domingo, 3 de enero de 2010

LA VOCATION DE L'EDUCATEUR SELON TSAFAK



0. INTRODUCTION GENERALE

I. LA VOCATION DE L’EDUCATEUR
I.1. Les signes de la vocation d’éducateur
I.2. Orientation
I.3. Les risques d’un éducateur non dévoué

II. LA CONSCIENCE PROFESSIONNELLE
II.1. Approche définitionnelle, nature et valeur de la conscience
Professionnelle
II.2. La conscience professionnelle et la responsabilité sociale de l’enseignant
II.3. Les éléments de la conscience professionnelle

III. LA CULTURE GENERALE
III.1. La nécessité de la culture générale
III.2. L’importance de la culture générale
III.3. L’Acquisition et entretien de la culture générale

IV. LA CULTURE PROFESSIONNELLE
IV.1. L’exercice intelligent de la profession enseignante
IV.2. La connaissance indispensable pour un professionnel de l’éducation
IV.3. Les éléments pour entretenir la culture professionnelle

V. APPRECIATION CRITIQUE

CONCLUSION

0. INTRODUCTION GENERALE

La profession d'enseignant, est l’une des professions qui requiert davantage un certain nombre d'aptitudes et de valeurs qualifiées dans le but de préserver son intégrité et sa crédibilité, ainsi que le respect de la dignité de l'enseignant. En effet la mission de former la personne humaine exige une suffisante maturité morale de la part de l'éducateur, dans l'intérêt d'exercer efficacement la profession qui lui incombe. C'est donc dans cette optique que Gilbert Tsafak a écrit son ouvrage intitulé l'Ethique et la déontologie de l'éducateur. En ce qui concerne l'éthique selon notre auteur, elle « est la science de la morale, la théorie raisonnée du bien et du mal. On la définit aussi comme l'art de diriger la conduite humaine. Elle a pour but l'étude des jugements de valeur, d'appréciation portant sur les actes qualifiés de bons ou de mauvais »[1]. Tandis que « la déontologie est en fait la science qui traite des devoirs à remplir. Elle est la morale professionnelle dés lors qu'elle étudie non seulement l'ensemble des devoirs, des prescriptions admises à une époque donnée dans une profession, mais aussi l'effort pour se conformer à ces prescriptions ainsi que les exhortations à les suivre »[2]. Ainsi, la profession d'éducateur tient nécessairement en compte ces deux éléments fondamentaux qui constituent le socle même de son mobil de formateur d'hommes. Quelle serait donc l'essence de la vocation d'éducateur? De quelle manière doit-il accomplir sa noble mission? Quel est le bagage culturel, intellectuel et professionnel dont l'enseignant doit disposer pour pouvoir être à la hauteur de son métier? La réponse à ses questions constituera l'ossature de notre exposé.

I. LA VOCATION DE L’EDUCATEUR

Selon le Petit Robert, le mot vocation vient du latin « vocare » qui signifie appeler. Ce qui se fait en émettant un son. Primitivement, ce mot d’origine théologique s’appliquait à la prédestination des moines, des prêtres et des religieux[3]. Il sera ensuite petit à petit transposé dans le domaine laïc ; et l’on parlera par exemple de la vocation d’artiste, de scientifique, d’éducateur… mais tout en gardant l’aspect selon lequel tout ce que l’homme fait est un don de Dieu. C’est dans le même sens que Max Weber dans L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, parle de la notion de « Beruf » comme une mission reçue de Dieu et non comme un simple travail qu’on accomplit pour gagner sa vie[4]. La vocation reste donc un appel.

I.1. Les signes de la vocation d’éducateur

Bien que la vocation soit un appel, il est convenable qu’on ait des aptitudes requises pour pouvoir faire ce à quoi on est appelé. Et dans le cas précis de l’éducation, un éducateur c’est celui qui a, non seulement le souci de l’éducation, mais aussi une certaine capacité de transmettre ses connaissances. Et tout cela se manifeste par des signes que G. Tsafak classe en deux catégories : les signes intérieurs qui sont expérimentés par le sujet lui-même. Ces signes peuvent être le goût des études, l’amour particulier pour les enfants, les jeunes et les adolescents, le besoin de communiquer avec les autres et toujours dans le souci d’éduquer. Et des signes extérieurs qui peuvent être visibles même par d’autres personnes. Ils peuvent être l’enthousiasme, le soin, la disponibilité, le souci pour la chose de l’éducation etc. Dans ce cas, un service d’orientation est nécessaire au risque de tomber dans ce que notre auteur appelle « fausses vocations »[5].

I.2. Orientation

La connaissance personnelle est très nécessaire dans l’orientation professionnelle. Il convient d’abord de se connaître soi-même ; écouter son cœur afin de découvrir ce que l’on ressent réellement. Mais avant cette connaissance de soi, la tache revient aux orienteurs ou plutôt à ceux qui sont chargés de l’éducation de l’enfant de l’orienter vers une école d’éducateurs s’il présente des signes d’amour pour ce domaine. Lorsque l’orientation n’est pas faite selon l’amour et les compétences qu’on a de la chose éducative, on risque de devenir un enseignant plutôt qu’un éducateur. Un enseignant étant celui qui se limite au savoir. Celui qui apporte des connaissances intellectuelles et des instructions. Contrairement à l’éducateur qui, en dehors de ces savoirs intellectuels, apporte davantage des aptitudes morales et même spirituelles. G. Tsafak pense à cet effet que ceux qui doivent éduquer ne sont pas forcément ceux qui sont intelligents, instruits, habiles ou ingénieux, (et pourtant ces qualités restent importantes). Ce sont plutôt ceux qui se montrent le plus dévoués. Ceux qui ont l’amour d’éduquer. Et c’est dans la même optique que Vauguenargue disait : « Ni l’ignorance n’est défaut d’esprit, ni le savoir preuve de génie »[6]. Et Dupamloup de poursuivre en disant : « Les plus savants sont quelquefois les moins capables d’enseigner ce qu’ils savent : leur science les embarrasse »[7].

I.3. Les risques d’un éducateur non dévoué

Lorsqu’un individu s’engage dans le métier de l’enseignement avec le souci d’avoir un emploi, d’occuper ses temps libres ou tout simplement parce qu’il est éloquent et veut toujours prendre la parole, les risques sont énormes tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. D’abord, il sera toujours en proie aux fatigues pour un métier particulièrement épuisant tel que l’enseignement. Et cette fatigue va l’amener à être constamment nerveux. Il va porter son métier comme un fardeau, ou une contrainte. Et finalement il sera malheureux dans la société parce qu’il n’est pas heureux de ce qu’il fait. En outre il ne pourra aboutir à de bons résultats parce que le travail sera toujours mal fait. Ce qui pourrait constituer un danger pour la société.

II. LA CONSCIENCE PROFESSIONNELLE

II.1. Approche définitionnelle, nature et valeur de la conscience
professionnelle

* Approche définitionnelle: Selon Tsafak, la conscience professionnelle peut se définir comme « l’application volontaire du travailleur à bien effectuer son travail, à bien s’acquitter de sa tâche. Elle est commandée par la conscience psychologique et la conscience morale »[8]. Pour ce qui est de la conscience psychologique, elle désigne « l’intuition plus ou moins claire qu’a l’esprit humain de ses états et de ses actes »[9]. Quant à la conscience morale, c'est « la propriété qu’a l’esprit humain de porter des jugements normatifs spontanés et immédiats sur la valeur morale de certains actes individuels déterminés »[10]. Pour Tsafak, il ne s’agit pas nécessairement des règles codifiées, mais des données morales qui se sont ancrées et intégrées dans l’individu au point de s’identifier à la voix intérieure qui lui prescrit ce qu’il doit faire.

En outre, la conscience morale est à la fois immanente[11](le bien moral est objet de désir) et transcendante (obligation : l’ordre moral vient d'en haut) à la volonté de l’homme. Mais, même si la conscience morale est immanente à la volonté du sujet humain, l’exigence de l’éducation morale reste toujours d’actualité. Et la conscience morale alimentant la conscience professionnelle, l’enseignant doit donc d’abord être un sujet moral. Car, pour mener une vie morale satisfaisante, il est important que l’individu connaisse d’abord le bien au moyen de l'instruction, ensuite qu’il ait la volonté de le rechercher par l'éducation[12]. D’ou la nécessité de renforcer l’éducation morale à l’école, puisque la famille seule ne peut pas le réaliser efficacement.

Par ailleurs, la conscience professionnelle implique aussi « le respect des conventions de travail, l’obligation de bien servir et l’observation des exigences à la profession, découle de la conscience morale et peut compenser la tiédeur de la vocation, le manque d’éclat des capacités intellectuelles et le défaut de virtuosité pédagogiques »[13].

* La nature de la conscience professionnelle : La conscience professionnelle requiert une pleine connaissance du métier à accomplir, ainsi que l’idéal qu’il vise. Elle fait donc appel non seulement au sens du travail bien fait, mais également à la volonté de bien le faire. L’idéal que la conscience professionnelle poursuit est une réelle « victoire sur l’égoïsme et la paresse ou du goût de tranquillité »[14]. Ainsi, la profession doit être préférée à soi – même, car le métier d’éducateur exige beaucoup d’abnégation.

* La valeur de la conscience professionnelle :la profession enseignante se révèle très délicate, car l’enseignant est toujours considéré comme le modèle de la société ; ce qui suppose que sa profession ne peut se séparer de sa vie. L'éducateur est donc en quelque sorte « toujours dans l’exercice de ses fonctions »[15]. Ainsi tout ce qu'il fait tant au niveau professionnel que personnel fait « un » avec lui. C’est pour cela qu’il est appelé à tout moment à laisser toujours plus de place à l’intérêt professionnel que personnel.

II.2. La conscience professionnelle et la responsabilité sociale de l’enseignant

La conscience professionnelle en tant que vertu sociale requiert un sens de responsabilité dont l’enseignant doit répondre devant l’élève, la famille, la société et même l’humanité toute entière. Pour Tsafak, « l'avenir de l'élève dépend pour une large part de l'éducation reçue à l'école »[16]. Ce qui signifie que l'influence que l'enseignant exerce sur les diverses facultés de l'enfant (intelligence, sensibilité, sentiments, volonté…) est considérable. C'est pourquoi l'enseignant doit toujours accomplir son métier avec tout le sérieux que cela comporte afin de ne pas décevoir ou frustrer l'enfant qui lui est confié, car le rattrapage n'est jamais salutaire pour un sujet qui a raté son éducation de base. Ainsi, l'éducateur doit sentir à tout moment qu'il a à rendre compte à l'enfant plus qu'à quiconque.

Devant la famille qui confie tout l'être de son enfant à l'enseignant, ce dernier ne doit aucunement abuser de leur confiance et est tenu, par l'obligation morale et professionnelle de lui rendre compte au moment venu. Il en va de même pour la société qui prend en charge l'éducation de ses citoyens. En effet il est de son devoir de sélectionner le corps professoral afin d'en écarter tout enseignant ne répondant pas aux critères prédéfinis. Car l'enseignant étant une figure de proue dans la société, il revient à l'Etat de s'assurer que la formation dispensée contribue effectivement au modèle d'homme prévu et que les éducateurs prennent leur travail au sérieux. Ainsi « l'enseignant salarié qui ne remplit pas consciencieusement sa tâche commet un vol public »[17]. De ce fait, l'enseignant doit toujours avoir à cœur que « la formation intellectuelle, morale et civique des citoyens pour la société de demain est l'œuvre du corps enseignant »[18]. C'est donc dire avec Tsafak que si on constate qu'une génération d'individus formés à l'école présentent d'énormes écarts tant au niveau intellectuel que moral, par leur paresse sans pareil et leur manque d'esprit d'initiative par rapport aux autres générations, la cause est à rechercher auprès des enseignants corrompus et incompétents qui n'ont pas su inculquer dans les cœurs de ses derniers le sens du civisme[19].

L'enseignant a aussi des comptes à rendre à l'humanité en ce sens que l'éducateur forme l'homme non seulement pour la société, mais également pour le monde tout entier. Ce qui revient à mentionner que l'enseignant qui entretient des haines tribales ou racistes sèment dans le cœur des enfants des sentiments négatifs qui pourraient se solder plutard par des guerres fratricides voire internationales. Car « les foyers de guerres tribales qui éclatent un peu partout dans le monde, autour de nous et même non loin de nous, en cette fin du vingtième siècle sont les conséquences des injustices réelles ou perçues et ressenties comme telles, mais surtout des haines semées dans l'esprit des hommes »[20]. Donc l'éducateur doit saisir ces faits pour les présenter aux enfants afin de pallier à ces tendances de méfiance réciproque, puisque la responsabilité de l'enseignant se situe tant sur des aspects quantitatifs que qualitatifs.

II.3. Les éléments de la conscience professionnelle

La régularité est un élément très important dans le métier d'enseignant, elle a une connotation morale et technique: « Régler son travail c'est planifier son enseignement en se conformant aux horaires et programmes officiels »[21]. L’enseignant consciencieux doit savoir planifier son temps, évaluer les élèves à temps, être toujours à l'heure ou même avant l'heure, car pour Tsafak « l'idée d'une heure africaine fluctuante, imprécise et aléatoire est un prétexte des paresseux et des laxistes et doit être combattue »[22].

L'enseignant doit aussi accomplir son métier avec zèle ce qui signifie qu'il doit avoir la bonne volonté de le faire même au delà de ce qui est demandé, c'est donc dire que la conscience professionnelle exige que l'enseignant se consacre tout entièrement à son travail en donnant plus de son temps que prévu, en programmant des séances de rattrapages et même de répétitions gratuites, en contribuant au besoin à l'achat du matériel didactique. Le zèle consiste aussi à préparer le cours avec plus d'engouement tout en l'enrichissant par des recherches et une documentation appropriées. Ainsi, le zèle devient comme un stimulant qui accroît l'amour du métier et conduit à l'engagement professionnel très poussé. Et cela non en vue de l'obtention d'un quelconque avantage (puisqu' il est inconditionnel), mais par amour des enfants et de la vocation d'enseignant; cela n'exclut pas la promotion sociale, mais elle n'en demeure pas pour autant le but recherché. Ainsi, l'éducateur se trouve satisfait et joyeux de réaliser son métier. Tandis qu'un certain engagement peut résulter d'autres facteurs que le zèle (argent, honneurs…), mais il n’est pas l’idéal pour un bon éducateur.

La conscience professionnelle exige aussi une certaine créativité ou un esprit d'initiative de la part de l'enseignant afin d'améliorer sa manière d'enseigner et cela requiert un esprit critique. En effet comme le souligne d'ailleurs Tsafak « l'esprit d'initiative suppose d'abord l'esprit critique, une remise en question de ce qui est »[23]. Pour y parvenir, l'enseignant doit savoir se risquer en renonçant à ses propres commodités.

III. LA CULTURE GENERALE

« Le mot culture, est d’origine romaine, écrit Hannah Arendt. Le mot ‘culture’ dérive de coleve-cultiver, demeurer, prendre soin, entretenir, préserver […]. Il semble que le premier à utiliser le mot, pour les choses de l’esprit et de l’intelligence, soit Cicéron. Il parle de excolère animum, de cultiver l’esprit, et de cultura animi, au sens où nous parlons aujourd’hui encore d’un esprit cultivé»[24]. En effet, la culture générale permet à celui qui la possède de savoir un peu de tout. Notre travail consistera à définir la culture générale et à la décrire. Puis montrer son importance pour la profession et le devoir qu’a chaque personne de développer en lui les valeurs humaines. Enfin nous mettrons en évidence les moyens par lesquels on acquiert et entretient cette culture générale.

III.1. La nécessité de la culture générale

La culture générale désigne la connaissance adéquate ou exacte et indispensable d’un peu de tout. Ainsi l’homme cultivé est capable de faire appel à des connaissances suffisantes dans différents domaines pour comprendre ou résoudre les problèmes auxquels il est confronté dans la vie. C’est dans cette perspective qu’André Ferré déclare : « la culture est la résonance d’un savoir à la fois étendu et approfondi dans les esprits d’une certaine qualité »[25].

Cependant qu’est ce qui caractérise la culture générale ? La culture générale est différente des cultures nécessaires pour l’exercice d’une profession donnée. Elle sert de quintessence à ces cultures particulières. La culture générale n’a pas de compétence technique déterminée. Néanmoins, elle contribue à les acquérir toutes car, elle arme l’esprit des qualités comme : la précision, la clarté, le sens critique, la finesse et le goût. Ces qualités peuvent être employées dans toute tâche. Pour ce faire quel est l’apport de la culture générale dans la profession ?

III.2. L’importance de la culture générale

La mobilité professionnelle est un fait marquant de notre époque. C’est pourquoi il faut avoir les assises indispensables pour s’adapter aux nouvelles professions qui naissent chaque jour. Elle peut être volontaire ou exigée par les besoins de la conjoncture. Ainsi l’homme moderne est appelé à savoir plus pour réaliser son travail. L’homme doit posséder des aptitudes adéquates à l’adaptation de la situation changeante du monde. Enfin, une culture générale solide permet d’apprendre et d’exercer plusieurs professions au cours de la vie.

L’homme moderne acquiert la culture tout simplement pour préserver son image et en tirer satisfaction. Toutefois, l’envolée sans précédent des moyens de communication de masse médias et tout récemment de l’Internet, met à la portée de la population tous les aspects de la vie. Ceci suscite en l’homme une curiosité, un désir de participation, un souci de s’informer. La lecture est également source de culture, d’où la nécessité d’acquérir ce qu’il convient aujourd’hui d’appeler les biens d’information (ouvrages, revues, micro-ordinateur,…). La culture générale permet à l’homme moderne de comprendre le monde qui l’entoure et de résoudre les problèmes que lui pose la vie quotidienne.

La société moderne aspire à vivre plus démocratiquement. Elle veut donner aux citoyens plus de droits afin que ces derniers puissent connaître les différents pouvoirs qu’exerce sur eux leur Etat. Les droits doivent s’appuyer sur un minimum de connaissances et d’aptitudes intellectuelles des citoyens. Il est en effet aberrant de consulter sur les affaires de l’Etat, les électeurs ignorants les motivations de leurs choix. Dans nos sociétés très peu de citoyens savent comment fonctionne l’Etat, connaissent leurs devoirs et surtout leurs droits. Les citoyens ignorent souvent la vie économique, sociale et politique de leur pays. André Ferré affirme dans ce sens qu’ « un peuple ignorant sans instructions, quelle que soit la façon de le gouverner, est esclave »[26].

La collaboration du peuple à la vie politique relève bien plus souvent de son niveau de culture générale que confère l’éducation. Beaucoup d’individus sont privés de leurs droits parce qu’ils les ignorent ; or un droit est ce qui est exigible, d’où la nécessité de se cultiver. Par ailleurs, la connaissance a supplanté l’argent comme source de pouvoir. C’est pour cette raison que toute négligence de l’instruction et de l’éducation de la jeunesse est un manquement grave pouvant retarder l’évolution d’une nation. Un leader africain déclarait dans ce sens : « Les hommes aspirent à une santé meilleure, ils aspirent à davantage d’instruction et à une éducation plus généralisée. Ils y ont droit en tant qu’individus et c’est une nécessité de déployer le maximum d’efforts dans ce sens. Les dirigeants qui dans le passé ont prétendu gouverner plus facilement en tenant le peuple dans l’ignorance se sont tirés en définitive de graves mécomptes. On ne peut bâtir une nation moderne, solide et saine sur une population analphabète, une masse de travailleurs mal préparée ou peu informée»[27].

III.3. L’Acquisition et entretien de la culture générale

L’enseignant doit avoir une culture solide. Il est sensé suivre les études sérieuses, continuellement entretenues et alimentées grâce à la bibliothèque. L’enseignant doit montrer l’amour et le respect des livres, être ouvert sur l’actualité, et posséder une saine curiosité intellectuelle. Il doit avoir une bibliothèque personnelle témoignant, son attachement aux choses de l’esprit. Enfin un enseignant doit rester ouvert et constamment inquiet intellectuellement.

Par ailleurs, l’enseignant doit comprendre que ce que l’on enseigne quelque soit le niveau de la culture et d’instruction n’est qu’une partie infime du savoir humain. Il faut donc éviter le pédantisme, l’assurance et la suffisance. Car c’est en étant conscient des limites de nos connaissances que nous sommes plus motivés à nous cultiver.

La connaissance et la pratique des divers arts également collaborent à l’acquisition et à l’entretien de la culture « l’art est cette habileté qu’a l’homme d’exprimer par des images, des paroles, des mouvements des rythmes et des sons, les émotions de son âme »[28]. L’enseignant doit posséder et cultiver l’art de la communication en général et de la parole en particulier. Ainsi, les arts constituent également des moyens de culture.

L’enseignant doit savoir exploiter les techniques modernes pour élever sa culture. Malheureusement, certains s’en servent pour se détourner de celle-ci. Les programmes des films doivent être sélectionnés et visionnés avec un esprit critique. En outre, le voyage est favorable à la culture par l’élargissement de l’esprit et par l’aération que procure l’évasion des besognes quotidiennes. Enfin, il faut toujours jouir de ses vacances qui sont des acquis sacrés du corps enseignant.

IV. LA CULTURE PROFESSIONNELLE

Nous avons pu constater l’importance capitale de la culture générale, mais par ailleurs cette culture s’avère insuffisante pour pouvoir exercer la profession d’éducateur. Ainsi, il nous a paru important de faire allusion à la culture professionnelle qui en est une exigence particulière. En effet toutes les connaissances qui gravitent autour d’un métier alimentent sa culture professionnelle[29]. De ce fait nous allons montrer en quoi l’exercice intelligent de la profession d’enseignant est nécessaire ainsi que les éléments fondamentaux qui constitueraient les connaissances d’un éducateur et les moyens pour les entretenir.

IV.1. L’exercice intelligent de la profession enseignante

L’exercice intelligent de la profession d’enseignant donne au professeur curieux une opportunité permanente de développer sa culture personnelle. Car chaque leçon du programme qu’il est sensé préparer, lui pose un problème d’adaptation, de documentation et d’informations toujours approfondis. Il cherche à savoir, à posséder plus qu’il est nécessaire pour enseigner. Cela donne une certaine responsabilité à l’enseignant parce que ses élèves s’inspireront plus tard de sa façon de faire. L’enseignant doit lire non seulement des livres au programme, mais aussi des autres ouvrages et surtout des journaux. Les revues sont encore plus intéressantes parce qu’elles présentent l’actualité.

IV.2. La connaissance indispensable pour un professionnel de l’éducation

La culture professionnelle nous aide à orienter les connaissances vastes issues de la culture générale. Elle nous aide également à nous focaliser sur l’essentiel, qui parfois même est obligatoire, dans l’exercice du métier. Pour ce qui concerne le métier de l’éducation, afin de l’exercer dans toute sa rigueur, nous avons aussi un certain nombre d’éléments fondamentaux à observer, entre autres :
· La connaissance des matières, des horaires et des programmes : « La connaissance des matières à enseigner fait partie des objectifs de la formation des enseignants ; celle des programmes de la matière délimite le cadre, oriente l’étude et l’approfondissement de ce que l’on veut enseigner »[30].
· La connaissance de la législation et de l’administration scolaires pour saisir le contexte dans le quel une loi ou un texte réglementaire ont été pris.
· La connaissance des instructions ministérielles, pour comprendre l’esprit des programmes et des matières proposés par l’état.
· La connaissance des méthodes et procédés d’enseignement à la seule condition de maîtriser la didactique générale et la didactique spéciale propre à chaque matière.
· Et enfin, la connaissance de la psychologie et de la sociologie de l’éducation dans le but d’une éventuelle compréhension des interactions qui existent entre l’école et la société.

IV.3. Les éléments pour entretenir la culture professionnelle

Après avoir intégré ces éléments indispensables pour le métier de l’éducation, il est très important aussi de les entretenir, de les enrichir et de les renouveler : « La culture professionnelle doit se poursuivre toute la vie »[31]. Parmi les éléments qui peuvent nous aider à cette fin, nous pouvons citer:
· Les livres de la profession et les revues techniques : Etant donné que l’éducation est une science en situation, l’éducateur devrait avoir dans sa bibliothèque personnelle un rayon réservé aux ouvrages de son métier pour être toujours à la page. Car les problèmes de l’éducation se posent de façon différente selon les temps et les milieux[32].
· Les associations professionnelles, les syndicats et les sociétés savantes des enseignants : L’éducateur a intérêt d’y adhérer non seulement pour avoir un débat permanent sur les questions fondamentales de sa carrière, mais aussi dans le but d’assurer la représentation et la défense de ses intérêts à la haute instance.


V. APPRECIATION CRITIQUE

Le problème de la vocation de l’éducateur chez Gilbert Tsafak suscite un intérêt moral. L’éducateur doit se sentir libre et responsable dans sa tâche. Si l’on ne se sent pas assez attiré par le métier de l’enseignement, on ne doit pas s’y engager, de peur de se ruiner soi même et ruiner aussi l’entourage. Cependant, nous pouvons reprocher à Tsafak de tenir beaucoup plus compte de la vocation innée. Car il arrive qu’on commence une profession sans motivation profonde, mais au fur et à mesure les idées se clarifient et l’on finit par l’aimer et s’y adonner à fond et parfois jusqu’au sacrifice de soi. Il est donc nécessaire de considérer les deux vocations : celle innée et celle acquise.
Quant à la conscience professionnelle, telle que présentée par Tsafak, elle révèle la noblesse même du métier d'enseignant; car pour être le phare de la société l'éducateur a intérêt à assumer sa tâche avec tout le sérieux que cela comporte. Toutefois le caractère exigeant de cette conscience professionnelle, laisse croire qu'elle reste un idéal pas facile à atteindre. En effet, le chômage croissant a fait entrer dans le monde des éducateurs, des mercenaires qui non seulement n'ont pas la vocation d'enseignants, mais sapent les moindres principes éthiques du corps enseignant. Il n'est donc pas étonnant de voir des enseignants préférant l'argent plus que tout, au nom du principe populaire camerounais selon lequel la chèvre broute là où elle est attachée. L'escroquerie des élèves comme le phénomène de la mort d'une maîtresse survenue à Yaoundé il y a environs trois ans de suite de la dévoration du pain empoissonné d'un élève dont elle n'avait aucun scrupule de lui arracher son goûter quotidien. Ensuite l'exploitation de la gente féminine étudiante pour des fins égoïstes, l'ignorance du plan d'orientation éducatif, la formation inadéquate des enseignants, etc. Tout cela concourt à affirmer que la conscience professionnelle de l'enseignant au Cameroun est en crise. Les enseignants eux- mêmes ont plus que jamais besoin de mettre en exergue leurs valeurs tant humaines que déontologiques. Ainsi ils pourront renoncer à tout ce qui ne leur fait pas honneur et de vaquer consciencieusement à leur métier tout en combattant avec la dernière énergie l'une de leurs tares qui serait en majeur partie « la mentalité bureaucratique, les attentes bureaucratiques, la paresse bureaucratique instillées par l'ancien modèle des années 60 »[33].

De plus, le terme de culture est bien évidement inséparable d’un certain bagage de connaissance convenablement assimilées et maîtrisées. C’est pourquoi l’idée de culture sous-tend la notion de l’esprit cultivé à valeur formatrice. On le sait, ce terme renvoie moins à l’idée d’érudition savante ou encyclopédique qu’a un principe d’ouverture et d’équilibre. Il renvoie également à une capacité d’organisation et d’interprétation intelligente de l’information et surtout un pouvoir de discernement et d’évaluation.

En revanche, il faut bien comprendre que la culture qui définit la personne cultivée est tout le contraire d’un artifice superficiel qui laisserait son possesseur sans racine, sans appartenance, sans emprise sur le réel. Son jugement s’exerce en des matières concrètes, quotidiennes et bien contingentes. Comme personne ne peut être spécialiste en tout, il faut apprendre à faire confiance aux jugements des autres. Une sagacité bien aiguisée est donc nécessaire pour arriver à distinguer l’individu compétent du charlatan, le bon du meilleur expert. Ainsi la culture générale contribue à former le jugement critique de sorte que, sans la rendre aucunement spécialiste, elle rend la personne cultivée capable de reconnaître adéquatement les compétences de base en des domaines multiples et variés.

En ce qui concerne la culture professionnelle le gros problème reste au niveau de la documentation spéciale de chaque matière à donner. Ce problème est spécialement lié à la condition de l’enseignant qui est abandonné à son propre sort. Son salaire ne peut pas lui permettre d’avoir accès à des revues techniques et à un certain nombre des livres personnels.

En somme, nous constatons que se cultiver est un impératif pour l’enseignant qui de plus est un agent de transmission de la culture aux générations futures. La bibliothèque est une source importante de cette culture « dis-moi quels livres tu lis, comment tu les lis les traites, les classes et je te dirai qui tu es ».

CONCLUSION

Notre travail, portant respectivement sur les quatre premiers chapitres de l’éthique et déontologie de l’éducateur de Gilbert Tsafak, nous a conduit à cerner qui est le véritable éducateur. Du point de vue éthique, la fonction de l’éducateur requiert un certain nombre de principes moraux dont il est nécessaire d’acquérir. En tant qu’être humain et beaucoup plus transmetteur de la culture, l’éducateur doit être un homme vertueux ; celui qui a à cœur l’éducation des jeunes. Il doit être conscient de son travail afin de pouvoir, comme le dit Levinas, se sentir responsable d’autrui[34]. Et tout cela passera par un vif désir de se cultiver d’abord soi-même pour pouvoir ensuite le transmettre aux autres. On ne naît pas éducateur, certes, on le devient, mais il doit exister en la personne de l’éducateur un sentiment naturel qui l’attire vers la profession de l’éducation.
Toutefois, nous avons souligné que la vision éthico-déontologique de Tsafak comporte quelques limites en ce sens qu’il n’entend l’enseignement que comme une vocation, or il existe également des enseignants qui acquièrent des qualités d’éducateur sans qu’ils en soient prédisposés. Puis la crise de la conscience professionnelle due au recrutement abusif des enseignants à cause du chômage nous fait croire que beaucoup reste à faire quant à la prise au sérieux de cette profession. De plus, le manque du matériel nécessaire disponible freine l’opportunité de se cultiver. Mais en dépit de tout ceci l’éthique et la déontologie telle que proposée par Tsafak reste d’actualité et demeure une invitation permanente à revaloriser la profession enseignante.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

HOUSSAYE J., Questions pédagogiques, Paris, Hachette Education, 1999.

LEVINAS E., Ethique et infini, Paris, Plon, 1999.

MBUMA E., Démocratiser la culture, Yaoundé, Clé, 1974.

MVESSO (A.), Pour une nouvelle éducation au Cameroun. Les fondements d'une école citoyenne et de développement, Yaoundé, PUY, 2005.

TSAFAK G., Ethique et déontologie de l’éducateur, Yaoundé, P.U.A., 1998.

WEBER M., L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Harmathan, 1997.

[1] G. TSAFAK, Ethique et déontologie de l’éducateur, Yaoundé, P.U.A., 1998, p.17.
[2] Idem.
[3] Cf. Ibid., p.27.
[4] M. WEBER, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Harmathan, 1997, p.96.
[5] G. TSAFAK, op cit. p. 30.
[6] VAUGUENARGUE, in Idem. p. 27.
[7] DUPAMPLOUP in Ibid.
[8] Ibid., p. 42.
[9] Ibid.
[10] Ibid.
[11] Ibid., p.46.
[12] Cf. Ibid.
[13] Cf.Ibid..
[14] Ibid., p.47.
[15] Ibid.,p. 47.
[16] Ibid., p.48.
[17]Ibid.
[18] Ibid.
[19] Ibid., p.49.
[20] Ibid.
[21] Ibid., p.50.
[22] Ibid., p.51.
[23]Ibid.
[24] A. HANNAH, in J. HOUSSAYE, Questions pédagogiques, Paris, Hachette Education, 1999, p.110.
[25] A. FERRE, in G. TSAFAK, op cit., p.56.
[26] Idem., p.59.
[27] A. AHIDJO, in G. TSAFAK, Ibid., pp.59- 60.
[28] E. MBUMA, Démocratiser la culture, Yaoundé, Clé, 1974, p.63.
[29] G. TSAFAK, op cit., p. 67.
[30] Idem., p.68.
[31] Ibid., p. 71.
[32]Ibid.
[33] A. MVESSO, Pour une nouvelle éducation au cameroun. Les fondements d'une école citoyenne et de développement, Yaoundé, PUY, 2005, p.25.
[34] E. LEVINAS, Ethique et infini, Paris, Plon, 1999, p.210.

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