature ici n’est pas seulement les réalités de notre univers, mais elle inclut une infinité d’univers.

II – 2 Coexistence du monde fini et de Dieu infini

II – 2 – 1 Distinction du monde et de Dieu
Conscient que Dieu est l'unique Substance, il faut admettre qu'il existe le monde et tous les êtres finis qu'il contient, des êtres mobiles et contingents. Telles sont deux évidences qui se concilient en un seul Etre ou Substance, mais de deux natures distinctes : La nature divine, natura naturans qui est constituée par les attributs et est absolument simple et immuable ; la nature créée, natura naturata, qui est constituée par des modes ou réalités qui ne peuvent exister en soi, mais seulement en Dieu et par Dieu. Les modes sont finis et constituent les choses dont nous avons l'expérience. Entre l'immuable essence de Dieu et les réalités contingentes, il y a une série d'intermédiaires à la manière de Plotin. Ecoutons Spinoza à ce sujet :

Notre âme, en tant qu’elle est capable d’intellection (qu’elle est un intellect), est un mode éternel du penser, qui est déterminé par un autre mode du penser, et celui-ci, à son tour, par un autre, et ainsi à l’infini ; de telle sorte que tous ensemble ils constituent l’intellect éternel et infini de Dieu.[29]

Il y a les modes finis et les modes infinis. Les êtres parfaits émanent directement de chacun des attributs divins; puis jaillit une série mobile des modes finis. Les modes infinis quant à eux sont dépendants et subordonnés aux attributs.

II – 2 – 2 Emanation ou création du monde

D'où viennent les différences entre les natures ? Pour Spinoza, elles ne sont ni de la volonté de Dieu, ni de celle des autres modes inférieurs, mais plutôt de la fécondité infinie et simple de Dieu. « De même que d'une vérité découle nécessairement une infinité de conclusion, de même de chaque attribut divin découle une infinité de modes correspondants »[30]. Notre monde manifeste est construit avec deux modes, la pensée et l'étendue. Mais il y a plusieurs autres mondes pour manifester les autres attributs divins. Cette manifestation est nécessaire. Ainsi la contingence et la liberté n'existent pas en réalité. Nous en avons l'illusion parce que nous ne connaissons qu'une minime partie de la série infinie de modes. Car tout émane des attributs et leurs modes, selon une logique inflexible. La création est donc cette évolution fatale du monde. C'est la participation formelle à l'œuvre divin et non une production ou action de Dieu. Ce qui entraîne plusieurs conséquences psychologiques.

II – 2 – 3 Conséquences psychologiques

Notre âme et notre corps ne sont plus que deux modes de l'unique Substance divine. Nos pensées et nos actions ne relèvent pas de la liberté, mais sont soumises à un déterminisme rigoureux. Il y a donc union de l'âme et du corps qui s'identifient dans la simplicité des attributs divins. Cette union est la raison de la limitation et de l'inadéquation de nos connaissances intellectuelles. En effet la connaissance adéquate doit exprimer en même temps l'objet de l'idée, la cause ou la raison de cet objet. Ce qui ne se réalise pas toujours. L'âme ne connaît qu'à travers le corps et de manière confuse et inadéquate, et par conséquent, sujette à l'erreur. Ces connaissances sont « comme des conséquences séparées de leur prémisses ».[31] C'est pourquoi l'erreur n'est plus la volonté libre ou absence du système. Elle est la situation inférieure, bornée et incomplète, vis à vis de tout divin, de ce mode spécial, de pensée qui constitue notre âme spirituelle. Voilà la raison de la servitude des hommes. Cependant on peut résoudre cet esclavage par l'expérience, la science, mais surtout par l'intuition des idées claires infailliblement vraies. Seule l'intuition sait considérer toute chose au point de vue divin.


III- INTERET PHILOSOPHIQUE

III -1- Mérites

Spinoza est remarquable dans sa manière de prouver rationnellement l’existence de Dieu. Il donne ainsi l’exemple d’une fidélité et d’une foi indubitable en la raison humaine. « La vraie philosophie doit être géométrique »[32], dit Catherine Roux-Lanier parlant de Spinoza. C’est la liberté qui le caractérise et influence manifestement sa conception de Dieu. Autant Dieu est libre par rapport au monde, autant le monde est libre par rapport à lui. Seule une logique inflexible doit justifier les rapports nécessaires qui peuvent exister entre les différentes créatures ou modes et Dieu. Spinoza s’est ainsi bien démarqué de la conception classique de la religion. Le Dieu de Spinoza, étant nécessairement principe premier, cause universelle, doit être présent à tout ce qui existe, et doit même être plus présent aux êtres qu’ils ne le sont à eux-mêmes, puisqu’ils n’existent et ne subsistent que par l’effet d’un continuel influx de la puissance créatrice. Une manière de parler de Dieu qui permit à la postérité de dire avec Renan que « c’est ici peut-être que Dieu a été vu de plus près »[33]. Aussi, rien n’est – plus vrai que de dire qu’en lui nous avons la vie, le mouvement et l’être. Ce Dieu là est immanent, présent et semble s’accomplir dans cet état. Son immanence est si affirmer au point de n’avoir plus de transcendance. Spinoza met en plus un point d’honneur en la recherche de la loi qui nous commande afin de mieux la respecter à la lettre. C’est pour lui la condition pour vivre mieux c'est-à-dire rationnellement, en homme sage.

III - 2 limites

Il ne manque pas de point à critiquer dans la philosophie de Spinoza. En ce qui concerne sa conception de la Substance, de Dieu et du monde, nous retenons les quatre critiques suivantes :
D’abord sa démonstration sur la substance ne tient pas en compte le fait que la Substance se manifeste de plusieurs manières, pas seulement selon la déduction. Nous concédons à la déduction de l'unicité et de l'infinité de Dieu de ce qu'il réalise pleinement la notion de Substance. Mais il faut distinguer dans la Substance deux manières de se manifester : la manière absolue et infinie en Dieu et la manière finie et participée dans les créatures. C'est la thèse pluraliste qui accepte la valeur de l'expérience comme source d'infaillible vérité. Ce qui est une méthode opposée à celle de l'idée claire et vraie soutenue par Spinoza.
Critiquons ensuite sa conception de Dieu. En affirmant en effet l'attribut étendue de Dieu il implique l'idée de la matière, ce qui est incompatible avec sa perfection. Il faut donc affirmer avec Thonnard que « Dieu ne possède pas formellement selon sa définition, cette propriété d'étendue. »[34] Dans le ca contraire, même prise au sens infini, l’étendue de Dieu impliquerait son imperfection.
Nous pouvons en plus noter qu’au sujet de la création du monde, la question de l'existence de la nature de Dieu et de la nature créée n'est pas résolue. Si en effet Dieu est immuable, il ne peut constituer la natura naturata. Mais celle-ci reste réellement produite, existe à part. Il faut dont introduire ici la notion de causalité efficiente et celle d'être participé qui brise de fait le cadre de l'idée claire et vraie devenue trop étroite.
En fin remarquons que dans l’ensemble, immanence et transcendance sont deux aspects inévitables et solidaires d’une notion de Dieu conforme à la fois aux données de l’expérience et aux exigences de la raison. Faute d’immanence, Dieu est étranger à l’univers et il n’est ni infini ni parfait. Faute de transcendante, Dieu devient identique à l’univers et de nouveau il apparaît comme imparfait, comme potentiel et en devenir. Chaque fois donc on nie implicitement Dieu, si bien que, comme le montrait Malebranche dans Entretiens sur métaphysique, VIII, 9, tout panthéisme, dans lequel est classée la pensée de Spinoza, est une forme d’athéisme. Ce qui est essentiel ici c’est qu’on entende correctement les idées de transcendance en plus d’immanence, quand il s’agit de Dieu.

CONCLUSION

Au terme de notre analyse, retenons que la philosophie de Spinoza évite la contradiction immédiate. Mais son développement aboutit à des antinomies qui sont bien des thèses contradictoires. Ainsi son Dieu est infini instantanément et connaît aussi l'étendue des corps. Comment concilier aussi l'essence divine, cause parfaite qui ne manque de rien, avec les différents modes limitées qui en découlent ? Autant de contradictions qui infirment la logique de Spinoza. La théologie catholique traite ce problème en affirmant le mystère de l'Incarnation où il y a unité. Il y a alors eu une seule multiplication. Mais pour Spinoza il y en a eu autant qu'il en existe de mode. Spinoza, comme en général le panthéisme, reste faux avec sa notion de la non responsabilité. Les hommes sont responsables, d'abord individuellement. Il faut être un existant pour agir et en toute responsabilité. Ainsi Spinoza incarne donc la fin malheureuse de la philosophie moderne poussé à l'extrême.

BILIOGRAPHIE

ALBIN M., Dictionnaire des philosophes, Paris, Ed. Albin Michel, 2001, 1704 p.
BARAQUIN N.et LAFFITTE J., Dictionnaire des philosophes, Paris, Armand Collin, 2002, 341 p.
MALBRANCHE, Entretiens sur métaphysique, VIII, 9.
MILLET L., Pour connaître Spinoza, Paris, Bordas, 1986, 125 p.
MOREAU J., Spinoza et le spinozisme, Paris, PUF, Coll. Que sais-je ?, 1971, 127 p.
SPINOZA B., L’Ethique, Traduction par Robert MISRAHI, Paris, PUF, 1990, 497 p.
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ROUX-LANIER C., (sous la dir.), Le temps des philosophes, Paris, Hatier, 1995, 640 p.
THONNARD J., Précis d'histoire de la philosophie, Paris, Desclée et Cie, 1945, 1011 p.
VERGEZ A. et D. HUISMAN, Histoire des philosophes illustrés par les textes, Paris, Fernand Nathan, 1966, 444 p.


III. KANT CONTRE LES PREUVES DE L’EXISTENCE DE DIEU

INTRODUCTION

Emmanuel Kant naquit à une période où la conscience et la pensée dans son pays natal l’Allemagne subissaient un grand ébranlement du piétisme et du rationalisme. A cet effet, sa vie intellectuelle ou philosophique ne fut pas épargnée par cette influence. Parvenu à la maturité, l’effort de Kant dans sa pensée philosophique va consister à rompre avec le dogmatisme des rationalistes et de refonder la métaphysique. Ainsi, il va rejeter toute la pensée traditionnelle sur Dieu ainsi que toute théologie spéculative et ses prétentions de connaître objectivement Dieu ou de prouver son existence. Le discours métaphysique selon lui ne peut constituer un savoir mais plutôt une croyance. Notre étude étant celui de présenter la critique kantienne de la théologie philosophique, en particulier de toutes les preuves de l’existence Dieu, il sera nécessaire pour nous de saisir tout d’abord sa critique transcendantale de la raison et sa conception de Dieu et de la religion qui nous permettront de mieux saisir les raisons de son rejet de toute preuve de l’existence de Dieu. En fin de compte, nous en dégagerons un intérêt philosophique.

I La philosophie transcendantale de Kant
1. La critique transcendantale Kantienne de la raison

Répondant à la question « que puis-je connaître ? », Kant dans son ambition de refonder la métaphysique opère un examen critique de la raison en délimitant son pouvoir et en montrant ses limites. Car selon lui, en dehors de l’expérience, la raison humaine est vouée à des illusions naturelles et inévitables[35]. L’usage légitime de la raison se situe désormais au niveau du phénomène c’est –à -dire à tout objet d’expérience possible. Tandis que les noumènes ou choses en soi sont inconnaissables, non accessible à la connaissance, au pouvoir de la raison. Kant distingue deux sources de la connaissance qui sont la sensibilité dont les deux formes a priori sont l’espace et le temps et l’entendement (ou encore intuition et concepts) qui sont nécessaires et inséparables dans toute connaissance car « sans la sensibilité nul objet ne nous serait donné, et sans l’entendement nul ne serait pensé »[36]. Toute sa préoccupation dans Critique de la raison pure sera de développer une nouvelle doctrine de la pensée, la « logique transcendantale » qui va rechercher la validité des propositions non sur la base de la forme mais sur le point de vue du contenu. D’où cette distinction entre jugements analytiques et jugements synthétiques. Les connaissances métaphysiques auront donc un caractère a priori et seront valides synthétiquement et non analytiquement. Les questions métaphysiques pour Kant ne sont pas de l’ordre de la connaissance mais plutôt de la croyance. Ainsi, les concepts de Dieu tout comme la liberté et l’immortalité de l’âme constitueront les postulats de la raison pratique. C’est donc dans l’ordre de la raison pratique, que peut prendre sens la question kantienne : « Que m’est-il permis d’espérer? ».

2. Conception kantienne de Dieu et de la religion
Déjà avant son tournant critique, Kant se prononce en faveur de l’existence de Dieu. Ainsi dans son ouvrage écrit en 1775 intitulé : De la preuve de Dieu selon le Nouvel Eclaircissement des Premiers Principes de la Connaissance métaphysique (Nova Dilucidatio), il présente Dieu comme Créateur, « omnisuffisant » et Esprit. Sa révolution théologique ne consistera pas renier Dieu comme Etre suprême de la pensée mais de refuser qu’il soit sujet de démonstration. Ce qui justifier sa critique de toute théologie fondée sur des principes spéculatifs de la raison. Dieu est un idéal transcendantal et non une idée transcendante, Idéal qui est légitimé par la raison pratique. C’est pourquoi Kant définit la religion comme étant « la connaissance de tous nos devoirs comme commandements divins »[37]. Le vrai culte selon lui est le culte moral car Dieu est garant de la moralité et le seul moyen de le servir est de bien agir. Dieu est un Etre qui ne peut être détaché de ses attributs ni déterminer dans toute sa perfection inconditionnée avec tous ses prédicats. « Le concept d’un tel être est celui de Dieu conçu dans un sens transcendantal et ainsi l’idéal de la raison est l’objet d’une Théologie transcendantale »[38]. Pour Kant : « il est absolument nécessaire que l’on se pénètre de l’existence de Dieu, il n’est pas nécessaire qu’on la démontre ».[39] En d’autres termes, il est indispensable de se convaincre de son existence mais pas indispensable de la démontrer. Et s’il faut la démontrer, cette démonstration doit être d’une rigueur implacable. De toutes les preuves traditionnelles de l’existence de Dieu, Kant retiendra trois qu’il essayera dans son œuvre Critique de la raison pure de présenter leur impossibilité.

II Critique kantienne des preuves de l’existence de Dieu

1. Critique kantienne de la preuve ontologique

Kant dans sa réfutation de la preuve ontologique, va à l’encontre de ses prédécesseurs en particulier Anselme et Descartes qui ont voulu déduire l’existence de Dieu à partir de son seul concept. Pour lui, le concept d’un Etre suprême est un concept de pure raison, une simple idée. Il n’y a aucune possibilité de connaître l’existence des objets de pensée. Ainsi donc : « Etre n’est évidemment pas un prédicat réel, c’est –à –dire un concept de quelque chose qui puisse s’ajouter au concept d’une chose ».[40] Il considère l’existence non comme une propriété des choses mais comme une modalité qui se donne dans une perception immédiate. Kant pense que les principes rationnels jouent seulement un rôle régulateur de l’expérience. On ne peut donc pas s’en servir pour démontrer quelque chose qui est en dehors de l’expérience. L’erreur de l’argument ontologique réside dans le fait de supposer l’existence comme une réalité, une perfection. Dans : « Dieu est », « est » est prédicat grammatical et non réel. Chez Kant, la réalité appartient à la catégorie de qualité. Or l’existence ne désigne pas une qualité possible. On doit donc considérer l’énoncé « Dieu existe » comme analytique et non synthétique ne pouvant être prouvé par la pensée pure. L’argument ontologique pour Kant fait « dépenser en vain toute la peine qu’on se donne et tout le travail que l’on y consacre »[41].

2. Critique de l’argument cosmologique

La preuve cosmologique pose l’idée d’un Etre absolument nécessaire qui est à l’origine de toute chose. A la différence avec la preuve ontologique qui part de la réalité suprême à la nécessité de l’existence, cette dernière conclut d’abord de la nécessité inconditionnée de quelque être à sa réalité illimitée[42]. Elle se formule ainsi : « Si quelque chose existe, il faut aussi qu’existe un être absolument nécessaire. Or, j’existe du moins moi-même. Donc, il existe un être absolument nécessaire »[43]. Pour Kant cette preuve qui repose sur des principes illusoires ne trouve sa force que dans l’argument ontologique. Car premièrement le principe transcendantal qui nous amène à conclure du contingent à une cause d’une manière purement intellectuelle ne peut produire aucune proposition synthétique telle celle de la causalité. En plus, le principe qui nous sert de conclusion à l’impossibilité d’une série infinie de causes dans le monde sensible a une première cause que nous ne pouvons étendre à l’expérience sensible. Il y a en troisième lieu le faux contentement de soi-même de la raison qui achève cette série de cause parce qu’elle ne peut plus rien comprendre. Et enfin la confusion de la possibilité logique d’un concept réel avec la possibilité transcendantale qui pour une synthèse a besoin d’un principe qui ne peut s’appliquer dans l’expérience possible[44]. La preuve cosmologique ne fait qu’éviter l’existence d’un être nécessaire a priori à travers de simples concepts dont la preuve ontologique a été incapable d’en prouver. Pour Kant : « le concept de l’Etre suprême satisfait bien a priori toutes les questions qui peuvent êtres proposées au sujet des déterminations internes d’une chose… Mais il ne satisfait pas à la question qu’on élève à sa propre existence, et c’était pourtant la chose qu’on lui demandât »[45].

3. Critique Kantienne de la preuve physico théologique

Selon Kant, la preuve physico-théologique ne peut à elle seule démontrer l’existence d’un Etre suprême et doit donc laisser à l’argument ontologique, la seule preuve possible, la tâche de combler cette lacune. Mais toutefois, il reste que si cette preuve était impossible, il n’ y aurait plus une autre preuve suffisante émanant de la raison spéculative favorable à l’existence d’un être correspondant à l’idéal transcendantal[46]. En effet, l’argument physico-théologique selon Kant repose sur quatre principaux moments à savoir : dans un premier lieu l’existence d’un dessein dans l’ordre naturel qui implique une finalité, un but. En deuxièmement, l’ordre n’est pas inhérent aux choses, et ne leur appartient que de façon contingente. Le troisième moment explique qu’il existe une cause sublime et sage qui est la cause du monde comme une intelligence agissant par sa liberté. Le quatrième et dernier moment montre que l’unité de la cause découle de celle de son effet[47]. La critique kantienne consiste à monter que la théologie physique ne peut pas donner une conception déterminée de la cause suprême du monde, ni être suffisante pour constituer un principe de la théologie. Le pas qui élève jusqu’à la totalité absolue est entièrement impossible par la voie empirique[48]. Si une fin l’est de quelque chose et qu’il est nécessairement qu’elle ne l’est pas de n’importe quoi, mais de celui pour lequel cette fin est appropriée, il est impossible que cette tendance ne vise qu’une finalité générale abstraite ou inexistante. La preuve physico-théologique toute comme les deux autres échoue à prouver l’existence de Dieu.

III Intérêt philosophique
Nous reconnaissons chez Kant le mérite d’avoir apporter une grande rénovation dans la pensée moderne. Ceci a permis de limiter les prétentions du rationalisme dogmatique. En cherchant à comprendre « comment les jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ? », Kant ferme la voie à une métaphysique dogmatique (rationaliste et réaliste) qui prétend connaître a priori l’être soi et ouvre la voie à la métaphysique idéaliste qui consiste seulement à développer et à faire un inventaire des principes purs de la connaissance. La théologie philosophique kantienne nous permet d’établir une nuance entre le transcendant et le transcendantal, entre Dieu et la religion, entre la religion révélée et la religion naturelle. Ou encore entre théologie transcendantale et théologie naturelle. L’autre importance de l’idéalisme transcendantal selon Pierre Laberge est « qu’il libère la raison de l’antinomie ; il permet de penser la liberté comme non contradictoire. Enfin l’idéalisme transcendantal absout de toute contradiction de l’existence absolument nécessaire du Dieu extramondain et moral »[49].
En outre, la pensée de Kant en occurrence sur le problème de Dieu subira un dépassement fatal par sa postériorité à l’instar de Hegel qui va instaurer un système qui réconcilie le rationnel (l’idéal) et le réel, la nature et l’esprit, le fini et l’infini. Pour Hegel, la raison a la capacité de tout connaître, une raison capable de pénétrer même l’irrationnel. Dieu est résultat et non une perfection située au-delà du monde[50]. Kant en réfutant l’argument ontologique et en plaçant le concept de Dieu dans la raison pratique, contourne la question de son existence.

Conclusion

Kant a apporté une terrible révolution dans la philosophie occidentale particulièrement dans le domaine de la théologie philosophique. L’Idéal transcendantal qu’il nomme Dieu n’est pas de l’ordre de la réalité mais un postulat de la raison pratique. Ce qui explique son rejet de toute démonstration de Dieu. Mais il ne réfutera néanmoins pas l’hypothèse d’une existence absolument nécessaire hors du monde et créatrice des choses en soi et dont l’appréhension relèvera désormais du domaine de la morale et non de la pensée pure. A cet effet, il est loin de prôner un athéisme même si la morale pour lui est indépendante de la religion et qu’il n’est pas nécessaire de croire en Dieu pour agir moralement car Dieu selon Kant reste un « idéal » pour la raison et celle-ci ne peut ni démontrer son existence, ni démontrer son inexistence. Toutefois, si le concept de Dieu appartient à la raison pratique et non à la raison spéculative, Kant ne résout pas le problème de l’existence de l’Etre nécessaire formuler par l’argument ontologique qu’il considère invalide. De ce fait, le problème de la métaphysique occidentale concernant le Dieu des philosophes et celui des croyants demeure d’une grande ampleur.

IV. HEGEL CONTRE LES PREUVES DE L’EXISTENCE DE DIEU


V. LE MELIORISME ET LE MEILLEUR DES MONDES POSSIBLES

Introduction

Le mythe religieux de la création du monde que nous trouvons aux deux premiers chapitres de la Bible tente de répondre aux nombreuses questions que se posent les hommes au sujet du mal. Au XVIIIè siècle, Leibniz qui sut mettre son génie de logicien au service de la religion affirmera dans Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal (abrégé Théodicée) que : « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». Affirmation qui semble mal venue lorsque du point de vue empirique le monde est miné de maux. On peut alors se poser les questions suivantes : Sommes-nous vraiment dans le meilleur des mondes, n’y aurait-il pas mieux ailleurs ? Ne devons-nous pas plutôt travailler à rendre ce monde meilleur ? D’où le thème que nous développons ici, à savoir : le meliorisme et le meilleur des mondes possibles. Notre analyse s’étendra sur quatre étapes : la question du mal chez Leibniz, le Dieu de Leibniz et le Dieu des chrétiens, le meilleur des mondes et le meliorisme, enfin l’Intérêt philosophique et critique.

I- La question du mal chez Leibniz
La question du mal est le problème philosophique qui a le plus préoccupé Leibniz. Les premières tentatives de justification de l’existence du mal sont religieuses et symboliques. « Dans la tradition judéo-chrétienne, c’est la Genèse qui offre avec le péché originel une réponse à la question. Car Dieu a crée l’homme libre, c’est l’usage de sa liberté par l’homme qui est la cause de l’apparition du mal sur terre »[51]. Leibniz reprendra ces tentatives de justification pour chercher un fondement rationnel, en expliquant l’existence du mal par une conception dite optimiste. Il pense que si le mal existe c’est parce qu‘il est nécessaire à l’accomplissement de bonnes actions supérieures puisque Dieu ne peut moralement qu’avoir choisi le meilleur des mondes possibles.[52] Pour lui, cette justification du mal dépasse la simple explication de contraste non seulement le mal est nécessaire pour permettre à l’homme de découvrir le bien, mais il est aussi nécessaire à l’accomplissement de ce bien. Mais d’où vient le mal ?

1- L’origine du mal
Si Deus est, unde malum ? Si non est, unde bonum ?[53] Les Anciens attribuaient la cause du mal à la matière, ils croyaient que le mal était incréé et indépendant de Dieu, mais nous pour qui tout être dérive de Dieu, où situons-nous la source du mal ? La réponse est qu’elle doit être cherché dans la nature idéale de la créature, autant que cette créature est renfermée dans les vérités éternelles qui sont dans l’entendement de Dieu indépendamment de sa volonté. Car, il faut considérer qu’il y a une imperfection originelle dans la créature avant le péché, parce que celle-ci est essentiellement limitée, d’où vient qu’elle ne saurait tout savoir et qu’elle peut se tromper et faire d’autres fautes[54]. Par la suite, Leibniz rejette le principe cartésien que les erreurs dépendent plutôt de la volonté que de l’intelligence. Il distingue trois sortes de bien et de mal.

2- Le mal métaphysique, le mal physique et le mal moral

Le mal métaphysique selon Leibniz consiste dans la simple imperfection, le mal physique dans les souffrances et le mal moral dans le péché. Pour lui, le mal physique et le mal moral semblent moins fondamentaux et sont quelquefois traités comme de simples conséquences du bien et du mal métaphysiques. Or, quoique le mal physique et le mal moral ne soient point nécessaires, il suffit qu’en vertu des vérités éternelles ils soient possibles. Et comme cette région immense des vérités contient toutes les possibilités, il faut qu’il y ait une infinité de mondes possibles, que le mal entre dans plusieurs d’entre eux, et que même le meilleur de tous en renferme ; c’est ce qui a déterminé Dieu à permettre le mal.[55] Selon Leibniz, le mal métaphysique est la source de tout mal : Aussi, ce mal autrement dit limitation, quoique l’auteur hésite à le déclarer ouvertement est la source du péché et de la douleur. Le mal physique et le mal moral pour lui dépendent de l’imperfection ou de la limitation. « Leibniz n’appelle pas d’habitude l’opposé de celui-ci, bien métaphysique, mais perfection métaphysique.»[56]

3- Le bien métaphysique, le bien physique et le bien moral
Leibniz distingue trois espèces de bien qui correspondent à trois espèces de mal. Pour lui, le bien métaphysique s’identifie à la perfection, il le définit comme étant la quantité d’être ou de réalité positive. « Le Bien métaphysique se présente sous une forme absolue et sous une forme relative. Le Bien absolu, c’est Dieu, L’Etre souverainement réel, infiniment parfait. Le bien relatif est un bien fini, limité ; Il est donc nécessairement solidaire d’un certain mal métaphysique puisqu’il est imparfait, privé de quelque chose ».[57] Le bien et le mal sont donc en raison inverse l’un de l’autre. Plus il y a de bien dans une chose, moins il y a de mal et inversement, parce qu’il n’y a pas de mal absolu.
Le bien physique et le bien moral sont des cas particuliers du bien métaphysique : « Le bien physique, c’est le plaisir, qui n’est autre que le passage à une perfection clair ou plus distinct ; donc, à une plus grande perfection ».[58] Au contraire, le mal physique c’est la douleur, qui consiste dans le passage à une moindre perfection, à une perfection plus confuse. Leibniz dans les Nouveaux Essais affirme que le plaisir est un sentiment de perfection et le douleur un sentiment d’imperfection. Il range parmi les biens physiques non seulement les plaisirs, mais encore la santé. De même la maladie prend place parmi les maux.
Le bien moral consiste dans l’action vertueuse et le mal moral dans l’action vicieuse, c’est-à-dire dans le péché. Ils ne peuvent intervenir que chez les êtres intelligents et libres. Ce qui fait la gravité du péché, c’est qu’il introduit du mal, de l’imperfection dans l’univers et par suite vers l’œuvre divine. Il s’oppose à la bonté de Dieu, à sa Providence, qui tend à réaliser le meilleur. Bien choisir, nous dit Leibniz, c’est préférer la loi éternelle à toute autre chose. Cette loi éternelle est inscrite dans nos cœurs par Dieu, bien que ceux-ci se trouvent souvent obscurcis par la négligence des âmes et par leurs passions sensuelles.

II- Le Dieu de Leibniz et le Dieu des chrétiens
Le principe de la causalité stipule que rien n’arrive sans cause, et si l’on admet que Dieu est la cause première de toute chose existante, l’univers et tout ce qu’il renferme émane de lui, n’est-il donc pas évident de dire que Dieu est la cause du mal puisque c’est lui le principe de toute chose ? Mais Leibniz refuse cette affirmation en soulignant que : « Dieu n’est pas responsable »[59] du mal puisqu’il est juste et bon. Les différentes conceptions de Dieu nous montrent un Etre parfaitement bon, Etre par excellence, tout puissant. Il a crée l’homme libre en inscrivant dans son cœur la loi naturelle.

1- Le Dieu des chrétiens
Il s’agit ici de l’Etre centrale dans la foi selon la conception chrétienne, qui s’est manifesté d’abord par les prophètes, puis en Jésus-Christ son fils unique, comme lieu humain le plus expressif de sa présence et de son expérience symbolique la plus significative. Il est une Personne, un Dieu trine : Père- Fils- Esprit. Ce n’est pas un dieu panthéiste. Il est celui qui a crée et qui gouverne le monde et tout ce qui s’y renferme. Le Dieu des chrétiens est celui qui dit à Moïse à travers le buisson ardent : « Je suis celui qui suis.»[60] C’est selon saint Jean un Dieu Père, un Dieu Amour : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu! Et nous le sommes.»[61]

2- Le Dieu de Leibniz est-il le Dieu des chrétiens ?
L’orthodoxie de la métaphysique leibnizienne est mise en cause, elle implique logiquement le panthéisme et la nécessité brute, c’est-à-dire un fond de spinozisme que l’auteur s’est appliqué à combattre. Leibniz rend les monades dépendantes de Dieu quant à l’existence, à la substance, même à l’activité car il soutient que Dieu est présent en toutes choses et que tout est présent en lui. Certains disciples de Leibniz à l’exemple de Jalabert, veulent faire passer ce Dieu pour celui des chrétiens,[62] mais à bien voir ce n’est pas la même chose. Le dieu de Leibniz est un mathématicien, logicien, calculateur, rationnel, métaphysicien, il est une substance. C’est un Dieu guidé par la logique du meilleur. Partant des attributs de Dieu comme la bonté, la grandeur, la justice, la perfection, l’amour, le Dieu de Leibniz se confond au Dieu des chrétiens, surtout qu’il s’agit au début de sa théodicée du Dieu de Moïse, de Jésus Christ. Mais par la suite l’auteur nous présente un dieu conditionné. Ce qui nous mène à conclure qu’il n’est pas question du même Dieu ; pourtant nous constatons que le Dieu des chrétiens a eu sur le métaphysicien une très grande influence.

3- L’optimisme
Etymologiquement parlant, optimisme signifie meilleur. L’optimisme (qui est une des thèses fondamentale de Leibniz) désigne « une doctrine philosophique qui soutient que le monde tel qu’il est et devient ayant été crée par Dieu, est le meilleur des mondes possibles. C’est-à-dire que parmi les mondes possibles comparables ou compossibles entre eux Dieu a choisi l’ensemble qui contient la plus grande réalité ou perfection possible »[63]. Tout possible enveloppe une exigence d’existence et cette exigence est proportionnelle à sa quantité de perfection. Elle est réalité positive. Telle est la voie de l’optimisme. Nous avons aussi la voie théologique d’optimisme qui est l’aspect du mécanisme métaphysique. Ici, la bonté est un attribut essentiel de Dieu en tant que telle, elle est nécessaire et consiste dans l’Amour que Dieu porte à ses perfections. On peut constater que dans l’optimisme Dieu veut que tout soit bien d’une volonté antécédente et il veut le meilleur des mondes possibles d’une volonté conséquente. Dieu envisage un univers ou les voies manifesteront sa gloire, sa sagesse, ou la richesse des effets manifeste aussi sa puissance, sa bonté. L’optimisme devient donc le positif du mal qui est quelque chose de négatif. Car « si le mal était positif, il faudrait arriver à l’alternative suivante : Ou bien Dieu est l’auteur du mal ou bien il n’est pas le créateur de toutes choses. »[64] Dans cet optimisme, Leibniz s’oppose d’une manière absolue à la tradition scholastique en établissant un lien analytique entre la bonté de Dieu et la création du meilleur des mondes possibles. C’est pour cela qu’il affirme : « Dieu se devait en quelque sorte lui-même de créer et de créer le meilleur qu’il était déterminé à le faire volontairement, donc librement.»[65]

III- Le meliorisme et le meilleur des mondes possibles
Avec Leibniz nous comprendrons que Dieu a parfaitement accompli son œuvre et que le mal étant présent dans l’univers, les êtres raisonnables ont une contribution à apporter pour contribuer à la volonté antécédente de Dieu.

1- le meilleur des mondes possibles
La question des mondes possibles annoncée par Leibniz en 1697 dans son Rerum originatione radicali, fait du monde existant le meilleur des mondes possibles et montre que c’est parce qu’il a crée « le meilleur des mondes » que Dieu a conçu la possibilité du mal. Dans ce monde meilleur, la perfection divine se confond avec celle de l’art. L’auteur rêve d’un monde absolument parfait dans lequel le bien aurait été heuristiquement imparfait dans ses possibilités. Leibniz sera guidé par le principe de raison suffisante, dans ses recherches, ce principe parfois nommé « la raison déterminante »ou le « grand principe du pourquoi » stipule que rien n’est sans une raison qui explique pourquoi est plutôt qu’il n’est pas, et pourquoi il est ainsi qu’autrement.[66] De ce fait nous en déduisons que le philosophe ne nie pas que le mal existe, il affirme toutefois que tous les maux ne peuvent pas être moindre : ils trouvent leur explication et leur justification dans l’ensemble, dans l’harmonie du tableau de l’univers. « Les défauts apparents du monde entier, ces taches d’un soleil dont le nôtre n’est qu’un rayon révèlent sa beauté, bien loin de la diminuer »[67]. Pour répondre à Bayle sur la question du meilleur des mondes, il répond en établissant la démonstration suivante : Si Dieu existe, il est parfait et unique. Or, si Dieu est parfait, il est « nécessairement » tout puissant, toute bonté et toute justice, toute sagesse. Ainsi, si Dieu existe, il a par nécessité pu, voulu et su créer le moins imparfait de tous les mondes imparfaits, le monde le mieux adapté aux fins suprêmes. Aussi, Leibniz a voulu créer un système, un ensemble organisé de propositions et de thèses , de telle manière que chaque élément soit lié à tous les autres et au tout afin de rendre raison des choses et du monde. Il construit ainsi une métaphysique qu’à partir de la perfection et de la raison divine, veut expliquer le réel, les relations entre l’âme et le corps, la présence du mal dans le monde, le problème de la liberté humaine, la grâce, etc. Ainsi, pour opérer la conciliation entre le mal physique et le mal moral, Leibniz édifie une théodicée, une justification de Dieu destinée à prouver qu’il est innocent du mal du monde. Dieu a crée le meilleur des mondes possibles : la combinaison des monades formant l’univers résulte d’une harmonie préétablie. « Et la limitation ou l’imperfection originale des créatures fait que même le meilleur plan de l’univers ne saurait être exempté de certains maux, mais qui y doivent tourner à un plus grand bien. Ce sont quelques désordres dans les parties, qui relèvent merveilleusement la beauté du tout ; comme certaines dissonances, employées comme il faut, rendent l’harmonie plus belle. »[68] Ceci dit, le mal sert aussi pour goûter au bien. Dieu dans sa suprême sagesse jointe à la bonté ne pouvait que choisir le meilleur et s’il n’y avait pas de meilleur parmi les mondes possibles il n’en aurait point produit. La fable de Sextus à la fin de la Théodicée en est une illustration, ce monde est la source même du bonheur.

2- Le meliorisme
Qu’est ce que le meliorisme ? Le meliorisme est une morale de l’action. Le monde n’étant pas parfait, il faut travailler à son amélioration. Il est important pour éviter la confusion de distinguer meliorisme et optimisme qui désigne plutôt un état d’esprit selon lequel l’univers est perçu de manière positive. Les notions de progrès en politique, de développement ou d’amélioration sur le plan social, de transformation sur le plan religieux et bien d’autres notions, trahissent l’imperfection de ce monde ; d’où la nécessité de travailler avec bonne volonté pour cheminer vers la perfection. Le meliorisme consiste alors à agir moralement et raisonnablement pour favoriser l’évolution de l’univers et assurer à l’humanité des conditions de vie de plus en plus meilleures.
C’est à cet effet que Voltaire oppose au leitmotiv servi par Pangloss qui s’est nourri aux théories de Leibniz et qui soutient que « Tout est pour le mieux dans le meilleur des modes possibles », une série de catastrophes pour en tirer une leçon de sagesse pratique, celle ramassée dans la phrase de conclusion de son œuvre « Candide ou de L’Optimisme» : « ‘Il faut cultiver notre jardin’. Avec ces mots, Candide résume la position de Voltaire, qui consiste à substituer à la métaphysique, qui selon lui ne résiste pas à l’épreuve des faits, un empirisme plus à même de conduire sur la voie de la sagesse ».[69] Cultiver notre jardin signifie prendre du recul par rapport au problème métaphysique pour s’occuper davantage des choses que nous pouvons concrètement changer, améliorer pour faire évoluer la société et la rendre meilleure. La volonté est un atout très important pour la morale de l’action ; Nietzsche parle de volonté de puissance comme d’un devenir plus. C’est-à-dire que l’homme peut toujours faire mieux, pour se réaliser dans la plénitude et améliorer son état et son milieu de vie. Cette volonté doit être motivée par l’amour de Dieu qui ne peut trouver sa pureté lorsqu’il vient dans les créatures. Leibniz insiste alors sur les effets de cet amour : « par lui les créatures intelligentes travaillent activement à la réalisation de la gloire de Dieu et accroissent la richesse universelle. L’amour de Dieu produit dans l’univers crée une majoration, non un anéantissement ou une résorption. »[70] Chaque esprit est donc inviter à s’associer au développement du monde, car une part de perfection des choses est réservée à l’action des créatures rationnelles qui doivent travailler pour achever l’œuvre de Dieu.

IV- Intérêt philosophique et critique
En déclarant que nous sommes dans le meilleur des mondes possibles, Leibniz a rouvert un débat qui a été et qui demeure d’actualité ; car il s’agit de comprendre à la fois l’univers, l’homme et Dieu et de répondre à des questions du genre : peut-on concilier la bonté de Dieu avec l’existence du mal ? Ou encore, la liberté humaine et la toute puissance de Dieu sont-elles conciliables ? Répondre à ces questions n’est pas évident. Qu’à cela ne tienne, Leibniz dans la théodicée développe toute une justification de l’innocence de Dieu concernant le mal dans le monde. Cette analyse nous invite aussi à comprendre que : « Leibniz construit ainsi une métaphysique qui, à partir de la perfection et de la raison divine, veut expliquer le réel, les relations entre l’âme et le corps, la présence du mal dans le monde, le problème de la liberté humaine, la grâce et bien d’autres questions qui ont animé la philosophie du XVIIè siècle ».[71] Nous voulons bien être d’avis que ce monde est le meilleur, mais la réalité de l’univers ne nous laisse pas indifférents, l’expérience de l’homme prime sur la métaphysique. Si Dieu est innocent et surtout s’il est parfait, pourquoi tolère-il le mal ? Le monde devrait-il pas être aussi parfait que sont créateur ! C’est cette contradiction qui amène Voltaire à critiquer ironiquement Leibniz lorsqu’il affirme dans Candide que : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes »[72], alors que de part et d’autre de l’univers on assiste à toutes sortes de cruautés : guerres, catastrophes naturelles, souffrances de tous genres. On peut être tentés d’épouser l’ironie voltairienne, car le réel offre des armes pour détruire tout optimisme, le mal est partout. Et à Martin, la figure du savant dans Candide de dire : « Tout est mal dans le pire des mondes possibles. »[73] En effet la critique voltairienne de Leibniz repose sur un contresens, confondant les notions de perfection et d’optimum. Nous comprenons avec Leibniz que tout ne va pas à merveille et tout n’est pas parfait en ce monde. Le philosophe sait que tout n’est pas l’Eldorado ni une utopie de « roman », mais c’est l’univers réel, avec son cortège de maux et d’imperfections. L’erreur de Voltaire, réfutée à l’avance par Leibniz est de distribuer la perfection de l’ensemble de l’univers à chacun de ses éléments.

Conclusion
Pour conclure cette analyse portant sur le meliorisme et le meilleur des mondes possibles, il est important de noter qu’en réalité la formule « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » ne se trouve pas dans l’œuvre de Leibniz. On y trouve plutôt : « L’on a montré que cet univers doit être effectivement meilleur que tout autre univers possible »[74]. La formule voltairienne varie de celle de Leibniz par l’idée de pluralité. Le monde n’est certes pas parfait mais il est meilleur de ce qui pouvait exister ; nier la réalité du mal serait nier le fait que les hommes souffrent. Or en acceptant cette réalité, nous déduisons que le meilleur des mondes est à construire au quotidien. Ce monde peut être rendu meilleur par les actions des hommes, c’est là la thèse du meliorisme.

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VI. LE PROBLEME DU MAL EN OCCIDENT

INTRODUCTION

L’homme dans sa vie quotidienne expérimente le mal sous toutes ses formes : catastrophes naturelles, guerres, génocide, épidémie, angoisse, douleur, mort des innocents et d’autres formes de scandales tels que l’holocauste et les camps de concentration qui ont marqués l’Occident au milieu du XXè siècle.
D’autre part, l’histoire de la philosophie nous montre que certains systèmes métaphysiques du XVIIè siècle, centrés sur Dieu ont fait de lui Principe de toutes choses, Perfection et Bonté suprême.
Ainsi, l’homme se trouve coincé dans un dilemme : entre le problème du mal et celui de l’existence de Dieu. En effet, la condition miséreuse de l’homme et l’extravagance du mal dans le monde interrogent profondément la Bonté et la Toute Puissance de Dieu.
Si donc le problème du mal cohabite avec celui de l’existence de Dieu, comment les philosophes ont-ils concilié ces deux problèmes ? Quel a été l’influence du problème du mal dans la pensée occidentale ? Telles sont quelques questions qui vont guider la suite de notre travail.
Ainsi donc, notre travail sera divisé en trois moments : le premier moment sera consacré à l’analyse de la problématique que soulève le mal. Le deuxième moment sera consacré à la distinction des types du mal dans sa nature, et le troisième moment sera une présentation de quelques attitudes possibles face au problème du mal, nous montrerons enfin, l’intérêt de cette étude pour nous aujourd’hui.

I. Approche définitionnelle
Etymologiquement, le concept « mal » vient du mot latin « malum » qui signifie mauvais ou souffrance. Pris de façon relative, par rapport à un bien, le rationalisme philosophique classique considère le mal comme une privation du bien[75]. En lui-même, il peut être compris selon les distinctions faites par Leibniz : « soit comme« mal métaphysique » qui consiste dans la simple Imperfection, soit comme « mal physique », c'est-à-dire la souffrance, soit comme « mal moral » ou péché ». Mais, « pris absolument le mal se définit, dans une conception dualiste, s’inspirant du manichéisme, comme un principe opposé au bien, mais comme lui originel et éternel. En tant que valeur, le mal (comme le bien) a été défini dans une perspective d’athéisme philosophique, comme une simple extrapolation morale ou idéologique qui ne désigne aucune existence effective ou objective, mais exprime de façon normative un jugement sur sa vie , l’histoire ou l’existence humaine ».[76]
De ce fait, l’incompréhensibilité du mal pousse certains philosophes à mener une profonde réflexion sur l’existence du mal. Ces différents philosophes nous exposent ce qui était sous le voile d’ignorance puisque les uns pensent que l’auteur du mal ne peut être que le Créateur puisqu’il est à l’origine de tout ce que l’homme côtoie. Cela est à la base de la problématique autour de l’existence de Dieu.

I.2. La problématique que soulève le mal
Le problème du mal reste un problème dans ce monde où, semble-t- il, le mal se montre emporté sur le bien. C’est pourquoi souvent la question se pose de savoir comment le Créateur peut- il tolérer ce qui est intolérable pour les hommes. En plus, l’homme surtout les athées ne comprennent pas pourquoi Dieu n’a pas créé le monde où le mal n’aura pas sa place. Ainsi, la problématique que soulève le mal compromet en quelque sorte le travail de Dieu. Cependant, Rousseau est contre quand il stipule que «l’homme, ne cherche plus l’auteur du mal, cet auteur c’est toi-même…Le mal ne peut être que dans le désordre, et je vois dans le système du monde un ordre qui ne se dément point ».[77]A cet effet, l’auteur du mal est ni Dieu ni l’homme lui-même. Ainsi, pour expliquer le mal, il faut faire recours à la manière dont h’homme use sa liberté. Dans ce sens, comme nous dit Joachim Thomas « le mal peut s’expliquer comme une conséquence de l’agir désordonné de l’homme. Et comme la providence de Dieu respecte la liberté de l’homme, Dieu ne peut pas sans se contredire s’opposer absolument au mal qu’un homme veut faire ».[78] Ces différentes explications du mal de différents auteurs restent toujours insuffisantes car il n’y a pas une compréhension unanime du mal. Certains philosophes affirment donc l’existence du mal et cherchent à savoir qui serait son origine.
Dans cette perspective St Augustin dira « Puisque tout être, en tant que tel, est bon, le mal, dans la mesure où il existe, est du non être ».[79] Tandis que pour Descartes « selon la philosophie, le mal n’est rien de réel, mais seulement une privation ».Et Spinoza va ajouter ceci : « par le mal, j’attends tout genre de Tristesse et principalement ce qui frustre l’attente ».[80] Pour épouser cette idée Malebranche déclare que « le mal (…) se peut prendre en trois manières, ou pour la privation du bien, ou pour la douleur, ou enfin pour la chose qui cause la privation du bien ou qui produit la douleur. » Face à ce projet d’expliquer le mal et trouver son origine, François Varillon nous dira qu’il faut renoncer au projet de comprendre le mal.[81] Le mal n’est pas fait pour être compris mais pour être combattu. Car le mal est absurde et n’a pas de sens. Si tel est le cas, peut on alors renoncer à ce projet de comprendre le mal ?

Il est à dire enfin de compte, que le mal n’est pas un acte intentionnel de la part du Créateur ni le choix de l’homme pour sa propre destruction. Il faut donc dire qu’il n’y a pas un mal absolu, il n’y a que les conséquences des maux provenant de la liberté humaine, et Dieu respecte la liberté de l’homme. Ainsi, il convient de dire avec Meynard « Que l’homme soit capable d’échapper par sa liberté à l’amour infini de Dieu pour ses enfants, c’est assurément un mystère, mais qu n’est autre que le mystère même de la liberté humaine que Dieu a voulue et qu’il respecte, même dans ses révoltes ».[82] Mais, alors pouvons nous demander si cette liberté de l’homme est la cause du désordre dans le monde (qui a été voulu ordonné) se limite –t- elle seulement au choix entre le bien et mal ? A la suite de ce travail, toutes nos interrogations y trouveront des réponses en commençant par les divisions du mal.

II. Les différents types du mal
En traitant le problème du mal, nous venons de définir le mal selon les différents philosophes et dans le contexte historique. La question qui reste à se poser est celle de savoir si le mal a été considéré sous une seule optique. Physiquement, métaphysiquement et moralement, le mal serait-il le même ? C’est ce que nous allons essayer de répondre en donnant ces trois figures du mal qui semblent être distinguées chez la plupart des philosophes ; à savoir le mal physique, le mal métaphysique et le mal moral.
Le mal physique
Cette forme est la plus remarquable car, elle touche directement la sensibilité, on peut dire que c’est la forme empirique du mal. Les guerres, les épidémies, la faim, les catastrophes naturelles,… font l’expérience vécue par l’homme. Le mal physique joue directement sur le corps humain ou sur les biens matériels. Le mal physique est communément appelé la souffrance physique. Il se dévoile au commun comme il se dévoile aux savants. On n’a pas besoin d’être savant pour reconnaître la souffrance physique en tant que telle. La différence des visions chez les deux catégories des gens naît dans l’interprétation du mal et la recherche des causes ; dans ce cas n’est plus sur le plan physique mais plutôt sur le plan métaphysique, d’où le mal métaphysique.
Le mal métaphysique
Métaphysiquement parlant, le mal se comprend dans la création du monde ; il est l’imperfection de la créature. Pour certains philosophes, l’imperfection de la créature est nécessaire dans la mesure où elle permet la distinction entre le Créateur et la créature ou cause et effet[83]. Le mal métaphysique est le dérangement de l’ordre de la nature. Cette vision sur le mal n’est pas admise unanimement chez tous les philosophes. Spinoza, par exemple, dira que le bien et le mal ne sont que « des êtres de raison parce qu’ils ne sont intelligibles que par rapport »[84]. Donc, on comprend le mal par rapport à une autre chose qui est considérée comme bien et le bien par rapport à celle qui est considérée comme mauvaise. Chez Spinoza, le mal n’a aucun rapport avec la création divine. Chez Saint Augustin, le mal n’a aucune essence, c’est le rien. Ainsi il dit dans le Traité du Libre Arbitre, qu’ « après la suppression totale du bien, ce qui reste, ce n’est pas « presque rien », mais absolument rien »[85]. Ce mal chez Saint Augustin se comprend bien quand nous entrons dans le domaine religieux ou moral car cette suppression du bien résulte de l’usage de notre libre arbitre, dans le sens augustinien ou notre liberté.

Le mal moral
Comme nous venons de le dire, « le mal moral naît du mauvais usage de notre liberté »[86]. Dans (devant) le mal moral, notre responsabilité est interpellée car c’est à nous de bien ou de mal utiliser notre liberté. La première punition qui résulte de la mauvaise utilisation de notre liberté c’est le remord. Cette vision sur le mal moral est la même que celle de la philosophie morale kantienne. Ainsi, d’après Kant, le mal est la violation de la loi morale et « le problème du mal ne peut pas se résoudre qu’au sein de l’arbitre. C’est à lui que revient la décision des mauvais »[87]. Certaines théodicées vont présenter l’âme humaine comme si elle condamnée à faire le mal moral. C’est le cas de Proculus qui pense que « le mal résulte (…) de la descente de l’âme immortelle dans le devenir et de la présence de l’âme mortelle dans le corps »[88].
Dans toutes les trois catégories du mal, le problème du mal ne se pose qu’après avoir posé l’existence d’un Dieu Tout puissant et Bon. On se demande pourquoi un tel Dieu permet le mal. La religion qui ne considère que le mal moral (le péché) répond en disant que Dieu permet le mal moral par respect de la liberté dont il a doté les créatures raisonnables. Quant à la métaphysique, elle ne voit aucun mal car ce qui est considéré comme tel est une petite partie qui entre dans la constitution d’un ensemble qui est un tout bien. Le mal physique comme le mal moral c’est par rapport à un point limité et non dans leur aspect global[89]. Ces subdivisions du mal ne se laissent pas passer sans problèmes. Elles posent des problèmes qui ont des conséquences sur le plan théologique comme sur le plan philosophique.

III QUELQUES ATTITUDES POSSIBLES FACE AU PROBLEME DU MAL

Après cette différentiation du mal dans sa nature, nous voulons maintenant présenter quelques tentatives de résolution de cet épineux problème qui semble contrarier la nature humaine. Nous nous intéresserons davantage au mal subi dans sa triple dimension : physique (douleur), psychologique (souffrance) et sociale (rejet). Les hommes de tous les temps ont cherché par plusieurs moyens à le comprendre et à l’éradiquer. Nous parlerons du rôle des mythes, de la philosophie et de la religion, spécialement du christianisme dans la lutte contre le mal.
a- Le problème du mal et le mythe.
Face à l’angoisse du mal, le mythe se présente comme un issu heureux, grâce à son essaie d’explication de l’origine du mal. Mêlant dans une représentation imaginaire une histoire des dieux, de semi-dieux, de héros, il remonte souvent à un temps originaire, archaïque ; il se présente comme « le principe imaginaire d’une espérance sans laquelle l’humanité aurait succombé à l’insupportable lucidité de l’intelligence qui prévoit l’échec et la mort. »[90]
Le mythe présente toujours un monde créé dans un état de pureté où le mal n’existe pas, mais il ne tarde pas à surgir comme s’il était aux arguais. Il a donc une fonction fabulatrice qui « parait obéir à une dialectique contradictoire : dans un premier mouvement elle invente des dieux c'est-à-dire une existence délivrée de la douleur, de la faute et de la mort, et dans un deuxième mouvement elle soumet ces heureux au mal en leur prêtant une histoire et des passions.»[91] Le mythe a toujours servi à donner l’origine du mal, ce qui permet aux hommes de dissiper leur angoisse du mal, mais il est incapable de le résoudre. Il se présente comme une fuite de la réalité, un éternel sommeil voilà pourquoi Etienne Borne dit que : « A travers la mythologie, l’homme ruse esthétiquement avec le mal en feignant de regarder d’un œil contemplatif une réalité qui l’épouvante. »[92] Il est donc important pour l’homme de rechercher une autre sagesse plus apte à faire face au problème du mal.
b- La rationalisation du problème du mal
La question du mal est au centre même de la philosophie et constitue l’une de ses préoccupations majeures. C’est un problème existentiel qui puise ses racines dans les profondeurs obscures de la nature humaine et dans le recoin secret où se joue les rapports de l’homme et de la transcendance. La philosophie se présente donc comme une sagesse qui permet d’ « éluder le mal comme une rencontre insignifiante [ou] de le surmonter comme un obstacle vaincu [ou encore] de le dissoudre comme une apparence. »[93] Pour atteindre cet objectif, il est indispensable de prendre en compte trois modes : la Totalité, la Nécessité et la Beauté. Par le grâce du Tout, disparaissent le faux absolu du malheur et le mensonge du mystère d’iniquité : « pense au tout, pense le tout et ton mal sera sans importance ».La référence ? Par la Nécessité, le mal est pris dans les liens qui le rattachent à l’être et au bien : « adhérer à la nécessité, et ainsi abolir le mal ». La Beauté quand à elle demande à être contemplée pour sa propre gloire, puisqu’elle utilise savamment et innocemment laideurs et difformités et propose par là une rédemption intelligente du mal.
Cependant, il y a une autre attitude par rapport à la méditation sur le mal. Il s’agit de la négation de Dieu que l’on nomme athéisme. C’est « un mouvement de l’esprit qui s’émancipant des poésies primitives conclut de la positivité du mal au néant de Dieu ou plutôt de son absence absolue : être athée c’est donc supporter dans la sincérité de l’angoisse l’incompréhensible pesanteur que prend un monde vide d’un sens total, et donner à l’existence humaine, toute croyance défunte, un style à la fois de lucidité dans l’acceptation et de décision dans la révolte. »[94] L’athéisme a donc un triple rôle : il restaure la sensibilité au mal endormie dans les mythologies, rend possible le retour au Dieu immanent qui a pu s’appeler au long de l’histoire des sagesses âme du monde, intellect agent … et emprunte sa virulence à la puissance critique de l’idée de Dieu. C’est donc « par une sorte d’argument ontologique retourné que l’idée de Dieu prouve le néant de Dieu ou plutôt son absence. »[95] L’athéisme se révèle comme purificateur de l’esprit dans la mesure où elle demeure fidèle à son essence grâce à la jonction de l’ironie de l’esprit et du sentiment tragique de l’existence. Mais, il demeure certain que le problème du mal échappe à la raison. Car, face au scandale équerrant du mal, « il ne reste plus à la raison d’autre possibilité que de comprendre qu’elle ne le peut comprendre ; auquel cas l’unique compréhension philosophique que l’on puisse avoir du mal consisterait à rendre compte de son incompréhensibilité »[96]Il s’avère donc que la raison est incapable de résoudre le problème du mal.
3. Le problème du mal et le christianisme
Si le mal en déroute l’existence de Dieu, il n’en demeure pas moins vrai que seul les croyants ou mieux les chrétiens qui ont su donner un sens à l’existence semblent plus rassurant face à ce phénomène. Il importe d’écarter une certaine tendance masochiste qui consiste à attribuer une valeur positive au mal et la douleur, ce qui peut porter préjudice à l’homme en le rendant doloriste avec des comportements sacrificiels. En dépit de ce danger qui guette sérieusement le christianisme, Il se distingue des autres grandes religions qui ont souvent cherché à supprimer la souffrance. En effet, pour le christianisme, « le problème n’est pas de supprimer la souffrance, ce qui reviendrait à supprimer la réalité, mais d’en trouver le sens et de l’assumer ».[97] Pour eux, le mal n’est pas le dernier mot de l’existence. C’est l’existence concrète de Jésus de Nazareth qui est, pour le chrétien, la réponse au mal. En effet, « le Christ a vécu la souffrance et la mort physique sans se soustraire à leur scandale. Mais il en a changé le sens. Et c’est par là qu’il nous apprend à les vivre autrement ».[98]
Il ne s’agit pas évidemment d’une passivité qui donne au mal la possibilité de s’épanouir dans le monde mais d’un combat qui engage le chrétien dans la lutte contre tout ce qui opprime l’homme. Ainsi, « pour celui qui croit, la souffrance et la mort peuvent cesser d’être un obstacle pour devenir un chemin. L’espérance est donc une chance offerte à l’homme pour l’aider à faire face au problème du mal. Où se trouve la fin de cette citation ?

IV L’INTERET PHILOSOPHIQUE
Le problème du mal traverse de bout en bout l’existence humaine et prend de plus en plus des formes horribles en fonction de l’évolution de la société. Car, si les efforts sont faits pour éradiquer la douleur grâce au progrès de la médecine, des forces parallèles sont aussi engagées en vue des destructions massives de la vie humaine par exemple dans la fabrication d’armes.
Cette étude de la question du mal en Occident, nous a permet de voir comment aujourd’hui qu’hier, les différentes personnes ont essayé de faire face à ce problème qui demeure d’une actualité percutante. En outre, il est important dans une société comme la nôtre où le mal est omniprésent d’adopter l’une des maximes de la sagesse qui proposent de contempler la Beauté dans sa gloire, ainsi au lieu de voir et d’insinuer le mal partout, il serait mieux sans toute fois nier le mal, d’accorder un peu plus d’attention à ce qui est bien.
De même, savoir donner un sens à la souffrance et à la mort comme le propose le christianisme peut nous aider à sortir de l’angoisse paralysante qui est le lot quotidien des hommes de notre temps.

CONCLUSION
Au terme de notre travail, dont le thème principal consistait à traiter le problème du mal en Occident, il nous revient à dire que le concept du mal reste très complexe à cerner. Tout homme cherche à être heureux, mais sa vie de chaque jour se heurte contre le mal. Ainsi, le problème du mal se pose au cœur même de l’existence. Et en tant que problème existentiel, il préoccupe la philosophie au plus haut plan. Pour déterminer la nature du mal, son origine et son existence, nos remarquons une multitude de conceptions. Ainsi donc, dans notre travail, il a été question dans la première partie de faire une analyse du mal dans le sens étymologique et à travers certaines approches dont un grand portrait était la problématique que soulève le mal. Il s’agissait en dixième lieu de distinguer trois types de mal : le mal physique que l’on identifie à la douleur, le mal métaphysique qui est considéré comme l’imperfection et le mal moral que l’on nomme souffrance. Ainsi, à travers les époques certaines personnes ont cherché à comprendre le mal dans l’espoir de l’éradiquer. Dans ces tentatives, le mythe s’est avéré comme la plus vieille solution qui sort l’homme de l’angoisse tout en le conservant dans une forme de rêve qui le détourne de la réalité. La rationalisation du mal quand à elle a permis à l’homme de sortir du rêve grâce à une prise de conscience de la réalité du mal. Mais cette méditation sur le mal qui a conduit à évacuer Dieu de l’existence humaine et qui l’engage dans une lutte sans merci a abouti à la résignation qui est l’impasse même de la vie humaine. Le christianisme parce qu’il donne un sens à la souffrance se présente comme l’arme la plus authentique de lutte contre le mal. Cependant la question demeure : après des mille ans de christianisme, peut-on dire que l’angoisse du mal a diminué de peu dans le monde, même chrétien ?

VII. L’ATHEISME DE NIETZSCHE

INTRODUCTION

L’athée est en général celui qui nie l’existence de Dieu, ou qui prétend n’avoir besoin de Dieu ni pour expliquer le monde, ni pour fonder les règles de la conduite humaine. Il existe plusieurs sortes d’athéisme entre autres, l’athéisme qui nie totalement le Dieu de la religion établie, tout en laissant subsister la croyance, ne serait-ce qu’à un principe divin dans l’univers à l’instar du Dieu des philosophes, et l’athéisme qui nie d’une manière absolue l’idée même de Dieu. Nietzsche est classé dans cette deuxième catégorie. Partant d’un questionnement sur le destin, il nie l’idée d’un Dieu dont l’existence aurait une répercussion sur la vie des hommes, mais prétend éduquer un type d’homme le plus réussi, afin de le hausser jusqu’à l’affirmation dionysiaque, et de le rendre maître de la terre. Pour mieux appréhender cette conception nietzschéenne de l’athéisme, nous examinerons tour à tour la signification de la mort de Dieu, l’image qu’il donne de la religion et sa conception de l’homme, afin d’en tirer un intérêt philosophique.


I- LA MORT DE DIEU

La mort de Dieu chez Nietzsche est le refus de toutes les valeurs traditionnelles, surtout la métaphysique. Nietzsche s’érige contre toute autorité révélée au nom de la liberté de l’homme. Ceci à travers ce qu’il a appelé le nihilisme négatif d’une part et le nihilisme positif d’autre part.

1-Le Nihilisme Négatif

Dans son sens large, le nihilisme désigne le refus de l’existence de quelque chose d’absolu[99]. Avant de proclamer la mort de Dieu, Nietzsche constate que toutes les valeurs du passé sont des nihilismes négatifs. Et par là il attaque d’abord la métaphysique traditionnelle qui depuis Socrate n’a cessé de tromper les gens par des prophéties illusoires. Cette métaphysique est à la base des religions « positives » et de la morale qui contient des valeurs hiérarchisées. Il exprime cela en ces mots : « La morale et la religion appartiennent à la psychologie de l’erreur »[100].
Comme l’auteur n’avait connu que le Christianisme dans son milieu natal, c’est celui là qu’il va attaquer virilement, surtout l’Eglise catholique (de son temps) qui dominait jusque là. Il va dire que le christianisme est fondé sur la vengeance parce qu’il est né du judaïsme, et c’est une religion antiarienne par excellence. Le christianisme essaie de proclamer l’évangile des pauvres et des humbles en organisant l’insurrection générale de tous les opprimés, des misérables, des ratés, et des déshérités contre la race des riches, toutefois en espérant leur bonheur au ciel où les riches seront bannis et piétinés par les pauvres. Et cela est considéré comme une religion de l’amour !
Le Christianisme est également une métaphysique du bourreau car « toute l’ancienne psychologie, la psychologie de la volonté n’existe que par le fait que ses inventeurs les prêtres, chefs des communautés anciennes voulurent se créer le droit d’infliger une peine ou plutôt qu’il voulurent ce droit pour Dieu »[101]. Cela montre que non seulement Dieu est une invention des hommes, mais aussi sa manière de sauver le monde est inadmissible, c’est un paradoxe terrible: « Dieu lui-même s’offrant en sacrifice pour payer les dettes de l’homme, Dieu se payant la dette à lui-même, Dieu parvenant seul à libérer l’homme de ce qui pour l’homme est devenu irrémissible, le créancier s’offrant pour son débiteur, par amour (qui le croirait ?), par amour pour son débiteur »[102]!
Pour Nietzsche, la religion théorise la morale de l’esclave, une morale contre la vie. Elle montre le visage d’un Dieu devant qui l’homme doit continuellement dire non à la vie, alors que celle-ci est sacrée pour notre auteur. Prenons par exemple les pratiques ascétiques du christianisme, comme la chasteté et la pénitence, qui sont les formes les plus grossières de ce qu’il y a d’anti-naturel. Qui est donc ce Dieu, ennemi acharné de la vie qu’il a créée lui-même ?

2-Le Nihilisme positif

Nietzsche, après avoir dénoncé tous les malentendus et mensonges issus du nihilisme négatif, va proposer un nihilisme positif dont la figure emblématique sera le surhomme. Il effectue ce passage par la proclamation de la mort de Dieu. Il conçoit Dieu comme un être qui ne nous est pas accessible et qui par conséquent ne doit pas nous préoccuper. C’est pourquoi il nous faut nous occuper des choses de la terre qui est notre seul vrai monde.
Au départ il y a eu une erreur de vouloir expliquer Dieu par la causalité, alors que « la causalité est une explication quelconque qui est préférable au manque d’explication. Et pourtant en réalité la causalité empêche le développement de la recherche de la cause »[103]. Donc, l’existence de Dieu, sa providence et ses autres attributs, que se crée l’homme, s’expliquent par les rêves métaphysiques. « Personne n’est responsable du fait que l’homme existe. La fatalité de son être n’est pas à séparer de tout ce qui fut et qui sera »[104], d’où l’absurdité de vouloir dévier son être vers un but quelconque.
Dire que Dieu est mort, c’est qu’il cesse d’exister métaphysiquement. Il ne peut donc plus faire l’objet de la pensée. Après Dieu règnent les idoles, le surhomme, etc. Cette mort de Dieu est une suite du nihilisme, où l’on s’est représenté un Dieu qui est tout, mais qui est pourtant venu échouer. C’est pourquoi on (les juifs) l’a non seulement tué physiquement (le Christ), mais aussi il fallait le tuer métaphysiquement, si l’on voulait réellement sauver le monde.
En guise de conclusion Nietzsche déclare que : « L’idée de Dieu fut jusqu’à présent la plus grande objection contre l’existence… Nous nions Dieu, nous nions la responsabilité en Dieu et par là nous sauvons le monde »[105]. Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et nous tous nous sommes ses assassins[106] ; c’est pourquoi nous sommes appelés à la volonté de puissance en devenant des surhommes pour paraître digne de prendre la place de Dieu. Par la déclaration de la mort de Dieu, Nietzsche veut donc opérer le passage de l’ancienne à la nouvelle humanité.

II- L’image de la religion chez Nietzsche

La religion pour Nietzsche doit être centrée sur sa notion de Volonté de puissance. Il s’insurge contre toute morale ou doctrine encourageant la faiblesse, la pitié ou la compassion. Sa réflexion est issue du crédit que l’on accorde au bien et au mal. Ainsi, il procède par une suite de questions: qu’est-ce qui est bon ? Qu’est-ce qui est mauvais ? Qu’est-ce que le bonheur ? En effet, le philosophe allemand répond en disant que tout ce qui élève l’homme à un sentiment de puissance est ce qui est bon. Il considère par ailleurs comme mauvais tout ce qui naît de la faiblesse. Tandis que le bonheur est le sentiment que notre puissance croît.

1- Critique de la notion chrétienne de Dieu

Le christianisme est un vice, et est vice toute espèce de contre-nature. Nietzsche voit dans le Christianisme une diffamation de l’ici-bas et un mensonge de l’au-delà. Prodiguer la chasteté est une contre-nature car, mépriser la vie sexuelle est un péché contre l’esprit de la vie[107]. Ainsi pour l’auteur de L’Antéchrist, c’est le vouloir personnel qu’il faut chanter : Vouloir qui se comprend également comme courage, liberté de l’esprit et joie des sens. Ce qui est tout à fait contraire avec le Christianisme, pour qui le corps, comme nous l’avons dit est en butte au mépris. Le Christianisme veut rendre faible pour mieux assujettir. Par exemple, l’amour qu’il enseigne fait voir à l’homme les choses telles qu’elles ne le sont pas[108]. Cela montre le manque de réalisme chrétien, du fait qu’ici on prône le dépassement de ce que la vie a de pire, soit disant que « l’amour supporte tout et tolère tout ». Effectivement, Nietzsche soulève un autre cas crucial : si bien même il existait un Dieu, comment expliquer son silence ? Comment concevoir un Dieu bon mais absent [109]?

2- Christianisme et bouddhisme

La notion chrétienne comme on venait de le décrire, se présente très raffinée et maquillée. C’est même la raison pour laquelle Nietzsche dira que les trois vertus chrétiennes (foi, charité et espérance), ne sont en fait que trois ingéniosités chrétiennes. Contrairement au précédant, Nietzsche stipule que, par rapport au christianisme, le Bouddhisme est la religion proprement positive. Elle est plus réaliste que le Christianisme. C’est une religion qui ne dit pas « combattre le péché » mais «combattre la souffrance »[110]. Dans le Bouddhisme, on ne cherche pas à rendre le culte plus sacré par la chasteté comme dans le christianisme ; la perfection est ordinaire. Voilà pourquoi le climat y est plus détendu, avec une bienveillance particulière et une liberté positive dans les mœurs. En effet, à l’opposer du Christianisme qui apparente la souffrance au péché, le Bouddhisme lui, exprime ce qu’on pense : « Je souffre ». Cette doctrine se veut acceptation de soi et non rejet de soi (ascèse et chasteté), elle ne repousse rien, s’articulant au-delà du bien et du mal. Loin d’être un impératif catégorique ou un autre terme qu’utilise Nietzsche « pure moraline », le Bouddhisme est une quête personnelle, une entreprise libre et voulu, conduisant au Bien et combattant la souffrance. Ainsi, sur le modèle du sage bouddhiste, Nietzsche concevra donc sa nouvelle humanité, une classe de surhommes, où ne règne aucun leader.

III- LA CONCEPTION DE L’HOMME SELON NIETZSCHE

Dans sa conception de l’homme, il est question pour Nietzsche de reconstruire l’humanité à travers la volonté de puissance, animée par une force intuitive qui est la force créatrice. Cette volonté de puissance s’incarnera dans le surhomme annoncé par Zarathoustra.

1-La volonté de puissance

La relation entre les humains selon Nietzsche est dominée par la volonté de puissance. C’est dans ce sens qu’il affirme : « Partout où j’ai trouvé quelque chose de vivant, j’ai trouvé de la volonté de puissance, et même dans la volonté de celui qui obéit, j’ai trouvé la volonté d’être maître »[111]. En effet, cette volonté de puissance dont parle Nietzsche voudrait que le plus fort domine le plus faible, elle désire en fait être maîtresse de ce qui est encore plus faible. Toutefois, l’auteur pense que le plus faible à tout de même les possibilités de se glisser dans le pouvoir du puissant en utilisant des moyens tortueux. C’est dans ce contexte qu’il affirme : « Où il y a sacrifice et service et regard d’amour, il y a aussi volonté d’être maître. C’est par des chemins détournés que le plus faible se glisse dans la forteresse et jusque dans le cœur du plus puissant. C’est là qu’il vole sa puissance »[112]. Nietzsche reconstruit un monde dans lequel les hommes sont animés par la volonté de puissance. La volonté de puissance chez Nietzsche n’est pas à confondre avec la notion de force ou l’exercice de la violence. Elle est l’effort de se surmonter soi même à l’infini et se présente essentiellement comme une force créatrice. Il s’agit fondamentalement d’une exigence de création qui traduit la volonté humaine de créer de nouvelles valeurs, de nouvelles œuvres. La volonté de puissance est au cœur de toute force, exigence d’accroissement, de dépassement et non de simple conservation. C’est une exigence de victoire sur soi même, dans ce sens où l’on veut se métamorphoser, s’élever de l’inférieur pour devenir le surhomme.

2- Le surhumain

Dans son ouvrage intitulé Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche met en lumière sa considération de l’être humain. L’homme selon lui est appelé à devenir ce qu’il nomme le « surhumain », c'est-à-dire un sujet créateur qui est mu par le désir ardent de se dépasser lui-même sans cesse. En effet, il écrit que « je suis celui qui dois toujours se surmonter soi même»[113]. Le surhumain est aussi celui qui aime la terre lui est fidèle et en est le sens. Par ce fait même, il est appelé à se projeter et à se réaliser sans tenir compte de la transcendance. C’est dans cette optique qu’il dit : « Le surhumain est le sens de la terre. Que votre volonté dise : que le surhumain soit le sens de la terre. Je vous en conjure, mes frères, restez fidèles à la terre et ne croyez pas ceux qui parlent d’espoirs supraterrestres ! Ce sont des empoisonneurs qu’ils le sachent ou non»[114]. Pour Nietzsche, Dieu est mort et avec lui sont morts tous ses blasphémateurs. Le blasphème selon lui consisterait à considérer les réalités de la transcendance au dessus du sens de la terre.
Le surhomme nietzschéen est essentiellement un être créateur. Il doit aussi se créer lui même, créer ses propres valeurs. L’enseignement du surhomme dans Ainsi parlait Zarathoustra selon le prologue[115] peut se comprendre comme un appel au « dépassement de soi », comme une invitation à vouloir se considérer comme un océan, parce que l’auteur pense qu’à l’état de nature, l’homme n’est qu’un être impur. C’est pour cette raison qu’il doit devenir un océan pour être capable d’encaisser les impuretés tout en demeurant parfait. Aussi déclare-t-il : « En vérité, l’homme est un fleuve impur. Il faut être devenu océan pour pouvoir, sans se salir, recevoir un fleuve impur. Voici, je vous enseigne le surhumain, il est cet océan ; en lui peut s’abîmer votre grand mépris »[116].
Le surhomme de Nietzsche ressent un appel passionné de devenir créateur. Il prend le processus des trois métamorphoses. « Comment l’esprit devient chameau, comment le chameau devient lion, et comment enfin le lion devient enfant»[117]. L’esprit devient chameau pour se charger de tous les fardeaux pesant comme le fait le chameau ; il se charge de toutes les valeurs traditionnelles, après quoi il devient lion c'est-à-dire qu’il veut conquérir sa liberté, et ce à travers le renversement de toutes les valeurs évoquées plus haut. L’enfant enfin est le symbole de « l’innocence », du renouveau, « une sainte affirmation ». C’est l’enfant qui va être le créateur des nouvelles valeurs. Ces trois métamorphoses présentent le schéma évolutif que l’esprit doit suivre afin de parvenir à une affirmation joyeuse de soi, une émancipation totale.
Par cette métaphore, Le philosophe allemand nous montre que le créateur ne s’improvise pas Créateur, il est un être humain qui doit s’assumer lui-même et en même temps, assumer les valeurs reçues. C’est ainsi qu’il pourra donner sa propre marque à tout ce qu’il à reçu. Nietzsche pense alors que le vrai monde est celui créé par l’homme.

IV-INTERET PHILOSOPHIQUE

A la lecture de Nietzsche, nous pouvons lui assigner le mérite d’avoir pu montrer que l’athéisme des siècles des lumières n’était pas radical, qu’il ne renversait pas l’ancienne hiérarchie chrétienne des valeurs. Aussi dans la volonté de puissance, il montre la nécessité de se battre continuellement pour devenir toujours plus ce que l’on a choisi d’être. La volonté de puissance est en fait une notion permanente, ce courage qui pousse l’homme à se surmonter soi même et à se libérer des contraintes aliénantes des traditions. En outre, Nietzsche a poussé à une nouvelle compréhension de Dieu. Son regard critique porté sur le christianisme a été un avantage pour ce dernier. En fait, l’Eglise catholique est devenue plus ouverte et de la conception d’un Dieu juge, elle est passée de la conception d’un Dieu Père, d’un Dieu d’Amour. Et le concile Vatican II en est témoin.
A côté de ces mérites, nous constatons que l’athéisme total de Nietzsche serait à l’origine d’une grande crise des fondements. En excitant le surhomme, l’on a l’impression qu’il fait naître le sous homme. D’une manière ou d’une autre, il est à l’origine du relativisme moral qui affecte nos sociétés. Aujourd’hui, nous notons une perte de repères fondamentaux que l’on pourrait inscrire dans l’annonce de ce « grand spectacle en cent actes qui demeure réservé aux deux prochains siècles»[118] faite dans la généalogie de la morale ; Spectacle jugé comme « le plus effrayant, le plus lourd de problèmes »[119]. En fait, face aux différents maux qui minent nos sociétés actuelles, face à la violence presque généralisée dans le monde, l’on est tenté de dire que Dieu a vraiment disparu de la conscience des hommes. On a l’impression qu’il n’y a plus d’interdits. Même les institutions religieuses souffrent de cette crise morale. Les demandes de pardon faites par le Pape Benoît XVI en avril dernier pour les actes d’immoralité du clergé en est une preuve tangible.
Cependant, l’incroyance n’est possible qu’intentionnellement et non substantiellement. La preuve en est que même le meurtrier de Dieu n’a pas réussi à l’écarter totalement. Il proclame l’humanisme de l’homme Dieu, et Zarathoustra en est le prophète ; il instaure une nouvelle religion, celle de l’éternel retour dont la maxime est de vivre de telle sorte que tu puisses souhaiter de revivre, en posant les mêmes actes. Nietzsche refuse toute autorité mais établit un devoir qu’il instaure à l’humanité, celui de vivre selon sa maxime. Aussi nous remarquons que lorsqu’un athée veut affirmer que Dieu n’existe pas, il crie à haute voix, et sur un ton passionné et polémique, ce qui laisse voir une certaine incohérence entre ce qu’il dit et son fort intérieur. Plus encore, pourquoi s’attaquer à Dieu s’il n’existe pas ?

CONCLUSION

En définitive, il appert que l’argumentation athée de Nietzsche a été très pertinente dans la mesure où elle pousse l’homme à se réaliser tout en se surpassant continuellement. Cependant, il est important de savoir que sa réticence et son mépris pour le religieux se cadre dans une époque bien précise ; époque où la religion refusait l’affirmation de l’homme, en le faisant vivre dans la peur et le regret. Aujourd’hui nous pouvons voir que de tels reproches ont contribué au renouveau de la religion, une religion plus réaliste. Bien que l’affirmation de soi nécessite la mort de Dieu selon Nietzsche, l’instinct religieux demeure dans nos cœurs, parce que tout homme est préoccupé par des questions existentielles.

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VIII. L’ATHEISME ET LE PROBLEME DE L’EXISTENCE CHEZ KARL MARX

INTRODUCTION

Parmi les problèmes cruciaux de l’époque moderne, le problème de l’existence de Dieu occupe une place importante. En effet, beaucoup de philosophes de cette époque, à l’instar de Karl Marx, semblaient avoir un double sentiment : Que le pouvoir spirituel ne comptait plus comme un facteur socio-politique et qu’il fallait déjà prendre acte de sa disparition totale dans le monde où seules la découverte de l’essor scientifique et la révolution industrielle devraient avoir le monopole de tout progrès. Dès lors, le seul but à poursuivre ne sera autre chose que la constitution d’un pouvoir à caractère athée et dont la tâche principale sera d’organiser de façon la plus humaine possible la réflexion et le travail, lesquels seront à cette époque les fondements du pouvoir politique, social et économique. Mais alors, quel serait l’apport de la pensée de Karl Marx dans ces rapports entre la Foi et la Raison autour du problème de l’Absolu ? Notre travail se veut ici un exposé d’un certain nombre de points qui permettraient de mieux saisir en quoi consistera l’athéisme de Karl Marx en confrontation avec le problème de l’existence de Dieu. Ainsi, ce travail s’articule autour de trois points essentiels. D’abord, il sera question de revoir quelques sources de l’athéisme de Karl Marx, puis nous insisterons sur son idée de la religion et sur sa conception matérialiste du monde, lesquels sont les points culminants de son athéisme. Et enfin, une approche critique sera mise sur pied afin d’en évaluer ses impacts théoriques et pratiques.

I- LES SOURCES DE LA PENSEE DE KARL MARX

1. Epicure et Démocrite

Les pensées de deux philosophes antiques, Epicure et Démocrite, ont marqué celle de Marx, surtout Epicure en qualité de critique de Démocrite. Démocrite est un stoïcien déterministe. Assoiffé de connaissances positives, il s’ôte la vue, désespérant en la science et la philosophie. L’optimisme épicurien par contre conçoit la science comme un moyen d’atteindre, en philosophant, la vraie perfection. Cette seconde philosophie ne peut que cadrer avec l’enthousiasme révolutionnaire marxiste, et constituer un terrain favorable pour sa pensée. Epicure n’accordait à Dieu aucune présence dans les affaires du monde. Or, l’idée de déterminisme suppose un être transcendant qui tient le sort du monde dans ses mains ; d’où sa préférence pour Epicure. Aussi, soulignons que la philosophie de Marx est marquée par un choix éthique, celui d’œuvrer pour le bien de l’humanité.

2. Hegel et Feuerbach

Toujours dans cette alliance des opposés, ces deux auteurs ont également marqué Marx. Grâce à Hegel, la philosophie spéculative du droit, élevée au rang de science, est l’analyse critique à la fois de l’Etat moderne et de la réalité qui s’y rattache, si bien que les Allemands ont pensé ce que d’autres ont fait[120]. La critique de cette philosophie spéculative débouche sur un problème dont la solution dépend d’une praxis qui ne peut être que révolutionnaire[121]. Cette philosophie hégélienne est par conséquent mise de côté par Marx, philosophe de l’action, au profit du matérialisme. Il est donc d’accord avec Feuerbach que : « C’est dans la pratique que l’homme a à faire la preuve de la réalité, c’est-à-dire de la réalité et de la puissance de sa pensée »[122]. Pour faire une analogie avec ses idées révolutionnaires, l’on pourrait dire que l’idéal pensé par les philosophes n’accède à l’existence réelle que par sa mise en pratique. Mieux encore, ce n’est que par la pratique révolutionnaire que peut être saisie l’activité humaine d’auto-transformation. Il est possible de lire en filigrane l’essentiel de son communisme, où l’activité humaine est autocréation.

La critique qu’il adresse à tous les matérialistes, y compris Feuerbach, est qu’ils ne saisissent l’objet extérieur, la réalité, le sensible, que sous la forme d’objet ou d’intuition, mais non en tant qu’activité humaine sensible ou pratique de façon subjective[123]. Pour le philosophe allemand, le temps des discours abstraits est révolu : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde ; il convient maintenant de le transformer »[124].

II- L’IDÉE DE LA RELIGION CHEZ KARL MARX

A la suite de Feuerbach qui avait entrepris d’analyser le phénomène religieux, mais étant resté dans l’abstrait sans souci de la pratique sociale, Marx, quant à lui se veut beaucoup plus réaliste et fait de la transformation de la société la première préoccupation de la réalisation plénière de l’homme. Il s’engage à enraciner le phénomène religieux dans la réalité historique. Dieu tout puissant résume les impuissances naturelles et sociales de l’homme. La classe prolétarienne vit dans des conflits infrahumaines qui la conduisent au désespoir. Et pour la consoler, lui donner de faux espoirs, la classe dominante invente la religion et l’institutionnalise avec le concours de l’Etat politique. Pour lui : « La religion est la théorie générale de ce monde, sa somme encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son comportement solennel, sa consolation et sa justification universelle. Elle est la réalisation fantastique de l’être humain, parce que l’être humain ne possède pas de vrai réalité »[125]. Lutter contre la religion, c’est indirectement lutter contre ce monde là, dont la religion est l’arome spirituel. La détresse religieuse est, pour une part, l’expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. Pour Marx : « La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, elle est l’opium du peuple »[126]. La Critique de la religion est donc en germe la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l’auréole. La critique de la religion détruit les illusions de l’homme pour qu’il pense, agisse, façonne sa réalité comme un homme sans illusion parvenu à l’âge de la raison, pour qu’il gravite autour de lui-même, c’est-à-dire de son soleil réel.

1. La religion comme opium du peuple

Ceci est l’une des définitions que Marx donne de la religion. En effet, l’opium est le suc du fruit d’un pavot utilisé comme stupéfiant. Celui-ci procure l’analgésie et propulse celui qui le consomme dans un monde hallucinatoire, monde de l’oubli et de la représentation fausse. Ainsi, de même que les hommes fument l’opium pour oublier leur malheurs, de même le peuple victime de la misère et de l’exploitation causée par la classe dominante ou bourgeoise utilise la religion comme opium pour trouver une consolation provisoire afin de supporter sa situation déshumanisante à travers la morale chrétienne : « Les principes sociaux du christianisme déclarent que toutes les infamies commises par les oppresseurs contre les opprimés sont soit le juste châtiment du péché originel ou d’autres péchés, soit des épreuves imposées par le seigneur dans son infinie sagesse, aux âmes sauvées. Les principes sociaux du christianisme prêchent la lâcheté, le mépris de soi, l’abaissement, la soumission, l’humilité, bref toutes les qualités de la canaille »[127]. Ce qualificatif d’opium est une attaque contre l’esprit socialement conservateur qu’entretiendrait plus ou moins consciemment la religion, car elle est l’instrument dont se servait la classe bourgeoise, pour tromper et endormir les consciences des prolétaires. Elle traduit aussi la complaisance qui existe entre l’église et la classe dominante.

2. La religion et l’Etat

Marx est confronté à un problème réel dans la vie politique : celui de la situation d’un Etat dans lequel la religion occupe une place privilégiée. Cette domination de la religion sur le monde politique constitue pour Marx une aliénation. Pour lui, l’homme comme être politique s’aliène, se trompe lui-même ou se laisse mystifier dans un état chrétien d’où il pense qu’il faut une certaine autonomie du politique. A partir delà, il s’investit à montrer les limites et les conséquences néfastes d’une telle domination et prônera la séparation de l’Etat d’avec la religion. Cette pensée avait été soutenue bien avant par Bruno Bauer dans son livre de 1843 Sur la question juive lorsqu’il affirme: « Non seulement on doit supprimer les privilèges politiques de la religion, et émanciper l’Etat par rapport à toute religion, mais plus radicalement, et plus sûrement, on doit supprimer la religion elle-même, ou plutôt les religions, les diverses religions »[128]. Il veut un Etat laïc, sans lien avec aucune religion, car les religions sont des stades inférieures de l’évolution de l’humanité. A cet effet, il propose que la religion soit remplacée par la science qui serait l’élément unificateur des hommes entre eux. Cette idée sera épousée plus tard par Marx qui pense que la suppression de la religion est une condition d’émancipation de tous les citoyens dans l’Etat. Mais il se sépare de Bauer quand à la substitution de la science après suppression donc de la religion. Il pense au contraire que la religion renvoie à une aliénation plus fondamentale de l’homme, et elle ne peut donc pas se supprimer par un recours purement intellectuel comme celui de la science.

3. La religion : reflet idéologique

La religion est conçue comme un produit de la connaissance active ; elle est élaborée et utilisée sciemment pour entretenir, protéger et défendre les intérêts de la classe dominante. A ce titre, la religion n’est qu’une idéologie de second degré, ne reflétant la base matérielle que par l’intermédiaire de l’aliénation politique. Marx dénonce la fausseté de la conscience idéologique ainsi que l’alliance de la religion et de la classe dominante. Du fait que l’idéologie religieuse constitue l’incarnation du mensonge ainsi qu’un instrument de domination et d’asservissement parce qu’elle légitime l’ordre existant, Marx pense qu’elle doit dépérir. Pour y parvenir, il suffit d’attaquer les bases sociales dont elle est le reflet et elle disparaîtra. L’idéologie chrétienne divulgue une morale d’esclave, de résignation dégradante pour la nature humaine, ce qui fait conclure à Marx que le christianisme anéantit toute personnalité et conduit à la servilité. Il crée en l’homme une "nature moutonnière", ainsi qu’une démobilisation. Bref, la religion étant l’expression typique de l’aliénation idéologique, est promise à l’abolition radicale et inconditionnelle.

III- L’ATHEISME CHEZ KARL MARX

L’athéisme de Karl Marx s’explique par la négation de Dieu, et par cette négation il affirme l’indépendance de l’homme. Marx réserve à l’homme une prérogative propre à Dieu. Il propose une explication génétique de l’idée d’indépendance. L’homme qui vit de la grâce d’un autre se considère comme un être dépendant[129]. Vivre de la grâce s’entend dans un sens plus ou moins profond. Au premier degré, je dois à l’autre l’entretient de ma vie. La dépendance devient totale s’il a crée ma vie. L’autonomie revendiquée par l’homme est vérifiable au plan physique. Le mouvement circulaire qui est sensiblement visible dans le progrès, en vertu duquel l’homme dans la génération se reproduit soi-même, et ainsi l’homme demeure le sujet. L’homme crée l’homme ou mieux se crée lui-même. Si l’homme demeure générateur du genre humain qui a engendré le premier homme ? La question posée selon Marx est un produit de l’abstraction. Car s’interroger sur le premier homme c’est imaginer l’homme qui existe déjà comme un fait. C’est faire abstraction de ce qui existe, c’est sortir de la réalité. L’homme et la nature sont un fait. Poser la question de leur origine, c’est nier le fait ou supposer le contraire du donné. Marx franchit le pas. Il impose les limites de la raison, Il lui refuse le droit de se poser des questions qui surgissent de la présence même du fait. Il est affirmé que le fait d’exister vérifie par lui seul le principe de la raison suffisante.
1. L’homme et la nature

Par le biais du travail l’homme est conquerrant et dominateur de la nature. La naissance de l’homme s’explique par la définition de l’histoire du monde. L’histoire du monde est l’acte par lequel l’homme se forme lui-même. Mais qui cet homme ? L’homme est homme dans la mesure où il soumet la nature. Entre l’homme et la nature il n’y a pas un rapport séparé : « L’homme est un être de la nature, la nature est l’être de l’homme, l’homme étant la fin et de l’homme et de la nature »[130]. Dans ce rapport réside leur essentialité. Elle exclut la question relative à un être transcendant. L’essentialité est l’autonomie de l’homme pratiquement réalisée dans l’exploitation de la nature par l’arme du travail. Poser la question de Dieu c’est admettre la non essentialité de la nature et de l’homme. Marx réfute toute aliénation ou dépendance qu’elle soit d’ordre métaphysique, morale ou sociologique. « Dépendre c’est être aliéné, frustré, c’est ne pas puiser son être et son activité uniquement dans ses propres ressources »[131]. Nous nous trouvons devant une radicale négation de la métaphysique, la conséquence d’une éthique eudémoniste du XVIIème siècle dont Marx est héritier. En effet, l’eudémonisme stipule: « L’homme même si les pas dans sa marche économique sont conduits par la prudence, a pour fin la jouissance des biens d’ici bas qui lui seront donnés par la domination de la nature »[132]. Le bonheur conclut d’une morale qui promet à l’homme une fin béatifiante dont Dieu est exclu. Cette affirmation s’appui sur la notion de praxis et sur l’idée que les biens de la nature, transformés par la force humaine sont capables de combler les aspirations humaines. Le bonheur est un fruit de la praxis. Or le contenu de ce bonheur suppose l’athéisme. Car le bonheur se réalise entièrement ici-bas. L’athéisme marxiste oscille donc entre la volonté d’être Dieu d’une part et le refus de Dieu, car la terre suffit l’homme.

De plus, dans sa réaction contre les abstractions hégéliennes, Marx adopte une conception matérialiste de l’homme et du monde. Il n y a pas d’"être réel" que l’être sensible et matériel. L’activité spécifique du sujet humain est d’ordre sensible.

2. Le Matérialisme dialectique et historique

S’inspirant du matérialisme antique, la pensée de Karl Marx est résolument matérialiste. Comme le jeune Marx le remarque en disant que les philosophes n’ont jusqu’ici interprété le monde et qu’il s’agit maintenant de le transformer[133]. Marx veut remettre la dialectique hégélienne sur ses pieds et il estime que c’est la matière qui est première et non l’esprit, c'est-à-dire que le mouvement de la pensée n’est que le mouvement réel transporté et transposé dans le cerveau de l’homme d’où sa tendance athée. Marx ne s’arrête pas au matérialisme physique, il insiste également sur le matérialisme social.

Le matérialisme dialectique : Marx retient de Hegel qu’une seule approche dialectique peut permettre de cerner le réel. On ne peut comprendre et saisir la vérité qu’en unifiant les opposées (thèses, antithèse, synthèse). Mais encore faut- il bien voir que les contradictions de la pensée humaine ont aussi leur source dans le réel objectif. La vérité n’existe pas toute faite avant l’effort humain. Il y a des conditions concrètes de la recherche de la vérité. Il faut saisir le réel à travers la compréhension des aspects contradictoires (prolétariat/ bourgeoisie, être/néant). Puis on opère une synthèse de ces éléments qui permet de saisir le réel.

Le matérialisme historique : Marx et Engels reconnaissent à Hegel le grand mérite d’avoir représenté la totalité du monde naturel, historique et spirituel comme un mouvement, un changement incessant et d’avoir aussi tenter de démontrer la connexion intime dans ce mouvement. Dans le mouvement il y a un sens caché à découvrir et il faut distinguer l’histoire vraie et l’histoire apparente. Pour Marx, c’est à l’aide de concept qu’il sera possible de reconstituer l’objet à reconnaître d’une part. D’autre part, Marx a tenu à affirmer qu’il n’avait découvert ni l’existence des classes sociales, ni la lutte des classes et effectivement, ces notions se trouvent avant lui chez les bourgeoisies. Pourtant Marx élabore une nouvelle science. D’abord, la méthode de Marx est radicalement opposée à celle de Hegel. Quand pour Hegel, c’est l’idée qui se réalise dans l’histoire, qui est même le moteur de l’histoire, pour Marx au contraire, l’idée n’est que le produit du vrai moteur de l’histoire qui est la base matérielle, c'est-à-dire la base économique et sociale. Autrement dit, si Hegel fait de l’idée ce qui produit, pour Marx la raison est le résultat de la base matérielle. Ce n’est pas la conscience qui détermine leur être social, c’est leur être social qui détermine la conscience des hommes[134]. Pour comprendre l’histoire il faut définir cette base matérielle. Selon Marx toute société se définit par ce qu’il appelle son mode de production qui se définit lui même par deux éléments : les forces productives (tout ce qui sert matériellement) et les rapports de production. Le matérialisme historico-dialectique est une doctrine qui s’oppose donc à l’idéalisme et au spiritualisme d’où son inclination à l’athéisme.


IV- APPROCHE CRITIQUE

Il revient dans cette dernière partie de notre travail de revoir quel l’impact philosophique a eu cette conception de Karl Marx au cours de l’histoire de l’humanité. Mais une grande partie consiste à montrer ses incohérences religieuses face à la pensée chrétienne. De prime abord, rappelons qu’il existe déjà de nombreuses formes d’athéisme, mais que celle que développée par le marxisme se veut un mouvement révolutionnaire qui rend Dieu inutile par rapport aux actions de l’humanité. Ainsi, du point de vue pratique, Marx conçoit l’économie dans sa conception matérialiste comme la structure qui explique mieux l’homme. Car, « c’est comme producteur que l’homme prend conscience de sa dignité, laquelle lui permet de se réaliser et de faire sa propre histoire »[135], disait-il. C’est pour cela que l’athéisme de Karl Marx, partant de la critique de la religion, revendique l’autonomie totale de l’homme. En effet, pour lui, devoir son existence à un autre être c’est être dépendant. Or, par sa matière, par son travail, l’homme ainsi que le monde se réalisent tels qu’ils nous apparaissent. C’est ici que naît chez Marx l’idée du refus de la création. A cet effet, son athéisme, hérité de Feuerbach certes, devra se comprendre dans une optique humaniste, puisque pour eux, « la création n’est pas possible parce qu’elle s’oppose à la volonté d’autonomie de l’homme »[136].

Ainsi, une telle conception qui s’oppose à l’idée d’un Dieu-Créateur n’est pas loin de la notion de causa sui de Spinoza selon laquelle l’homme doit renoncer à toute cause extérieure pour s’affirmer comme son autocréateur ; d’où cette déduction : "Ou Dieu ou l’Homme". Bref, cette forme d’athéisme stipule que « le monde tel qu’il est, est un monde dans lequel n’existent ni la transcendance de l’esprit sur la matière ni la transcendance de la personne sur la société ni la transcendance de Dieu sur l’humanité »[137].

Cependant, ayant découvert dans cette conception un obstacle pour la foi en Dieu, le christianisme pense selon l’expression de Descroche que l’idée de Marx selon laquelle l’homme est appelé à se faire n’aurait de sens que dans la mesure où « la paternité de Dieu gage et appelle à une fraternité d’hommes devenus fils de Dieu »[138]. C’est pourquoi, d’une part, il ne serait pas possible de concilier cette pensée avec la foi chrétienne. Mais, d’autre part, cette dernière perçoit dans cette forme d’athéisme une nouvelle invitation pour elle-même à purifier l’image qu’elle attribue à Dieu, à l’homme et aux relations Dieu - Homme.

CONCLUSION

Aux vues de ce qui précède, nous retenons que l’athéisme de Karl Marx a consisté en une négation de l’existence de Dieu afin de poser l’homme comme auteur de sa propre existence. C’est ce que Karl Marx formule dans son œuvre de1844 : Introduction à la critique de la philosophie du droit de Hegel en affirmant que la critique de la religion aboutit à un enseignement selon lequel l’homme est l’être suprême pour l’homme. Et pour cela, son athéisme sera également considéré comme un humanisme d'après lequel l’homme ne se sentira plus dépendant de qui que ce soit. Mais, quant à la pensée chrétienne, bien que l’homme soit appelé à se créer et à se faire lui-même, sa totale liberté ne se comprend que dans l’accomplissement de son obéissance à un Dieu unique, Créateur du Ciel et de la Terre.

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IX. HEGEL ET L’AGNOSTICISME

Introduction
Le questionnement sur l’être, sur son origine ainsi que sur sa destiné voilà des sujets qui préoccupent souvent les créatures douées de raison que sont les hommes. Etant donné que la plupart de ces questions sont métaphysiques et surnaturelles, elles n’ont pas d’explications ni de démonstrations rationnelles ou expérimentales. Ainsi, l’on peut distinguer trois tendances totalement opposées quand il s’agit de se prononcer sur l’existence de Dieu.
Il y a d’abord les athées qui ne croient en aucune divinité, puis les théistes qui affirment l’existence des êtres spirituels et ensuite les agnostiques qui se demandent si, Dieu existe ou pas, et en quoi cela devrait préoccuper l’homme. Notre travail va consister à analyser la troisième catégorie : agnosticisme. Bien que généralement considéré comme une forme de scepticisme, l’agnosticisme est d’une étendue plus restreinte. Car, il ne veut réfuter que la fiabilité des croyances métaphysiques et théologiques et non de toutes les croyances. Nous allons développer ce courant de pensée en lien avec la philosophie de Hegel. Cependant, comme cette problématique Agnosticisme et Hegel suscite une multitude de questions, il semblerait utile d’en poser quelques unes au départ pour mieux situer notre thématique. D’abord, qu’est-ce qu’on entend par agnosticisme ? Quel rapport peut-on établir entre l’agnosticisme et la philosophie de Hegel ? Quelle est la conception de la religion chez Hegel ? Toutes ces questions vont nous permettre de bien délimiter notre débat.

I. Qu’est-ce que l’agnosticisme ?

1. Approche définitionnelle et origine du terme
Du grec agnostimos ayant deux racines ; Agnôtos qui se traduit par « ignorant » et Gnosis qui se traduit par « connaissance », l’agnosticisme désigne la philosophie selon laquelle tout ce qui ne peut être appréhendé dans et par l’expérience est inconnaissable. C'est-à-dire qu’il est impossible de connaître la vérité sur des sujets tels que Dieu. Ce terme agnosticisme fut inventé au XIX siècle par le britannique Thomas Henry HUXLEY (1825-1895) s’inspirant des idées de David Hume et d’Emmanuel Kant. L’agnosticisme s’oppose au gnosticisme, théorie qui fait intervenir, dans son analyse du monde les phénomènes surnaturels et non naturels.
Philosophiquement parlant, l’agnosticisme se réfère à la conception selon laquelle il est impossible à l’homme de se prononcer sur l’existence de Dieu et sur sa nature, voire plus généralement sur toutes questions métaphysiques. A côté de cet agnosticisme philosophique proche du relativisme et du criticisme kantien, le terme désigne aussi une attitude d’esprit commune qui considère les questions supra-empiriques comme futiles parce que définitivement inconnaissables par la raison.
L’agnosticisme est une position épistémologique qui met éventuellement en cause la légitimité de la métaphysique, de la révélation et de la divination. L’agnosticisme professe donc une complète ignorance touchant la nature intime, l’origine et la destinée des choses. C’est une forme de scepticisme appliquée à la métaphysique et à la théologie.
2. L’agnosticisme et l’Athéisme
Déjà présent dans la Grèce Antique, l’agnosticisme s’est beaucoup développé aux XVIIIe et XIXe siècles en raison des progrès de la science qui ont fourni des résultats expérimentaux contredisant les dogmes religieux et des textes sacrés comme la Bible.
Un agnostique n’est pas un athée, car, l’athée pense que nous pouvons savoir que Dieu n’existe pas. Et le chrétien pense que nous pouvons savoir qu’il existe un Dieu. Par contre, l’agnostique suspend tout jugement et stipule qu’il n’existe pas de fondements suffisants pouvant affirmer ou nier l’existence de Dieu. D’où l’expression selon laquelle l’existence de Dieu est tellement improbable qu’il ne vaut même pas la peine d’en tenir compte. Et dans ce cas l’agnostique est proche de l’athée.
Dieu étant inconnaissable, l’agnostique ne peut se prononcer sur son existence et considère donc qu’il est inutile de lui rendre un culte ou de se soumettre à une morale révélée qu’il aurait dictée aux hommes.
3. Le sens de la vie pour un agnostique
Pour un agnostique, la référence de sa conduite morale n’est rien d’autre que sa raison. L’agnostique tire la loi morale de sa rationalité et plus encore dans la loi naturelle qui gouverne son environnement. Car, un agnostique n’accepte aucune autorité au sens où les personnes religieuses l’acceptent. Il part du principe qu’un homme doit résoudre les questions de sa conduite par lui-même. Il tirera volontiers profit de la sagesse des autres mais devra choisir par lui-même les personnes qu’il considère comme étant sages et il sera toujours capable de remettre en question cette sagesse. Vu qu’un agnostique n’adopte pas de positions sur la question de l’existence de Dieu, il lui sera tout à fait difficile et même impossible de se confier aux lois divines. Par contre, la source des arguments des normes morales pour lui restera terrestre et naturelle. Pour l’agnostique et pour tout homme, la vie en générale n’a pas de finalité, elle se produit mais se sont par contre des individus qui ont des buts et rien n’empêche à un agnostique d’en avoir dans sa vie et ces buts, il les trouvera donc dans son propre cœur et non pas dans un commandement extérieur. L’agnostique ne rejette pas la raison mais tient à l’associer au cœur, car celui-ci est le siége des décisions.

II. Hegel et l’agnosticisme.

1. Position de Hegel sur l’existence de Dieu
L’intuition fondamentale de Hegel est que: « Tout est intelligible par l’être qui, identique en son fond avec l’Esprit ou l’Idée infinie, se manifeste dans l’univers concret grâce au mouvement dialectique : thèse, antithèse, synthèse »[139]. De ceci, Hegel veut seulement dégager la loi idéale qui rend intelligible l’univers concret déployé sous nos yeux, en montrant comment chacun de ces détails découle inévitablement de l’unique réalité sous-jacente aux multiples apparences : L’esprit ou l’Idée qui est l’être absolu. Pour Hegel, l’esprit infini étant de l’ordre de l’idéal, ne peut contenir aucun élément irrationnel ou inexprimable de droit. Tout réel, dit-il, est rationnel et tout rationnel est réel.
D’après Hegel, c’est dans la vie religieuse que se réalise l’esprit absolu de Dieu. Car la religion pour Hegel n’est pas une attitude de la créature envers Dieu supposé existant, c’est plutôt le principe suprême d’unité où la vie spirituelle de l’homme concilie en soi toutes les richesses opposées des étapes antérieures. Dieu en est moins l’objet que le résultat. Car Dieu est précisément cette conscience totale que l’esprit prend de soi-même en nous, et elle se réalise à travers les deux étapes antithétiques de l’art et de la religion, dans la spéculation dominatrice de la philosophie idéaliste.[140] C’est à partir de l’idée de l’esprit absolu en nous que Hegel constituera les bases de ce qu’il appellera religion manifeste. Dans cette dialectique, l’art est donc pour Hegel une première manifestation de la vie religieuse, car il s’efforce de donner l’expression finie à l’Infini lui-même. En face de l’art où Dieu s’extériorise se dresse la religion proprement dite où Dieu s’intériorise en prenant conscience de soi dans l’homme.
De ce qui précède, il est bien clair que Hegel s’est beaucoup dépensé pour la quête non seulement de l’absolu mais également de la quête de Dieu. Son attachement dans la recherche de l’absolu se manifeste aussi à travers l’étude qu’il élabore sur les deux preuves de l’existence de Dieu que sont la preuve cosmologique et la cause physico-théologique. Ces preuves sont pour lui la base de l’origine que la conscience prend l’idée de liberté pour être elle-même.
La preuve cosmologique de Hegel, est la preuve de contingentia mundi. C’est-à-dire que la nécessité est extérieure, finie. On conclut de l’être contingent à l’être absolu nécessaire. Le fini est contingent, il n’a pas en lui-même sa raison d’être, il est dû au hasard, d’où cette preuve selon lui suppose l’être contingent[141].


La cause physico-théologique vient comme la cause finale de l’être dans sa liberté. C’est dans la fin que commence l’être-là de la notion. En effet, lorsque l’être libre existe comme libre, il possède une détermination qui apparaît comme finalité. La notion supérieure vraie est la notion de finalité en général. Ainsi, lorsque les choses sont pour nous dans la conscience immédiate, dans la conscience réfléchie, elles doivent être déterminées comme finales, c'est-à-dire ayant en soi une fin[142]. Tout ceci montre évidemment que Hegel est loin de se confondre avec l’esprit des agnostiques qui ne préconisent aucune préoccupation pour la quête de Dieu. Ce qu’il faut mentionner ici, c’est que Hegel promeut même la recherche d’un Dieu, d’un absolu. Mais cet absolu, l’homme doit le rechercher dans son fort intérieur. Certes, le Dieu de Hegel n’est pas celui des chrétiens. Il préconise un Dieu qui n’est pas trine. C'est-à-dire un Dieu en trois personnes (le Père, le Fils et l’Esprit-Saint) comme chez les chrétiens.
2. Position des agnostiques sur l’existence de Dieu
A la question de savoir quel genre de preuve pourrait convaincre les agnostiques que Dieu existe, dans un interview, un agnostique du nom de Bertrand Russell répondit de la manière suivante : « Je pense que si j’entendais une voix venue du ciel, me précisant tout ce qui va se produire durant les prochaines vingt-quatre heures, y compris des événements qui auraient semblé hautement improbables, et si tous ces événements venaient ensuite à se produire, je me laisserai peut-être convaincre qu’il existe au moins une sorte d’intelligence surhumaine. Je peux imaginer d’autres preuves du même genre qui me convaincraient, mais pour autant que je sache, ce genre de preuve n’existe pas »[143]. De ce qui précède, il s’en déduit que les agnostiques sont très sceptiques pour pouvoir permettre des affirmations dénuées de sens. C'est-à-dire de toute conviction expérimentale.
Pour les agnostiques, si Dieu existe, c’est son affaire. S’Il n’existe pas c’est également la même chose. Sur ce fait même, rien de cela ne devrait préoccuper l’homme, puisque ce dernier n’a ni de capacités ni de possibilités pouvant démontrer cette existence de Dieu. Ici on pourrait aussi faire référence à Kant, en acceptant provisoirement comme donnée du problème de l’objet phénoménal, et en démontrant, par réduction à l’absurde que nier l’existence des noumènes particuliers correspondant aux phénomènes reconnus expérimentalement irréductibles. C’est-à-dire nier l’existence des êtres substantiels déterminés et spécialement de Dieu, c’est rendre impossible la production de tout jugement vrai et scientifique[144]. Ainsi, l’on pourrait dire que l’approche agnostique rejoint en quelque sorte la philosophie de Kant lorsque celui-ci affirme que jamais nous ne parviendrons à connaître scientifiquement les substances. Nier la connaissance des substances particulières, c’est donc rendre impossible tout jugement. Car, Kant affirme que ce dont nous pouvons faire l’expérience se sont les phénomènes et non les noumènes qui restent inconnaissables.
3. Quelques formes emblématiques de l’agnosticisme
Il existe plusieurs formes d’agnosticisme qui peuvent se décliner sous les formules suivantes :
- Je ne sais pas et je ne sais pas s’il est possible de savoir.
- Il est possible que quelqu’un sache (à moins qu’il n’ait reçu une révélation), mais il lui est impossible de le prouver et impossible de le vérifier par un acte volontaire.
- Il est impossible que quelqu’un sache, la révélation est par nature impossible.
Ainsi l’agnostique ne peut choisir de s’affilier à toute croyance dont il sait qu’il ne peut en avoir la certitude ou l’expérience.

III. Hegel et la religion

Selon Hegel, « La religion est conscience de l’essence absolue en général »[145]. C’est-à-dire conscience de l’existence d’un processus dialectique qui est une réalisation progressive de soi-même. La religion est comme une expérience que la conscience accomplit en s’élevant au savoir absolu qui est expérience du monde et expérience de soi. Cela se réalise à travers le mouvement dialectique. Après cette étape de définition du concept hégélien de religion, l’auteur nous propose trois formes de religions à savoir : religion naturelle, religion esthétique et religion manifeste.

1. La religion naturelle ou l’élément de l’en soi
Hegel pense que dans la religion naturelle l’absolu est représenté par la nature, la lumière, les plantes, les animaux etc. Ce stade de religion semble se rapprocher du panthéisme qui est une doctrine selon laquelle tout ce qui est en Dieu ou est Dieu. « La conscience de soi a pris en elle-même la détermination appartenant à l’objet de la conscience, se l’est appropriée au moyen de sa propre opération et la sait comme l’essentielle comparée aux autres »[146]. Mais, après cette première forme de religion, survient la dialectique qui est une méthode chère à Hegel. La religion naturelle en acte fait alors place à la religion esthétique en puissance.

2. La religion esthétique ou l’élément du pour soi

La religion esthétique est le moment dans lequel l’homme « élève sa figure vers un objet pour sa propre conscience dans la forme de la conscience même, et il reproduit devant soi une telle forme »[147]. Ici, l’homme atteint la religion dans l’art qui est une prise de conscience du monde éthique. C’est-à-dire que l’art à travers la dimension éthique influence nos comportements par le fait que la philosophie est art de vivre. On peut dire que le moment de l’art est à la fois l’apogée du monde éthique et le signe de sa dissolution selon le processus de la dialectique hégélienne.

3. La religion manifeste ou révélée ou nouvelle religion

Dans cette dernière forme de religion, Hegel stipule que l’homme doit prendre les attributs de Dieu. Car dit-il, « L’essence, qui était substance et dans laquelle le soi était l’accidentalité, s’affaisse au prédicat et l’esprit dans cette conscience de soi devant laquelle rien ne s’oppose plus sous la forme de l’essence a perdu sa conscience »[148]. Arrivé à ce stade de l’évolution de la religion, la substance a disparu dans le soi qui reste alors sa seule effectivité. Mais, cette disparition n’est qu’une présupposition de la nouvelle religion. Le retour de toute essentialité dans le soi, la réduction de tout le divin à l’humain sont la perte de conscience de l’esprit et la conscience de cette perte est une étape nécessaire pour arriver à la religion manifeste.

IV. Intérêt philosophique.
Du point de vue de la connaissance par expérience ou par des simples données des sens, l’agnosticisme rejoint en quelque sorte le courant philosophique empiriste, courant scientiste développé par David Hume qui stipule l’expérimentation des faits scientifiques. L’agnosticisme paraît également s’approcher du scepticisme dans la mesure où les sceptiques et les agnostiques semblent partager les mêmes attitudes à nier les réalités qui ne se démontrent pas par les sens. C’est-à-dire par expérience. L’agnosticisme s’est inspiré aussi de la philosophie de Kant. Celui-ci affirmait que la connaissance de la chose en soi nous est impossible et que la raison humaine ne peut rester qu’au niveau des phénomènes sans arriver au niveau des noumènes. Car ces derniers sont inconnaissables par notre entendement.
En ce qui concerne le rapport qu’on pourrait établir entre la philosophie de Hegel et la pensée des agnostiques. D’une part, il semble que Hegel n’a rien à voir avec l’agnosticisme, vue sa position ainsi que ses recherches sur la philosophie de l’Esprit, à travers les preuves qu’il postule sur l’existence de Dieu. En effet Hegel prône le théisme. D’autre part, notamment dans son ouvrage Phénoménologie de l’esprit, Hegel développe une philosophie de religion qu’il appelle « la nouvelle religion ou la religion manifeste » dans laquelle il postule un renversement de l’absolu où le prédicat devient sujet, et le sujet prédicat. Dans cette nouvelle forme de religion Hegel ramène l’absolu dans le sujet même, c’est-à-dire en soi. Cette religion fait découvrir à tout homme qu’il est divin et par là, tout homme découvre aussi la vérité de son essence. Ici, la philosophie de Hegel semble épouser l’athéisme.
En somme, la philosophie de Hegel nous met en face de deux personnages renvoyant au même Hegel. Ce double personnage réside dans le fait que son époque connut un temps où s’avérait difficile de se décaler de la croyance catholique en vogue. Les penseurs de son époque dissimulaient leur position face à la métaphysique pour avoir une chaire et mener une existence paisible. Ce double personnage a donc donné naissance à la gauche et à la droite hégélienne, c’est-à-dire l’ancien et le nouveau Hegel. La gauche renvoyant aux jeunes hégéliens qui font preuve d’une liberté de penser, refusant toute autorité. Ils manifestent un intérêt pour la personne en privilégiant la différence. Pour eux, le rationnel est réel. Pour ce qui est des anciens hégéliens c’est-à-dire la droite, ils manifestent un attachement et une fidélité à la métaphysique. Leur centre d’intérêt étant la philosophie spéculative. Pour eux, le réel est rationnel.

Conclusion
Au terme de notre travail qui a consisté à développer un courant de pensée qu’est l’agnosticisme face à la philosophie de Hegel, nous pouvons rappeler que l’agnosticisme est cette position selon laquelle la vérité de certaines propositions (le plus souvent théologiques, concernant l’existence de Dieu) ne doit pas être une préoccupation en raison de son caractère inconnaissable. L’agnosticisme est en fait une pensée fondée sur le rejet de la connaissance de l’au delà où la vérité absolue est incertaine. Le sujet Hegel et Agnosticisme nous a mis en face d’un double personnage de Hegel qui a connu au cours de sa philosophie deux tendances opposées : la gauche et la droite Hégélienne.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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THONNARD F.-J., Précis d’histoire de la philosophie, Tournai, Editions Desclée & Cie, 1937.
SITES WEB VISITES:
http//www.arts.cuhk.edu.hk/mftp/E-text.Russell/agnostic.htm
http// fr.wikipedia.org/wiki/agnosticisme


MUNYANZIZA Pierre Célestin
Missionnaires des Sacrés Cœurs
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[1]
[2] Descartes, Méditations métaphysiques, III, Paris, GF Flammarion, 1979, p. 101.
[3] Idem,
[4] A. Michel, Encyclopédia Universalis, Paris, Albin, 2000, p. 881.
[5] R. Descartes, Méditations métaphysiques, V, Paris, GF Flammarion, 1979, p. 157.
[6] Cf. Idem, III p. 105.
[7] Cf. G. Pascal, Descartes, Paris, Bordas, 1986, p. 65.
[8] R. Descartes, Op. Cit., p. 117.
[9] Idem, p. 117.
[10] Cf. Ibid., pp. 117-119.
[11] Ibid., p. 107.
[12] Ibid., p. 105.
[13] Cf. Ibid. p. 115.
[14] Ibid. p. 117.
[15] Ibid. p. 111.
[16] Cf. Ibid. p. 97.
[17]
[18] Cf. Descartes, Les principes de la philosophie première, Paris, Alcan, 1886, p. 60.
[19] Kant, « Fondement de l’existence de Dieu », in œuvres philosophiques, T. 1, Paris, Gallimard, 1980, p. 428.
[20] HUME cité par B. SEVE, La question philosophique de l’existence de Dieu, Paris, PUF, 1997, p. 67.
[21] Selon J. MOREAU, dans Spinoza et le Spinozisme, sur la tombe de Spinoza, il est écrit avec mépris, « Ci-gît Spinoza ; crachez sur sa tombe ».
[22] SPINOZA, L’Ethique I, p. 305.
[23] Cf. M. ALBIN, Dictionnaire des philosophes, Paris, Ed. Albin Michel, 2001, p. 1460.
[24] Cf. L. MILLET, Pour connaître Spinoza, Paris, Bordas, 1986, p. 34.
[25] Cf. SPINOZA, L’Ethique, II, déf. IV in N. BARAQUIN, Dictionnaire de philosophie, p. 310.
[26] SPINOZA, Œuvres 1. Le court traité traduit par Ch. APPUHN, Paris, Garnier Flammarion, 1964, II, V, 5.
[27] B. SPINOZA, Ethique I, Définition III.
[28] B. SPINOZA, Ethique I, Scolie de la proposition XVII.
[29] SPINOZA, Ethique I, V 40.
[30] B. SPINOZA, Ethique, I, Appendice, p. 161.
[31] SPINOZA, Ethique, II, prop. 28.
[32] C. ROUX-LANIER, sous la dir., Le temps des philosophes, Paris, Hatier, 1995, p. 250.
[33] J. MOREAO, up. cit. p. 6.
[34]J. THONNARD, up. cit. p. 512.
[35] Cf.E. KANT, Critique de la raison pure, Paris, PUF, 1986, p.254
[36] Idem, p.77
[37] E.KANT, La religion dans les limites de la simple raison,
[38] E.KANT, Op.cit. p.419
[39] E.KANT, Beweisgrund, KG.S., cité par P.Laberge, La théologie kantienne précritique, Ottawa, Edition de l’université, 1973, p.

[40] Ibid., p. 429
[41] Ibid., p.430
[42] Cf. Ibid., p.432
[43]Ibid.
[44] Cf. Ibid., p.435
[45] Ibid. p.436
[46] Cf. Ibid., p.441
[47] Cf. Ibid., p.443
[48] Cf. Ibid., p. 445
[49] P.Laberge, La théologie kantienne précritique, Ottawa, Edition de l’université, 1973, p.173
[50] Cf . Hegel, Phénoménologie de l’esprit, Paris, Aubier, p. 19
1 AUROUX S., Les notions philosophiques, tome2, Paris, PUF, 1990, p.1529.
[52] Cf. LEIBNIZ G., Essais de Théodicée, I, § 9.
[53] RUSSEL B., La philosophie de Leibniz, exposé critique, XVI, § 22 i.
[54] JALABERT J., cité par RUSSEL B., in la philosophie de Leibniz, exposé critique, XVI, § 121.
[55] Cf. RUSSEL B., op.cit, § 121.
[56] Idem, § 122.
[57] JALABERT J., Le Dieu de Leibniz, Paris, PUF, 1960, pp.168-169.
[58] Idem.
[59] Ibid., p.9.
[60] La Sainte Bible, exode 3, 14.
[61] Idem, 1jean3.1.
[62] Cf., JALABERT J., op.cit, p 221.
[63] COLLIN A., Dictionnaire de philosophie, Paris, Nathan, 2002, p 221.
[64] Idem, p.205.
[65] Ibid., p. 206.
[66] Cf., MICHEL L., leibniz et voltaireaboutleter.chez-alice.fr/pages/etexts%20ml/leiniz%20et%20voltaire.html, 03-2008.
[67] Idem.
[68]Leibniz G., Essais de Théodicée, (réponse à la 5° objection), p.370.
[69] Candide ou de l’optimisme, Encarta, 1993-2003, Microsoft Corporation.
[70] GAUDEMAR M. DE, Leibniz, de la puissance au sujet, Paris, Vrin, 1994, p.246.
[71] RUSS J., Philosophie : les auteurs les œuvres, Paris, Bordas, 1996, p.73.
[72] AMIEL A., 50 grandes citations philosophiques expliquées, Alleur (Belgique), col.Marabout, 1990, p164.
[73] Voltaire-Candide ou de l’optimisme, www.cdrnet.net/kb/data/FR_voltaire.asp-, 19-03-2008.
[74] Leibniz G., Essaie de Théodicée, (réponse à la 1°objection), p.364.

[75] Cf. N. BARAQUIN, Dictionnaire de la philosophie, Armand Colin, Paris ? 2000, p.179.

[76] Ibid.
[77]Cité par J. RUSS, in Dictionnaire de la philosophie, Paris, Bordas, p.241.
[78] Joachim Thomas, Introduction à la théologie naturelle. (Dieu et le mal) Presse de l’UCAC, 1998, p.50.
[79] Idem
[80] Ibid
[81] F. Varillon, Joie de croire joie de vivre, Ed. Le Centurion
[82] L. Meynard, Métaphysique, Paris, Librairie classique Eugène Belin, 1960, p.280.
[83] Cf. http://www.especethique.fr (consulté le 24/02/2008)
[84] SPINOZA, Traite de la réforme de l’entendement, Paris, GF-Flammarion, 1964, p. 83.
[85] VERGEZ A. et HUISMAN D., Histoire des philosophes illustrée par les textes, Paris, FERNAND NATHAN, 1966, p. 96.
[86] http://www.especethique.fr (consulté le 24/02/2008)
[87] Idem.
[88] L. SENTIS, Saint Thomas d’Aquin et le mal, Foi chrétienne et Théodicée, Paris, Beauchesme, 1992, p. 34.
[89] Cf. Idem, pp. 34-35.
[90] E. Borne, Le problème du mal, PUF, 1973, p44.
[91] Ibidem, p.49.
[92] Ibidem, p.55.
[93] Ibidem, p.68.
[94] Ibidem, pp.100-101.
[95] Ibidem, p.105.
[96] L. Pareyson Ontologie de la liberté, le problème du mal, onto16-17.htmlliberte.hymlmal en dieu html.
[97] Ibidem.
[98]M. NEUSCH , Le Mal, Centurion, Paris 1990, P.96.
[99] Cf. N. BARAQUIN et al, Dictionnaire de philosophie, Paris, Armand Colin, 2005, p.239.
[100] F. NIETZSCHE, Le Crépuscules des idoles, Traduit par Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1930, p.153.
[101] Ibid, P.154.
[102] Nietzsche FRIEDRICH, Généalogie de la morale, traduit par Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1948, p.152. In Faute et Chatimet [Mémoire présenté par Rodrigue NTUNGU pour l'obtention du grade de bachelier en philosophie] Kinshasa, Juillet 2005, p.32.

[103] F. NIETZSCHE, Le crépuscule des idoles, Op. cit., p.155.
[104] Idem.
[105] Idem.
[106] Cf. F. NIETZSCHE, Le gai savoir, traduit par P. Klossowski, Paris, Gallimard, 1967, p.180
[107] Cf. F. NIETZSCHE, L’Antéchrist, Paris, P.I.B, 1967, p.115.
[108]Cf. Ibid, p.35.
[109] Cf. F. NIETZSCHE, Par-delà le bien et le mal, Paris, U.G .E., 1970, Fg 53.
[110] F. NIETZSCHE L’antéchrist, Op. cit., p.32.
[111] F. NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra, Paris, Mercure de France, 1912, p.106.
[112] Ibid, p.106.
[113] Idem.
[114] Ibid, p.12.
[115] Cf. Idem.
[116] Idem.
[117] Ibid, p. 128.
[118] F. NIETZSCHE, Généalogie de la morale, Traduit par Angèle Kremer-Marietti, Paris, U. G .E ., 1974, p.294.
[119] Idem.
[120] Cf. K. MARX, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, Paris, Aubier, 1971, p. 77.
[121] Cf. Idem, p.79.
[122]Cf. K. MARX, Idéologie allemande, Paris, ED. Sociales, 1972, p. 27.
[123]Cf. Idem, p. 25.
[124] Ibid., p. 35.
[125] K. MARX et F. ENGELS., Sur la religion, Paris, Ed. Sociales, 1972, p.4.
[126] Idem, p. 42.
[127] J.- Y. CALVEZ, La pensée de Karl Marx, Paris, Seuil, 1956, p. 41.
[128] BRUNO Bauer citée par J.- Y. CALVEZ, La pensée de Karl Marx, Op. Cit., p.37.
[129] Cfr. G. M.- M. GOTTIER, L’athéisme du jeune Marx ses origines Hégéliennes, Paris, Vrin, 1954, p. 342.
[130] Idem, p. 357.
[131] Ibid., p. 357.
[132] Ibid. p. 357.
[133] Cf. J. GAARDER, Le monde de Sophie, Paris, Seuil, 1985, p. 414.
[134] Cf. J.- Y. CALVEZ, Op.Cit., p. 190.
[135] COLL., Théo : Encyclopédie catholique pour tous, Paris, Droguet / Fayard, 1992, p. 405.
[136] G. M.- M COTTIER, L’athéisme du jeune Marx. Ses origines hégéliennes, Paris, Vrin, 1959, p. 345.
[137] H.- C. DESCROCHE, Signification du marxisme, Paris, Ed. Ouvrières, 1950, p. 243.
[138]Idem., p. 45.
[139] F.-J. THONNARD, Précis d’histoire de la philosophie, Tournai, Editions Desclée & Cie, 1937, p 675.
[140] Ibid., p. 677.
[141] G.W.F. HEGEL, Leçon sur la philosophie de la religion, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1972, p 20.
[142] Ibid., p. 28.
[143] Http/www.arts.cuhk.edu.hk/humftp/E-text.Russell/agnostic.htm
[144] F.-J. THONNARD, Précis d’histoire de la philosophie, Tournai, Editions Desclée & Cie, 1937, p. 654.
[145] G.W.F. HEGEL, La phénoménologie de l’esprit, Tome II, Paris, Editions Montaigne, 1947, p. 203
[146] Ibid., p. 213.
[147] Ibid., p. 223.
[148] Ibid., p. 258.

1 comentario:

  1. Ce texte publié en haut est un long travail de longue haleine. Il a été rélisé dans le sens de faire des recherches pour approfondir le Cours de Téologie Philosophique. C'est en l'année académique 200/2008. Le professeur ZOA OBAMA-Vicaire général au Diocèse de Youndeé, a guidé et corrigé ce travail, comme lui même, il nous donnait ce cours en Licence II. Voici en bas les adrèsses que j'utlisait dans ce temps.
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