domingo, 3 de enero de 2010

Le schématisme de la connaissance chez E. KANT


PLAN
INTRODUCTION
I. LE SCHEMATISME DE LA CONNAISSANCE CHEZ KANT
1. Polarisation du concept
2. Le schématisme transcendantal
3. Les sources de la connaissance

II. ANALYSE DES PRINCIPES DE L’ENTENDEMENT
Les jugements analytiques et synthétiques
Représentation systématique de tous les principes synthétiques
ü Principe de permanence
ü Principe de production
ü Principe de la communauté
Distinction entre noumènes et phénomènes
III. ANALYSE CRITIQUE
CONCLUSION

INTRODUCTION
Aux trois interrogations qui ont marqué Kant tout au long de sa vie, nous nous intéresserons plus particulièrement à la question « Que puis-je connaître ? », question sur laquelle on pourrait ajouter une deuxième, « comment puis-je connaitre ? » pour mieux cibler le processus qu’a notre faculté rationnelle de soumettre notre pensée aux messages qui viennent des objets. Cette recherche de l’origine de la concordance des représentations intellectuelles avec l’objet n’est pas une simple affaire. Kant s’en avisera au moment d’élaboration de Critique de la raison pure, œuvre subdivisée en deux grandes parties : l’Esthétique transcendantale et la Logique transcendantale. L’esthétique transcendantale décrira d’abord les conditions sous lesquelles les objets de la connaissance humaine sont donnés (au moyen de la sensibilité). Cette partie « Esthétique » mettra également en évidence deux formes a priori de la sensibilité : espace et temps. C’est au cours de la deuxième partie (La logique transcendantale) et plus particulièrement dans sa partie Analytique qu’on trouvera les éléments faisant objet de notre thématique, qui sous-tend, l’acquisition de la connaissance par schèmes opératoires. Compte tenu de nos idées qui se nourrissent de nos expériences et de notre entendement qui est le produit d’opération sur des objets ressentis, à la suite des scolastiques et même en dépassant l’empirisme (de Hume), Kant repose la question de la conformité de nos représentations aux objets et propose le schématisme comme méthode jouant d’intermédiaire entre le sujet connaissant et l’objet connu. Il mène cette analyse du point de vue transcendantal, c’est-à-dire qu’en poursuivant ses investigations épistémologiques, Kant s’intéresse non point sur les objets eux-mêmes (comme le faisait les empiristes) mais plutôt met l’accent sur la manière de connaître les choses et de les saisir en insistant davantage sur les éléments a priori et sur les concepts constitutifs de l’expérience. Il en opère ainsi une révolution comparative à celle de Copernic: « De même que Copernic a supposé que la Terre tournait autour du Soleil et non l’inverse, de même Kant admet que c’est notre faculté de connaître qui organise la connaissance, et non les objets qui la déterminent »[1]. Mais la question majeur reste à savoir comment peut-on arriver à construire une connaissance certaine à base du schématisme kantien ? Autrement dit : comment parvenons-nous à acquérir une connaissance objective en passant effectivement par des schèmes opératoires? Notre travail s’articulera autour de trois grands points à savoir : Le schématisme de la connaissance chez Kant, L’analyse des principes de l’entendement et l’analyse critique.

I. LE SCHEMATISME DE LA CONNAISSANCE CHEZ KANT
1. Polarisation sur le concept
Quels sont les rapports de la synthèse et de l’imagination ? L’imagination est elle une fonction de l’âme, de l’entendement, ou une partie de la sensibilité et comment l’appliquer ? Telles sont les questions qui peuvent préoccuper le lecteur de Critique de la raison pure de Emmanuel Kant. Ces différentes questions peuvent se ramener en une seule ; comment connais- t-on ? Avant tout, il nous faut rappeler l’orientation phare du projet kantien. En effet, Kant cherche à fonder l’universalité des trois domaines fondamentaux de la connaissance, de la morale et de l’art. Son obsession étant le fixe, le stable et l’atemporel. Or, le monde qui s’offre à nous est fluide, instable et temporel, de cette dualité naît dans la pensée de Kant une préoccupation ; comment parvenir à une connaissance objective. Il nous propose de partir de l’imagination. Or, le champ lexical courant lié à l’imagination est souvent proche du rêve flou qu’elle n’a pas de place dans la science exacte et rigoureuse. Ainsi, Kant sort l’imagination de la sphère de l’inutilité pour la placer sur un piédestal et il montre que sans elle, il n’y aurait pas de possibilité de connaissance. Comment alors comprendre le rôle de l’imagination ?
Avant de progresser dans notre recherche nous tenons à rappeler la conception kantienne du temps et de l’espace. En effet, Kant présente le temps et l’espace comme catégories a priori de la sensibilité. C’est-à-dire que c’est, le sujet pensant qui pose le temps et l’espace. Le temps n’est pas un concept empirique, il n’existe pas dans les choses ni à la manière d’une chose. Mais il n’existe que par et pour le sujet, il n’en est pas moins le cadre à l’intérieur duquel nous saisissons toute chose ; et par là s’affirme une sorte de primauté du temps, car les objets nous apparaissent dans l’espace, mais toute prise de conscience de ces objets se situe dans le temps. Ainsi, les phénomènes peuvent disparaître mais jamais le temps et l’espace parce qu’ils sont les conditions de possibilité des différents phénomènes. Car c’est sur eux que se fondent les expériences.
Pour arriver à comprendre ce que vient faire l’imagination dans le champ de la connaissance, Kant combine les concepts de l’entendement pur et les phénomènes généraux pour aboutir à l’imagination qu’il nomme aussi troisième terme. Il affirme : « la représentation intermédiaire doit être pure (sans aucun élément empirique) et cependant il faut qu’elle soit, d’un coté, intellectuelle et, de l’autre, sensible. Tel est le schème transcendantal »[2]. En effet, le terme intermédiaire entre le sens et le concept qu’est l’imagination doit être sensible et intellectuel c'est-à-dire temporel. Car, le temps est le cadre de toutes les représentations possibles. Le schème est un produit de l’imagination pure qui permet la formation d’images et une détermination temporelle car, c’est dans le temps que sont possibles les phénomènes. L’imagination considérée comme une spontanéité (c'est-à-dire en tant qu’imagination), sera une faculté, intermédiaire entre la sensibilité et l’entendement, de produire ces déterminations. C’est donc dans l’intuition du temps que, selon la formule de Boutroux, «l’imagination trace a priori des cadres où peuvent entrer des phénomènes et qui indiquent la catégorie sous laquelle ils doivent être rangés »[3]. En effet, si l’on veut que le concept soit appréhendé comme phénomène, il faut le faire à l’aide du temps et Kant affirme « une application de la catégorie aux phénomènes sera donc possible au moyen de la détermination transcendantale de temps, et cette détermination comme schème des concepts de l’entendement, sert à opérer la subsomption des phénomènes sous la catégorie »[4]. Lorsqu’on dit par exemple maison, empiriquement nous savons ce que représente une maison ; le concept maison doit remplir les conditions empiriques de la maison à travers l’imagination dans le cadre temporel. Le schème produit l’imagination qui procure à son tour une image à un quelconque concept, Kant affirme à cet effet : « le schème n’est toujours par lui même qu’un produit de l’imagination, mais comme synthèse de l’imagination n’a pour but aucune intuition particulière, mais seulement l’unité dans la détermination de la sensibilité, il faut bien distinguer le schème de l’image »[5]. Donc, l’image est produite par l’imagination, elle (image) est différente du souvenir et de la reproduction, du déjà vécu. L’image est un pur produit de l’a priori (connaissance acquise au seul moyen du raisonnement) indépendante de l’expérience. Le concept empirique se rapporte immédiatement au schème de l’imagination comme à une méthode qui sert à déterminer notre intuition conformément à un certain concept général[6]. Le schème permet au concept d’acquérir une image, il précède l’image et en est la condition de possibilité. Le schématisme éclaircit mieux la compréhension de la spécificité de l’imagination.
2. Schématisme transcendantal
Par définition, le schématisme se comprend comme étant « la transposition sensible mais non empirique des concepts non déterminés qui s’effectue originairement dans l’imagination »[7]. Ce qui rend le schématisme nécessaire, c’est l’hétérogénéité (différence) des intuitions empiriques et des concepts purs de l’entendement. Car toute connaissance suppose des intuitions et des concepts. Le schématisme répond donc à la nécessité de trouver une médiation (où le sensible devient harmonieux à l’intelligible) qui permet de comprendre comment les concepts purs de l’entendement peuvent s’appliquer aux phénomènes en général. C'est-à-dire, résoudre le rapport sensibilité passive et entendement spontané. Cette médiation, Kant l’a trouvée dans le temps, qui, d’une part est universel et a priori, et qui, d’autre part, se retrouve dans toute représentation empirique. Le schème d’un concept de l’entendement est quelque chose qui ne peut être ramené à aucune image, il n’est que la synthèse pure, faite conformément à une règle de l’unité par concepts en général, règle qui exprime la catégorie. Cinq points placés les uns à la suite des autres me donnent l’image du nombre cinq ; mais le schème de nombre est la représentation du procédé par lequel je peux former l’image du nombre cinq et de n’importe quel autre. De ceci, nous comprenons que le schème n’est donc pas une image ni un résumé d’image, mais une règle pour la formation d’images. Kant dit à ce sujet : « C’est cette représentation d’un procédé général de l’imagination pour procurer à un concept son image que j’appelle le schème de ce concept »[8]. Les schèmes ne sont donc que des déterminations du temps. Le schématisme est donc la manière dont les formes a priori de l’entendement peuvent s’appliquer aux phénomènes. Les schèmes des concepts purs de l’entendement sont donc les vraies et les seules conditions qui permettent de procurer aux concepts un rapport à des objets et par suite une signification. Ainsi toute liaison est un acte d’entendement, car les données sensibles par elles mêmes sont pure diversité. On peut appeler synthèse l’acte par lequel l’entendement opère une liaison dans une diversité donnée, et il en résulte que toute analyse suppose une synthèse préalable : l’entendement ne peut séparer que ce qu’il a d’abord lié. Mais, le concept de liaison implique le concept d’unité ; le schématisme ne trouve donc son sens que dans l’unité synthétique de la conscience qui accompagne toutes représentations. Cette unité n’est possible que par la synthèse des éléments divers donnés dans l’intuition et cette synthèse est la fonction propre de l’entendement. En effet, concevoir un objet, c’est ramener à l’unité et à l’identité, la multiplicité et la diversité des apparences. L’unité synthétique de la conscience est donc la condition objective de toute connaissance, c’est elle qui aide à lier une diversité intuitive pour en faire un tout (un objet). Mais il y a une distinction à faire entre l’unité objective de la conscience qui est transcendantale et l’unité subjective qui est empirique.
3. Les sources de la connaissance
Dans sa démarche vers la connaissance objective, Kant constate une dose considérable de confusions dans nos jugements. Il dit qu’il y a plusieurs de nos jugements qu’on admet par habitude ou qu’on lie par inclination, et comme aucune réflexion ne les précède ou du moins ne les suit pour les critiquer, on les tient pour des jugements qui ont leur origine dans l’entendement ; ce qui n’est pas toujours vrai. Kant propose une attitude de la connaissance sous la forme d’une interrogation essentielle. Avant toute autre étude de notre représentation, on doit savoir a quel pouvoir de connaissance appartiennent toutes nos représentations. Ceci exige bien une réflexion. La réflexion (reflexio) est l’état d’esprit où nous nous préparons d’abord à découvrir les conditions subjectives qui nous permettent d’arriver à des concepts. Elle (la réflexion) est le source de connaissance[9]. Dans une entreprise de connaissance objective, tous les jugements, et même toutes les comparaisons, ont besoin d’une réflexion, c’est-à-dire que l’on distingue la faculté de connaissance à laquelle appartiennent les concepts donnés et la comparaison possible de leur représentation. Tout acte intellectuel est une réflexion transcendantale selon l’expression même de Kant. Les rapports qui lient les concepts les uns aux autres dans un état d’esprit sont ceux d’identité et de diversité, de convenance et de non convenance, d’interne et d’externe, de déterminable et de détermination (de matrice et de forme) et permettent en amont de prononcer un jugement objectif qui soit universel, particulier, affirmatif ou négatif en partant respectivement des rapports ci-dessus[10]. Fidèle à son objectif, Kant dit qu’il ne s’agit pas dans ces rapports, de forme logique, mais du contenu des concepts ; le lien entre les choses elles mêmes. Certaines choses peuvent avoir un double rapport à notre pouvoir de connaissance (c’est-à-dire de la sensibilité et de l’entendement) et comme la manière dont elles se rattachent les unes les autres dépend de la place qu’elles occupent dans l’un ou l’autre de ces modes, la réflexion transcendantale, c’est-à-dire le rapport de représentation donné à l’un ou l’autre mode de connaissance, pourra seul déterminer leur rapports entre elles. Dès lors, la question sur l’identité ou la différence, la convenance ou la disconvenance, … est facilitée seulement par la distinction du mode de connaissance auquel appartiennent les choses. A la différence de la réflexion logique qui est une simple comparaison dépourvue de la faculté de connaître, la réflexion transcendantale (qui se rapporte aux choses mêmes) contient le principe de la possibilité de comparaison objective des représentations entre elles. Cette réflexion transcendantale est un devoir dont nul ne peut se dispenser, s’il veut porter à priori quelques jugements sur les choses[11]. Puisque, à chaque fois, c’est elle qui démontre pour quelle faculté de connaissance les concepts sont les objets de l’entendement comme noumène ou de la sensibilité comme phénomène pour éviter leur confusion.
Cependant Kant constate avec regret que Leibniz avec son système intellectuel du monde refusait que la sensibilité soit une source de connaissance, tandis que Locke ramenait à la sensibilité tous les concepts de l’entendement. Au lieu de chercher dans l’entendement et la sensibilité deux sources tout à fait différentes de représentations qui ne peuvent juger les choses d’une manière objectivement valable qu’en s’unissant, chacun de ces grands hommes s’attache uniquement à une de ses deux sources. Il apparaît clair dans cette perspective que la vérité scientifique résulte de la conjugaison permanente des deux sources de connaissance qui mettent d’ailleurs en exergue le sujet connaissant. Selon Kant, les contenus de la science viennent de l’extérieur du sujet. Ils viennent du monde sensible. L’objet des sciences de la nature se situe donc à mi chemin entre le sujet et l’objet[12]. Le lieu médian est celui des phénomènes, à distinguer des noumènes. Le concept de noumène n’est donc pas le concept d’un objet, mais le problème lié à la limitation de notre sensibilité, mieux de notre connaissance en général.

II. ANALYSE DES PRINCIPES DE L’ENTENDEMENT
II.1. Jugements analytiques et jugements synthétiques
« L’acter de juger c’est l’acte par lequel l’entendement pose la réalité »[13]. Selon la conception kantienne, tous les jugements reviennent à attribuer à un sujet (logique) un attribut (prédicat), mais cela est possible de deux façons : par analyse ou par synthèse. Le jugement est analytique, lorsque le prédicat répète le contenu formel du sujet en le développant davantage, tandis que le jugement est synthétique, lorsque le prédicat est étranger au contenu formel du sujet c’est-à-dire quand le prédicat apporte une nouvelle détermination au sujet.
« Par exemple lorsque je dis que tous les corps sont étendus, j’énonce un jugement analytique, car je n’ai pas besoin de sortit du concept que je lie au mot corps, pour trouver l’étendue unie à lui, mais je n’ai qu’à décomposer ce concept, c’est-à-dire qu’à prendre conscience du divers que je pense en lui, pour y trouver ce prédicat ; ce jugement est donc analytique. Au contraire, lorsque je dis que tous les corps sont pesants, ici le prédicat est tout à fait différent de ce que je pense dans le simple concept d’un corps en général. L’adjonction de ce prédicat donne, par conséquent, un jugement synthétique »[14].
Pour mieux expliquer la différence existante entre ces deux types de jugements (analytique et synthétique), Kant souligne : « Ou le prédicat B appartient au sujet A comme quelque chose qui est contenu (explicitement) dans le concept A ; ou B est entièrement en dehors du concept A, quoiqu’il en soit, à la vérité, en connexion avec lui. Dans le premier cas, je nomme le jugement analytique, dans l’autre synthétique »[15].
De ce qui précède, Kant déduit ce qui suit :
· Les jugements analytiques n’étendent pas du tout nos connaissances, mais seulement développent le concept que j’ai déjà et me le rendant intelligible à moi-même ;
· Dans les jugements synthétiques, je dois avoir en dehors du concept du sujet quelque chose encore sur quoi l’entendement s’appuie pour reconnaître qu’un prédicat qui n’est pas contenu dans le concept lui appartient cependant.
· Dans les jugements analytiques, je m’en tiens au concept pour établir quelque chose tandis que les jugements synthétiques proviennent du fruit de l’expérience[16]
La découverte fondamentale de Kant est qu’il existe deux sortes de jugements synthétiques : outre des jugements synthétiques a postériori, il en est d’autres jugements qui, quoi qu’ils soient synthétiques sont a priori. Ces jugements synthétiques a priori sont aussi appelés des jugements scientifiques, « parce qu’il n’y a qu’eux qui accomplissent les conditions d’universalité et de nouveauté »[17].
La logique kantienne propose quatre critères pour la classification des jugements qui forment en tout les douze catégories de l’entendement :
· Du point de vue quantité: unité, pluralité, totalité (ayant comme jugements : singuliers, particuliers, universels)
· Du point de vue qualité : réalité, négation, limitation (ayant comme jugements : affirmatifs, négatifs, indéfinis)
· Du point de vue relation : substance, causalité, action réciproque (ayant comme jugements : catégoriques, hyperboliques, disjonctifs)
· Du point de vue modalité : possibilité, existence, nécessité (ayant comme jugement : problématique, assertoriques, apodictiques)

Somme toute, « pour qu’une connaissance puisse avoir une réalité objective, c’est-à-dire se rapporter à un objet et y trouver sa signification et sa valeur, il faut que l’objet puisse être donné de quelque façon »[18]. Kant ne cesse de considérer que tout objet est soumis aux conditions nécessaires de l’unité synthétique du divers de l’intuition dans l’expérience possible. Selon lui, notre connaissance est établie à partir d’une synthèse : Synthèse entre le donné d’un élément extérieur et une forme a priori de notre subjectivité, de notre entendement.[19]
II.2. Représentation systématique de tous les principes synthétiques de l’entendement
Dans ce sous point de son « analytique des principes », Kant veut donner les conditions de possibilité de l’expérience en général qui sont aussi les conditions de la possibilité des objets même de l’expérience car pour qu’une expérience soit possible, il faudrait que soient réunies certaines conditions a priori ayant valeur objective dans un jugement synthétique a priori. Pour ce faire, Kant partira d’abord par une présentation de l’origine des principes. S’il est commun d’en rencontrer partout, ils ont une source unique qui est l’entendement pur qui n’est pas seulement « le pouvoir de la règle, mais il est même la source des principes »[20]. Ces principes sont les règles sans lesquels l’homme n’aurait jamais la connaissance d’un objet du phénomène.
Après avoir définit la source, mieux l’origine de tout principe, Kant va par la suite dégager « la table des catégories qui nous indique la manière de composer la table des principes »[21] ; car les principes ne s’utilisent que dans certaines catégories précises. Kant va donc ressortir quatre catégories pour l’usage des principes qui sont[22] :

1) Les axiomes de l’intuition : C’est un principe de l’entendement pur qui stipule que tous les phénomènes du point de vue de l’intuition, sont des grandeurs extensives c'est-à-dire que pour appréhender un phénomène il faut une synthèse du cadre espace- temps ; formes a priori de la sensibilité.

2) Les anticipations de la perception : Kant exprime ainsi ce principe : dans tous les phénomènes, la sensation et le réel qui lui correspond dans l’objet ont une grandeur intensive c'est-à-dire un degré. Cela signifie que les objets de la perception comme l’espace et le temps ne sont que des concepts a priori et donc ne peuvent être représentés. Ils sont formels et non expérimentable. Il définit l’anticipation comme « toute connaissance par laquelle je puis connaître et déterminer a priori se qui appartient à la connaissance empirique »[23].

3) Des analogies de l’expérience : Pour qu’un phénomène existe, il faut qu’il soit soumis a priori à des règles qui en déterminent les rapports réciproques dans un temps. Or le temps a trois modes d’expression qui sont : la permanence, la succession, la simultanéité. L’unité de ces trois modes est nécessaire et fonde de manière a priori l’unité de tous les phénomènes dans le temps.
4) Des postulats de la pensée empirique en général : Les trois premiers principes sont dans leur ensemble des postulats de la pensée empirique. Soulignons avec Kant que, les objets auxquels ces principes doivent être appliqués ne sont que des phénomènes car, s’ils étaient des choses en soi, « il serait entièrement impossible d’en connaître quelque chose a priori et synthétiquement. Ils ne sont que des phénomènes dont la connaissance parfaite, (…) est uniquement l’expérience possible»[24].
Après cette présentation générale, Kant passera immédiatement à l’analyse de la table des principes sans lesquels, aucune expérience ne serait possible de manière a priori.
ü Principe de la permanence

« Tout les phénomènes contiennent quelque chose de permanent (substance) considéré comme l’objet lui-même, et quelque chose de changeant, considéré comme une simple détermination de cet objet, c'est-à-dire d’un mode d’existence de l’objet »[25].
Pour Kant, chaque phénomène a une forme de ce qui est selon les détermination. C’est se que Aristote nomme substance. Or les phénomènes sont successifs ou simultanés. La catégorie qui rend compte de la succession est le temps et celle de la simultanéité est l’étendu. Le phénomène est toujours appréhendé de manière successive c'est-à-dire de manière changeante. C’est pourquoi on ne peut le saisir sous ce mode, à moins que le phénomène ait en lui quelque chose de stable, d’immuable ou de permanent. Dès lors, succession et simultanéité sont les modes d’existence de tout phénomène et « la permanence exprime en général le temps comme co-relatif constant de toute existence des phénomènes »[26].
Cependant le changement ne concerne pas le temps lui-même, mais seulement le phénomène dans le temps. Car, « c’est par le permanent seul que l’existence obtient dans les différentes parties successive de la série du temps une quantité que l’on nomme durée. »[27] En plus, Kant affirmera : « Dans tout les changements qui arrivent dans le monde, la substance demeure et seul changent les accidents »[28]. L’existence de la substance est donc le mode sublime de l’existence d’un phénomène. Les accidents déterminent et expriment un mode particulier d’existence de la dite substance.
ü Le principe de la production

Kant appelle encore ce principe, le principe de la succession : « Tout ce qui arrive (commence d’être) suppose quelque chose quoi il succède, d’après une règle »[29]. Après le principe de la permanence où Kant montre qu’il y a quelque chose qui reste dans les phénomènes lorsqu’il y a le changement, le principe de la production vient montrer comment s’opère ce changement. Celui-ci ne concerne que les accidents et non la substance : « Tout changement d’état (Wechsel) (succession), des phénomènes n’est qu’un changement d’existence (…), car la naissance et l’anéantissement de la substance ne sont pas des changements de cette substance, parce que le concept de changement d’existence suppose le même sujet comme existant avec deux déterminations opposées, par conséquent comme permanent»[30]. Le changement d’existence est un constat de la perception car à un moment on se rend compte que les phénomènes existent différemment à ce qu’ils existaient dans un état précédent. Notre imagination établit un rapport entre les deux états d’existence, place l’un avant et l’autre après. Pour Kant, ce rapport ne peut pas être déterminé objectivement par la simple perception, « il faut que le rapport entre les deux états soit connu de telle sorte qu’il détermine comme nécessaire lequel des deux états doit être placé le premier, et lequel, le second, et non vice versa »[31]. Le concept qui détermine objectivement le rapport de deux états d’existence est un concept a priori du rapport de la cause et de l’effet qui seul peut donner à l’expérience l’unité objective, nous faire saisir un ordre réel et non un ordre qui se confondrait à celui de nos représentations. La causalité permet la saisie dans le changement d’une suite nécessaire, elle rend effective dans la perception de ce qui arrive, l’ordre des perceptions successives. D’après Kant, suivant une loi de la causalité, « il faut que ce qui en général précède un événement renferme la condition selon laquelle cet événement suit toujours et d’une manière nécessaire »[32]. Suivant ce principe encore appelé principe de la succession ou encore principe de la causalité, connaître c’est toujours connaître par les causes ; comprendre un phénomène, c’est le saisir comme suite nécessaire d’un autre. La causalité devient la condition nécessaire de l’expérience, la forme a priori qui, en établissant une liaison nécessaire dans la succession subjective de mes représentations, me permet de les rapporter à une réalité objective[33]
ü Principe de la communauté
« Toutes les substances en tant que simultanées sont dans une communauté universelle »[34]. Pour comprendre ce principe énoncé par Kant, il nous est nécessaire de faire une analyse de deux concepts clés. Il s’agit du concept de la simultanéité et celui de la communauté universelle des substances.
En effet, Kant dit que « la simultanéité est (…) l’existence du divers dans le même temps »[35]. Mais ce temps dont on parle n’est pas percevable comme un récipient qui contient plusieurs choses ; ce qui nous amènerait à dire que ces choses existent dans un même récipient qui est le temps. Dire que les choses existent en même temps, c’est dire que « les perceptions de ces choses peuvent se suivent réciproquement »[36]. L’existence en même temps ne peut se dire que dans la réalité concrète, parce que dans l’appréhension des objets il y a toujours une succession des perceptions : la perception d’un objet vient après la perception d’un autre objet. Les choses qui existent simultanément supposent un rapport d’influences. L’action des unes exerce une influence sur les autres d’où le rapport de la communauté.
On parle du rapport de la communauté quand l’une des substances contient le principe de détermination dans l’autre et réciproquement[37]. Seules les substances pensées sous cette forme peuvent être représentées empiriquement comme « existant en même temps ». Il faut donc, pour que la simultanéité soit connue dans n’importe quelle expérience, que « toute substance (…) contienne la causalité de certaines déterminations dans les autres substances et en même temps les effets de la causalité des autres substances »[38]. Kant dit que les substances existant dans une communauté universelle doivent être en commerce dynamique qui est cette action réciproque des unes sur les autres. La communauté des substances permet la continuité de la chaîne des représentations empiriques, parce que sans elle toute perception des phénomènes dans l’espace est séparée des autres. De la, Kant réfute la théorie qui admet l’espace vide où serait possible la connaissance empirique de la simultanéité. Un espace vide ne peut pas constituer un objet pour toute notre expérience possible[39].
Comme les principes précédemment annoncés, le principe de la communauté est une condition nécessaire pour toute expérience et par conséquent, le fondement même de toute connaissance empirique. Nous rappelons ici que nous sommes dans le domaine de la théorie de la connaissance chez Kant et la question à laquelle veut répondre Critique de la raison pure est celle-ci : « Que puis-je connaître ? ». C’est pourquoi nous devons comprendre tous ces principes dans le sens de fondements de la connaissance. Par exemple sur le principe de la communauté, Kant parle de l’influence de l’action des substances sur les autres. C’est une influence dans le domaine de la connaissance parce que la connaissance que j’ai sur un objet sera influencée par une autre connaissance que j’ai sur un tel autre ; je vais étudier un objet en établissant des rapports avec les autres existant en même temps. Quant au principe de la production, il me dit que la connaissance des objets en un moment donné dépend de la connaissance des objets d’un autre moment qui a précédé et cela est possible parce qu’il y a quelque chose qui subsiste : c’est la substance. En résumé, nous pouvons dire que tous ces principes sont des conditions nécessaires de toute expérience et par conséquent les conditions nécessaires de toute connaissance empirique.
II.3. Distinction entre noumènes et phénomènes
Kant fait une distinction entre les objets de la connaissance : les phénomènes, et les objets de la pensée : les noumènes.
Le phénomène est ce qui apparaît dans le temps ou dans l’espace ; c’est un objet de l’expérience. Il est l’image sensible, telle que perçue par l’homme à travers les structures de son esprit. Cependant, ce qui se laisse voir n’est pas la chose en soi. Celle-ci existe indépendamment de notre perception, bien que nous ne puissions rien savoir de ce qu’elle est. Ainsi, l’appréhension et la constitution du phénomène sont à la fois liées au mode d’intuition de la sensibilité et à la forme d’intellection synthétique et unifiante des catégories de l’entendement, car « les principes de l’entendement pur ne peuvent être rapportés qu’à des objets de sens, en relation aux conditions générales d’une expérience possible, mais jamais à des choses en général »[40]. Ainsi, l’entendement n’a pas le pouvoir de dépasser la sensibilité en ce qui concerne la connaissance. Au-delà du sensible, l’on ne peut que penser ; et ces objets de pensée, il les appelle noumènes. Kant oppose donc le phénomène qui relève de l’intuition sensible et est l’objet de la connaissance au noumène, réalité non réductible à l’apparence.
Les noumènes sont des essences intelligibles que l’on peut penser, mais pas connaître. D’après Kant, « nous les considérons comme des objets simplement conçus par l’entendement »[41]. Kant distingue deux sortes de noumènes : les noumènes dans un sens négatif et les noumènes dans un sens positif. Dans son sens négatif, il s’agit d’une chose en tant qu’elle n’est pas un objet de notre intuition sensible. Dans son sens positif, il parle d’une intuition intellectuelle, qui n’est pourtant pas la nôtre, et donc nous ne pouvons même pas saisir la possibilité[42]. En réalité le noumène dans son sens positif désigne la chose en soi. Celle-ci est indépendamment de toute relation à un acte de connaissance quelconque. C’est une sorte d’absolu insaisissable, fondement de ce qui apparaît. Pour cela, la faculté de connaître chez Kant est limitée. Ainsi Kant considère que ce que nous appelons habituellement noumène doit être entendu dans son sens négatif, dans la mesure où dans son sens positif il nous échappe totalement, même de notre pensée[43].
Les noumènes, c'est-à-dire les choses que l’entendement peut penser ont un rapport avec la connaissance sensible car « si je retranche d’une connaissance sensible toute la pensée, il ne me reste plus aucune connaissance d’un objet quelconque »[44]. Ceci pour dire que nous ne pouvons nous empêcher de penser, ne serait-ce que de la nature des êtres sensibles qui sont les seuls que nous puissions connaître.
Cependant dans le domaine de la connaissance, l’entendement ne peut dépasser le sensibilité, mais ce que l’on peut connaître peut être pensé. En fait, l’entendement pense les objets en général, sans avoir égard à la manière particulière dont ils peuvent être donnés[45].

III. APPROCHE CRITIQUE
Au moment où les conclusions scientifiques prennent des options philosophiques contraires les unes les autres sur l’objectivité de la connaissance, il nous revient de relever les mérites de Kant dans le débat sur les conditions de possibilité de la vérité scientifique. Il concilie les idéalistes et les empiristes en les rétablissant dans la même loge scientifique. Ainsi dépasse-t-il d’une part la position rationaliste qui affirmait l’existence des idées innées en réclamant la présence d’un phénomène extérieur au sujet afin que la connaissance se produise ; d’autre part celle des empiristes en montrant la présence nécessaire dans l’esprit des catégories comme formes a priori qui nous permettent de connaître la réalité. Dès lors, l’objet effectif de la connaissance se situe en quelque sorte, entre la conscience pure et la chose telle qu’elle apparaît dans le phénomène[46]. Cette synthèse faite par Kant lui a permis de définir la connaissance comme une réalité médiane constituée par le sujet et par le monde. La mise en forme de la connaissance chez Kant obéit nécessairement à deux étapes du processus de la connaissance à savoir les formes a priori de la sensibilité et les formes a priori de l’entendement ; avec pour corollaire les phénomènes et les noumènes.
Notre admiration de la philosophie de Kant reste tout de même teintée de réserve. A la regarder de prêt, l’on se rend compte que Kant dans son effort de réconcilier les deux camps ci-dessus, s’est trouvé obligé de prolonger et même d’établir son séjour dans le néo idéalisme, en fixant les conditions de possibilité de la vérité scientifique sur les catégories a priori. La notion de chose en soi, comme opposée aux phénomènes et déclarée inaccessible, est aussi la cible des critiques. Elle est dénoncée comme un non sens, une monstruosité conceptuelle[47]. La raison dans sa fonction première est dynamique et dans ce sens, soumettre la quête de la vérité dans un intervalle fermé n’est-il pas un manque de foi à la raison qui pourrait dépasser cet horizon kantien ?

CONCLUSION

Au terme de notre réflexion, il en résulte que le schématisme soit une méthode qui permet l’application des catégories aux intuitions sensibles. C’est l’une des méthodes de l’analyse transcendantale. Celle-ci « traite des concepts qui doivent se rapporter a priori à leurs objets, par conséquent, la valeur objective ne peut pas être démontrée a postériorité »[48]. Comme nous l’avons longuement développé, les catégories sont des formes a priori qui nous permettent de connaître la réalité. Kant conçoit alors la connaissance comme étant « une synthèse a priori, dans laquelle l’on trouve un élément provenant de l’extérieur et un élément porté par le sujet lui-même »[49]. Ainsi, la connaissance n’est possible que par la synthèse entre quelque chose d’extérieur (les phénomènes) et quelque chose a priori (les catégories). Cette synthèse est une condition sine qua non de toute connaissance objective.
BIBLIOGRAPHIE
Dictionnaires
- RUSS, J. Dictionnaire de la philosophie, Paris, Bordas, 1991.
- BARAQUIN N. et Al, Dictionnaire de philosophie, Paris, Armand Colin, 2005.

Oeuvres
- HOTTOIS G., De la connaissance à la post modernité : une histoire de la philosophie moderne et contemporaine, Bruxelles, De bock université, 3é Ed. 2002.
- Kant E., Critique de la raison pure, trad. de A. Tremesaygues et B. Paucaud,
Paris, P.U.F, 1985.
- Kant E., Critique de la raison pure Paris, Flammarion, 1987..
- Kant E., Critique de la raison pure trad. A.J.L. Delemarre et F. Marty, Paris, Gallimard, 1980.

- PASCAL G., Pour connaître Kant, Paris, Bordas, p.84.
- PEDEMONTRE B., Philosophie de la connaissance, Dakar, Centre St Augustin, 2007, p. 51.
[1] J. RUSS, Dictionnaire de la philosophie, Paris, Bordas, 1991, p.480.

[2] E. KANT, Critique de la raison pure, Paris, Puf, 1986, p.151.
[3] BOUTAUX, cité par G. PASCAL, Pour connaître Kant, Paris, Bordas, 1986, p. 75.
[4] Idem.
[5] Ibid. p. 152.
[6] E. KANT, Op. Cit., p.153.
[7] N. BARAQUIN et Al, Dictionnaire de philosophie, Paris, Armand Colin, 2005, p.309.
[8] E. KANT, Op. Cit. p. 152
[9] Cf. E. KANT, op. Cit, p.232.
[10] Cf. Ibid., pp234-235.
[11] Cf. Ibid., p.233.
[12] G. HOTTOIS, De la Renaissance à la post modernité : une histoire de la philosophie moderne et contemporaine, Bruxelles, De bock université, 3é Ed., 2002, p.158.
[13] B. PEDEMONTRE, Philosophie de la connaissance, Dakar, Centre St Augustin, 2007, p. 51.
[14] Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, trad. de A. Tremesaygues et B. Paucaud, Paris, P.U.F, 1985, pp 37-38.
[15] Ibid., p. 37.
[16] Ibid., p. 38.
[17] Ibid., p. 48.
[18] Ibid. p. 160.
[19] Cf. B. PEDEMONTRE, Philosophie de la connaissance, Dakar, Centre Saint Augustin, 2007, p. 49.
[20] E.KANT, Op. Cit., 1986, p.162.
[21] Ibid., p.163.
[22] Cf. Ibid., pp. 163-177.
[23] Ibid., p.167.
[24] Ibid., p.177.
[25] Idem.
[26] Ibid., p.178.
[27] Ibid, p.179.
[28] Idem.
[29] E. KANT, Op. Cit., p. 182.
[30] Ibid.
[31] Ibid., p. 193.
[32] Ibid., p. 195.
[33]Cf. Ibid., pp. 194-195.
[34] Ibid., p. 195.
[35] Ibid.
[36] Ibid.
[37] Cf. Ibid., p. 196
[38] Ibid., p. 197.
[39] Cf. Ibid.
[40] E.KANT, Critique de la raison pure, trad. A.J.L. Delemarre et F. Marty, Paris, Gallimard, 1980, p.283.
[41] E. KANT, cité par G. PASCAL, Pour connaître Kant, Paris, Bordas, p.84.
[42] Cf. E. KANT, Op. cit., 1980, p.288.
[43]Cf. Ibid., p.289.
[44] Idem.
[45] Idem.
[46] Cf. B. PEDEMONTE, Op. Cit., p.52.
[47] Cf. G. HOTTOIS, Op. Cit., p. 158.
[48] E. KANT, Critique de la raison pure, Paris, Flammarion, 1987, p.183.
[49] B. PEDEMONTE, Op. Cit., p.49.

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