domingo, 3 de enero de 2010

Les principes de la Docrine/Enseignement Social(e) de l'Eglise

TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

CA : Centesimus annus
CDSE : Compendium de la doctrine sociale de l’Église
CEC : Catéchisme de l’Église Catholique
DCE : Deus charitas est
DES : Doctrine sociale de l’Eglise
GS : Gaudium et Spes
LE : Laborem Exercens
MM : Mater et magistra
ONU : Organisation des nations unis
PP : Populorum progressio
QA : Guadragenimo anno
SRS : Sollicitudo rei Socialis

INTRODUCTION
Les principes de la doctrine sociale de l’Eglise constituent les véritables piliers de l’enseignement social de l’Eglise (DSE)[1]. Ceux-ci ont leurs sens et significations, en ce qu’ils constituent une expression de l’entière vérité sur l’homme, connue par la raison et la foi et par le fait même qu’ils jaillissent : « de la rencontre du message évangélique et de ses exigences résumées dans le commandement suprême de l’amour de Dieu et du prochain et dans la justice avec des problèmes émanant de la vie de la société » (CDSE, n° 160). Ces principes concernent la réalité sociale dans son ensemble. Il y a donc un fondement rationnel qui justifie l’application des principes de la doctrine sociale de l’Eglise. Forte de son ancienneté et experte en humanité, l’Église propose synthétiquement à l’humanité cinq principes tous découlant du principe de la dignité de la personne humaine. « Le principe de la dignité de la personne humaine (…) sur lequel reposent tous les autres principes et contenus de la doctrine sociale » (CDSE, n° 160) est donc présent en filigrane dans les autres principes. Sur ce, notre réflexion sera essentiellement focalisée autour de deux aspects, à savoir une présentation succincte des principes fondamentaux de la DSE et l’importance de cette étude.
I LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA DES

I.1. Le principe de la dignité de la personne humaine
Selon le professeur Williams LC[2] corroborant une précision du CDSE n° 160, l’enseignement social de l’Église a comme premier principe classique celui de la dignité de la personne humaine d’où découlent les droits de l’homme unanimement affirmés par notre société moderne. Nous nous attelons ici d’une part à le comprendre dans la perspective de l’Église, et d’autre part à évaluer son degré d’applicabilité en relation avec son émergence dans notre monde aujourd’hui.
Réfléchir sur la société, la politique, l’économie, la culture et toutes les composantes du tissu des relations sociales de l’homme, signifie en premier lieu bien comprendre qui est l’objet fondamental, le destinataire primordial du discours social de l’Église à savoir la personne humaine et son bien véritable. En ce sens, un détour biblique révèle que chaque personne, créée à l’image de Dieu (Cf. Gn 1,23), possède une dignité inaliénable. Cette affirmation nous renvoie à l’image du Bon Pasteur (cf. Jn 15) où Jésus nous enseigne ce que Dieu pense de la valeur de la personne humaine. L’engagement social dans la Bible est ainsi formulé : Dieu ne pense pas aux hommes en termes de masses ou de pourcentages, mais individuellement. Chacun est précieux et irremplaçable pour Lui. L’Église, lumière des peuples, se doit donc de réaffirmer et de défendre la singularité de l’amour de Dieu pour chaque être humain. Dans ce sens, tout homme, comme le pense le pape Benoît XVI, est le fruit d’une pensé de Dieu, il est le fruit de la volonté divine, il est donc nécessaire (DCE, n° 1). A l’image du Christ, l’Église ne parle pas d’abord du parti, de l’ethnie ou de la tribu. Elle préfère d’abord partir de la personne, interprétant ainsi la valeur même de tout État et de la société comme un service aux personnes et aux familles, et pas l’inverse. A ce propos, Jean-Paul II déclare sans ambages : « il convient de garder présent à l’esprit que ce qui sert de trame et, d’une certaine manière, de guide à l’encyclique et à toute doctrine sociale de l’Église, c’est la juste conception de la personne humaine, de sa valeur unique, dans la mesure où l’homme est sur la terre la seule créature que Dieu ait voulue pour elle-même. Dans l’homme, il a sculpté son image, à sa ressemblance, en lui donnant une dignité incomparable » (CA, n° 11).
Cependant, parler de la dignité de la personne humaine aujourd’hui est une gageure, dans la simple mesure où l’expérience du vécu concret dans nos sociétés dites modernes et partant laïques et athées, semble outrepasser ledit principe. L’idée des Droit de l’homme fait pignon sur rue de nos jours. Reconnu par la Charte de San Francisco (1945) et surtout la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), l’homme quelles que soient ses origines, est la valeur par excellence. Le philosophe Emmanuel Kant l’affirme si bien dans cette injonction connue : ne jamais traiter la personne humaine comme un moyen mais toujours et simplement comme une fin en soi[3].
Si le discours laïc rejoint ainsi, en certains points, celui de l’Église, Mater et magister, comment comprendre dès lors qu’au XXIème siècle l’on puisse encore parler de la peine capitale dans certains pays ? Faisant l’état de nos centres pénitenciers aujourd’hui, où les conditions d’incarcération sont des plus indésirables, on perçoit mal le discours sur les principes démocratiques de dignité et de liberté de la personne comme valeurs inaliénables. Le paradoxe est implacable et désolant entre l’existence d’une charte sur les droits humains et le respect qu’en font les personnes concrètes et partant de l’État.
A l’heure des montées de ce qu’on appelle les « nouveaux droits » de l’homme qui sont une dénomination politisée et une dérivée des Droits de l’homme par nos démocraties actuelles, il y a une contradiction ontologique de principe. Car, la valeur de l’homme est inhérente à son statut de créature divine. Elle existe avant d’être affirmée par une charte, une convention. L’on comprend alors qu’on redéfinisse conventionnellement les « véritables » droits de l’homme que sont : l’union libre des homosexuels, l’euthanasie, la peine de mort etc., au nom de la sacrée démocratie. En cela, l’Église que nous sommes doit de plus en plus s’intéresser au débat public et éviter le péché de la neutralité pour dénoncer avec zèle et détermination ces structures de mort. L’homme n’est-il pas la « route de l’Église » (CA, n° 53) ? Sans lui son discours messianique ne resterait-il pas creux et inopérant ? Son devoir urge donc de préciser à l’État et à la société internationale à travers les Organisme comme l’ONU, son simple rôle de protecteur des Droits de l’Homme, Dieu étant la seule Source et le Créateur incontesté.

I.2. Le principe du bien commun
Parler du principe du bien commun dans la DSE, c’est de prime abord réfléchir sur cette série de question : Qu’est- ce que le bien commun ? Quels sont ses éléments essentiels ? Quelle est la grandeur du bien commun ? Et puis parler du rôle de l’État dans le service du bien commun c'est-à-dire parler des devoirs de la communauté politique au sens propre du terme. Cependant, lorsque l’on parle des lois et des principes qui règlent la vie sociale, il faut considérer en premier lieu le bien commun. En effet, comme le souligne le Concile Vatican II, ce principe du bien commun est « l’ensemble de conditions sociales qui permettent, tant au groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (GS, n° 26). De fait, ce principe du bien commun est l’une des bases fondamentales de la DSE.
Le bien commun est l’impérieuse exigence pour la société de placer les biens au dessus de l’avantage personnel, le service de chacun pour tous. Dans cette perspective, le Pape Pie XII stipule que le principe du bien commun est la réalisation durable de ces conditions extérieures nécessaires à l’ensemble des citoyens pour le développement de leurs qualités, de leurs fonctions, de leur vie matérielle, intellectuelle et religieuse[4]. A cet effet, la notion du bien commun a un sens très profond dans l’Enseignement Social de l’Église. Il est, en général, employé de préférence au mot « intérêt général ». Dans ce principe du bien commun, le mot « bien », pris à part, a une signification morale car il implique des valeurs morales. Ainsi, le bien c’est ce qui perfectionne une personne humaine et c’est ce bien qui est le fondement de ce principe du bien commun. C’est dans ce même sillage que le Pape Léon XIII disait que le bien commun, sans nul doute, doit avoir pour effet de perfectionner les hommes et principalement un bien moral.[5] Le bien commun se définit donc par rapport à la personne humaine : c’est le bien humain d’une communauté humaine, que celle-ci soit familiale, professionnelle, nationale, internationale.
Le principe du bien commun repose cependant sur les éléments essentiels d’un ordre public : la prospérité, les valeurs intellectuelles, spirituelles et morales. Son but n’est autre que de mettre d’une façon stable, à la portée de tous les membres de la société, les conditions matérielles requises pour le développement de leur vie culturelle et spirituelle. En fait, « les exigences du bien commun dérivent des conditions sociales de chaque époque et sont étroitement liées au respect et à la promotion intégrale de la personne et de ses droits fondamentaux » (CDSE, n° 93). C’est pourquoi ce principe doit viser le développement intégral de tous membres de la société puisque « le développement intégral de l’homme ne peut aller sans le développement solidaire de l’humanité » (PP, n° 43). Chaque membre de la société doit par conséquent, se mettre à la quête du bien commun dans la mesure où « la personne ne peut pas trouver sa propre réalisation uniquement en elle-même, c'est-à-dire, indépendamment de son être « avec » et « pour » les autres » (CDSE, n° 92). C’est pourquoi il faut la responsabilité de tous à l’égard du bien commun car le bien commun est une valeur de service et d’organisation de la vie sociale et du nouvel ordre de la vie commune.
En outre, l’enseignement social de l’Église nous révèle qu’ « il ne faut pas oublier l’apport que chaque nation est en devoir de fournir pour une véritable coopération internationale, en vue du bien commun de l’humanité tout entière, y compris les générations à venir » (MM, n° 53). Ainsi, la grandeur et l’importance de ce principe est qu’il fait appel à l’implication de tous et de chacun puisque le bien commun engage tous les membres de la société : aucun n’est exempté de collaborer, selon ses propres capacités, à la réalisation et au développement de ce bien (cf. idem, n° 53). Pour ce fait, chacun doit contribuer à la procuration du bien commun. C’est dans cette optique qu’on doit prendre en compte les devoirs de la communauté politique par rapport à ce principe du bien commun. Cependant, « la responsabilité de poursuivre le bien commun revient non seulement aux individus, mais aussi à l’État, car le bien commun est la raison d’être de l’autorité politique » (CEC, n° 1910). L’État doit, en effet, veiller à la promotion et à la mise en valeur du bien commun car ce dernier est aujourd’hui ignoré, méconnu, bafoué, trahi ; le plus grand nombre des membres de la nation a perdu le sens du bien commun. L’État doit s’appliquer alors à la valorisation du bien commun ce qui, par après va conduire à la grandeur du bien commun qui est celui de sauvegarder le domaine intangible des droits de la personne humaine et de lui faciliter ses devoirs. Pour garantir le bien commun, le gouvernement de chaque pays a pour tâche spécifique d’harmoniser avec justice les divers intérêts sectoriels (cf. idem, n° 1908). C’est à l’État également de bien mener la bonne répartition des biens dans le pays en tenant compte de la majorité et de la minorité de chacun dans la liberté et la justice selon le critère de la justice sociale.
En définitive, nous disons tout simplement que parler du bien commun, c’est se mettre sous le signe d’une éthique exigeante et exaltante. Parler d’intérêt général, c’est extrapoler, additionner les intérêts particuliers. Enfin, la fin ultime de ce principe du bien commun est Transcendant car c’est Dieu qui est le Bien Suprême au dessus du bien commun terrestre.

I.3. Le principe de subsidiarité
Le principe de subsidiarité naît de « l’exigence de protéger et de promouvoir les expressions originelles de la socialité » (CDSE, n° 186). C’est sur sa base que s’organisent les grandes sociétés pour soutenir et mettre en mouvement le processus de développement. Mais étant donné qu’on ne peut élever l’homme à la dignité sans accorder un soin particulier aux groupes familiaux et associatifs de tout ordre au sein desquels leurs vies se construisent, le pape Léon XIII note dans Rerum novarum que la subsidiarité fait partie des indications les plus constantes et caractéristiques de la DSE (RN, n°101-102). Les directives de l’Église autour de ce principe interviennent au moment où l’individualisme semble brisé et étoffé les individus et particuliers, laissant les pouvoirs publics seuls en face des divers charges et responsabilités. Le principe de subsidiarité vient donc à point nommé pour donner aux familles et différents corps intermédiaires l’occasion d’exercer des initiatives par leurs propres moyens. Ainsi, comme le souligne le Pape Pie XI dans Quadragesimo anno : « Toute intervention en matière sociale est d’aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber » (QA, n° 87). A cet effet, ce principe revêt une importance capitale car « il protège les personnes des abus des instances sociales supérieures et incite ces dernières à aider les individus et les corps intermédiaires à développer leurs fonctions. Ce principe s’impose parce que toute personne, toute famille et tout corps intermédiaire ont quelque chose d’original à offrir à la communauté » (CDSE, n° 187). La négation de ce principe au nom de la démocratie ou de l’égalité ne favorise pas cet esprit d’initiative dans la mesure où ce dernier subit le plus souvent les interventions intempestives des pouvoirs publics. L’Église, consciente du grand rôle que jouent les initiatives privées en matière de développement, ne peut rester indifférente quant à la prise en compte de ce dernier par les autorités publiques. Ainsi en vertu du principe de subsidiarité, l’Église souligne le devoir des pouvoirs publics à favoriser et à encourager les corps intermédiaires dans leurs entreprises. Nous lisons cette exhortation dans les propos du Pape Jean XXIII dans Mater et magistra : « Il faut en premier lieu poser que, dans le domaine économique, la priorité revient à l’initiative privée des individus agissant soit isolement, soit associés de diverses manières, à la poursuite d’intérêts communs » (MM, n° 51). Par contre, pour éviter des désordres irrémédiables, l’État doit intervenir à bon escient pour empêcher que cette initiative dégénère en une exploitation des faibles par les puissants car ceci ferait accroître les richesses des riches et confirmerait la misère des pauvres ainsi que leur servitude. A cet effet, la constitution pastorale Gaudium et spes précise, parlant de la place des corps intermédiaires dans la société politique, « que les droits de toutes les personnes, les familles et des groupes, ainsi que leur exercice soient reconnus, respectés et valorisés, non moins que les devoirs civiques auxquels sont astreints tous les citoyens » (GS, n° 75 § 2). Cette mesure permet d’aboutir à des résultats heureux dans la vie politique. Et pour ce faire, l’Église pense qu’un statut de droit positif organisant une répartition convenable des fonctions et des organes du pouvoir est très nécessaire.
Au nom du principe de subsidiarité l’État au lieu d’être obstacle à l’initiative privée, a plutôt le devoir de leur accorder une réelle autonomie et de favoriser dans l’ordre leurs moyens d’action en les associant dans son programme. Quant à ces corps constitués, ils ont le devoir de travailler dans la concorde et au bénéfice du bien commun qui constitue la raison d’être même de ce principe.

I.4. La destination universelle des biens
Ce principe a son origine en Gn 1, 26-28, qui nous dit que Dieu a créé l’homme et la femme à son image et à sa ressemblance. Alors chacun de nous est l’image de Dieu, et comme tel, nous partageons la même égalité et la même dignité. Personne ne peut être considérée plus grand que l’autre et c’est pour cela que l’Eglise ne peut pas rester indifférente face à certains cas de manquement grave aux droits de la personne. Dieu avait donné la terre et tous ce qu’il contient à l’humanité (Gn 1,28). Avec ce principe caractéristique de la DSE, on affirme que les biens de la terre sont destinés à tous les hommes pour que leur droit à la vie puisse être satisfait de manière conforme à la dignité de la personne et aux exigences de la famille. En effet, « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples de sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice inséparable de la charité » (GS, n° 69). Il arrive souvent qu’au nom de la destination universelle des biens, on vienne à oublier le caractère de la propriété privée. Mais comment concilier ces deux éléments ? Le Pape Jean-Paul II montre, comme ses prédécesseurs, qu’il n’y a pas de contradiction entre les deux et que l’on doit s’appuyer sur la propriété privée pour organiser la destination universelle des biens. Les deux concepts ne sont pas antagonistes, ils doivent être au contraire utilisés simultanément. « La légitimité de la propriété privée ne fait toutefois pas obstacle à celles de divers modes de propriétés publiques » (GS, n° 74).
Dans l’encyclique Rerum Novarum, le Pape Léon XIII affirmait avec force contre le socialisme de son temps, le caractère naturel du droit à la propriété privée et il s’appuyait sur divers arguments. L’Eglise enseigne que la propriété des biens n’est pas un droit absolu car il comporte dans sa nature même de droits humains ses propres limites. Tandis qu’il proclamait le droit à la propriété privée, le Pape affirmait avec la même clarté que l’usage des biens laissé à la liberté est subordonné à leur destination universelle commune des biens créés. Dans Laborem exercens n° 14, il est écrit : « la tradition chrétienne n’a jamais soutenu ce droit comme un droit absolu et tangible ». La DSE exige que la propriété des biens soit équitablement accessible à tous.
Ce principe souligne également l’option préférentielle pour les pauvres et la pratique de la charité chrétienne envers eux. La misère humaine est le signe évident de la condition de faiblesse de l’homme et de son besoin de salut. L’amour de l’Eglise pour les pauvres s’inspire de l’évangile des béatitudes, de la pauvreté de Jésus et de son attention envers les pauvres. S’inspirant du précepte évangélique « vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8), l’Eglise enseigne à secourir le prochain selon ses besoins (cf. SRS, n° 42 et PP, n° 3).
La pleine mise en pratique de ce principe requiert par conséquent des actions au niveau international et des initiatives programmées par tous les pays. La charité universelle nous invite alors à dépasser le sentiment de racisme et de nationalisme qui sépare les peuples.

I.5. Le principe de participation
Les récents développements de la DSE accordent une place prédominante au principe de participation. Ce fait se justifie par une prise de conscience de l’égalité qui existe entre les hommes et de leur droit à contribuer à tout ce qui concerne leur vie de près ou de loin. Ce principe fonde sa force dans le fait qu’il assure la réalisation des exigences de la justice sociale. Tout membre doit participer à la hauteur de ses forces, de sa responsabilité et de sa situation sociale, politique et culturelle.
La finalité de ce principe est d’atteindre une nouvelle vie en commun qui soit humaine. Il touche aux aspirations profondes de l’homme tels que sa dignité, sa liberté, son implication dans le progrès scientifique, technologique et dans la vie publique. Il valorise l’esprit de la fierté personnelle qui se reconnaît mieux dans une œuvre à laquelle il a pris part ; il est question d’éprouver de la gloire personnelle et commune au terme d’une participation, d’un engagement ardu et profond.
Le système politique qui valorise et permet l’application de ce principe de participation est la démocratie. Tout citoyen est mobilisé et considéré dans ce qu’il a de profond. Cela à des échelles divers : de la famille, aux groupes sociaux jusqu’à l’État, la nation, le pays ou la patrie. C’est ainsi que la personnalité de la société et celle de l’individu sont respectées (cf. CA, n° 13).
Dans l’Église, la pratique du principe de participation se voit dans la charité active visible dans la différence et les formes de volontariat, « que l’Église encourage et promeut en demandant à tous leur collaboration pour le soutien et l’encouragement dans ses initiatives » (CA, n° 49). Ce principe lutte contre la mentalité individualiste. Dès la famille les individus doivent être encouragés au soutien mutuel entre les membres, puis de là, à la société, afin d’éviter l’impersonnalité et l’anonymat de la masse (cf. CA, n° 46) qui fragilisent l’humanité.
Il y a une nécessité réelle à participer au développement des qualités humaines et l’Église s’y engage en rappelant à toute l’humanité ce devoir (cf. PP, n° 1). Car, il est louable de participer davantage aux responsabilités afin d’« avoir plus, pour être plus » (PP, n° 6). Il est donc légitime et digne de la nature humaine de participer à la vie sociale et politique (cf. PP, n° 30) et d’assurer la sécurité de son œuvre. La volonté est le maître mot ici avec la liberté qui fondent « une participation efficace des uns avec les autres dans une égale dignité, pour la construction d’un monde plus humain » (PP, n° 54).

I.6. Le principe de solidarité
La solidarité est un « sentiment de responsabilité mutuelle entre plusieurs personnes, plusieurs groupes ; lien fraternel qui oblige tous les êtres humains les uns envers les autres »[6]. Aussi, la solidarité apparaît comme une nécessité dans la vie pour l’épanouissement de l’être humain. Comme être social, l’homme ne peut se passer des autres. Ainsi, face à l’individualisme croissant et l’écart qui se creuse entre les peuples de la terre, au regard d’ « un monde divisé en blocs régis par des idéologies rigides, où dominent diverses formes d’impérialisme » (SRS, n° 36), la DSE vient rappeler à travers le principe de solidarité que les hommes sont créés pour vivre en communauté et sont responsables les uns des autres.
Le principe de solidarité découle donc de la prise en compte de la dignité humaine comme être social ne pouvant s’épanouir que dans une vie en commun avec les autres. Il a connu une évolution conceptuelle dans le temps. Il fut énoncé sous le nom « amitié » par le Pape Léon XIII, puis par « charité sociale » par le Pape Pie XI ; et élargi par le Pape Paul VI en « civilisation de l’amour ». Le vocable actuel ressort dans l’encyclique Sollicitudo rei socialis dans ses n°s 38 à 40, et Centisimus annus n° 10 du Pape Jean-Paul II. Il est alors présenté comme « La détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun, c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous ».[7]
La solidarité implique le respect de toute personne, celui des valeurs authentiques, des cultures chez les autres, l’autonomie légitime et l’autodétermination des autres. Il invite à sortir de nous-mêmes afin de comprendre et de soutenir ce qui est bon chez les autres et à engager nos propres ressources dans la solidarité sociale en faveur du développement et la croissance fondés sur l’équité et la justice[8]. Il est donc urgent qu’il y ait « changement des attitudes spirituelles qui caractérisent les rapports de tout homme avec lui-même, avec son prochain, avec les communautés humaines les plus éloignées et avec la nature » (SRS, n° 38).
Cette solidarité nécessaire entre les individus est aussi indispensable pour les peuples. Il s’agit pour chaque peuple de participer au développement de l’humanité en fonction de ce qu’il a et de ce qu’il est. Ainsi, « ceux qui ont le poids, disposant d’une part plus grande de biens et de services communs, devraient se sentir responsables des plus faibles et être prêts à partager avec eux ce qu’ils possèdent. De leur côté, les faibles, dans la même ligne de solidarité ne devraient pas adopter une attitude purement passive ou destructive des tissus sociaux, mais, tout en défendant leurs droits légitimes, faire ce qui leur revient pour le bien de tous. Les groupes intermédiaires, à leur tour, ne devraient pas insister avec égoïsme sur leurs intérêts particuliers, mais respecter les intérêts des autres » (Idem, n° 39). Les peuples ont donc le devoir de solidarité entre eux. « Les nations développées, dit le Pape Paul VI, ont le très pressant devoir d’aider les nations en voie de développement, car aucun peuple ne peut prétendre réserver ses richesses à son seul usage » (GS, n° 39). Ainsi, ils doivent produire abondamment pour satisfaire leurs ressortissants et aussi pour contribuer au développement solidaire de l’humanité. En même temps, la solidarité doit être comprise comme « un principe ordonnateur des institutions, en vertu duquel les « structures de péché » qui dominent les rapports entre les personnes et les peuples doivent être dépassées et transformées en structure de solidarité, à travers l’élaboration ou la modification opportune de lois, de règles du marché ou la création des institutions » (CDSE, n° 193). Grâce à l’interdépendance et l’esprit de collaboration entre les peuples, la solidarité devient alors « le chemin de la paix et en même temps du développement » (SRS, n° 39).
Le terme solidarité n’apparaît pas explicitement dans les Saintes Écritures. Cependant, il les traverse en filigrane et se rend présent à travers d’autres expressions telles que : la vie en communauté, la charité fraternelle, l’attention aux autres et surtout aux plus petits. Cette dimension de l’homme apparaît dès la création : « Homme et femme, il les créa » (Gn 1,27) ou encore « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie » (Gn 2,18). Cet « être ensemble » requiert une vie de fraternité qui est une exigence fondamentale pour les disciples de Jésus. Si le grand commandement est celui de l’amour de Dieu, le second qui lui est semblable s’adresse au prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 39). Ce dernier consacre ainsi le respect entre les hommes car, ils sont égaux en dignité. Cet amour va plus loin, puisqu’il s’agit d’aimer comme le Christ, d’un amour qui va jusqu’au don de soi : « Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres ; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jn 13, 34). Ainsi, la solidarité devient le signe même des chrétiens : « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35).
Cependant, cette charité doit davantage porter sur l’attention aux petits, aux pauvres et aux laisser pour compte à qui Jésus s’identifie : « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Ou encore : « Quiconque donnera à boire à l’un de ces petits rien qu’un verre d’eau fraîche, en tant qu’il est disciple, en vérité je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense» (Mt 10, 40-42). Toutefois, il y a une mise en garde contre l’oppression et l’exploitation : « les rois des nations dominent sur elles en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Mais pour vous il n’en va pas ainsi. Au contraire, que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus jeune, et celui qui gouverne comme ce lui qui sert. » (Lc 22, 25-26).
En définitive, à travers le principe de solidarité, l’Église veut former les hommes de notre temps à « la conscience de la dette qu’ils ont à l’égard de la société dans laquelle ils sont insérés : ils sont débiteurs des conditions qui rendent viable l’existence humaine » (CDSE, n° 196).


II. IMPORTANCE DE CETTE ETUDE

Les principes de la DSE ont un intérêt philosophique très significatif en ce sens qu’ils présentent une importance ontologique et épistémologique. Leur reconnaissance ontologique repose sur le but visé qui est essentiellement fondé sur « un développement authentique de l’homme et de la société de nature à respecter et à promouvoir la personne humaine dans toutes ses dimensions » (SRS, n° 1). Ces principes revêtent donc leur sens ontologique lorsqu’ils s’adressent à tous sans distinction. C’est bien ce qui amena le Pape Jean Paul II à faire cette déclaration dans Redemptor hominis : « L’homme est la première route que l’Église doit parcourir en accomplissant sa mission, parce que tout homme sans aucune exception a été racheté par le Christ. L’Église doit aussi guider l’homme dans sa vie quotidienne, dans son cadre social et dans le monde contemporain. Elle doit être attentive à la nature humaine et ses possibilités. Elle doit veiller à maintenir et faire respecter la dignité de la personne humaine » (RO, n°10). Par ailleurs, au niveau épistémologique, les principes de la DSE organisent leur signification lorsqu’ils « s’appuient tout d’abord sur la réflexion rationnelle, l’apport des sciences humaines, l’analyse objective de la réalité »[9]. Ensuite ils s’éclairent aussi de la lumière de l’ensemble de la parole révélée par le Christ.
De part leurs fondements rationnels et bibliques, leur caractère général, fondamental, universel et unitaire, les principes de la DSE expriment la véracité, l’infaillibilité du discours social de l’Église ainsi que la neutralité de son intervention en ce domaine. Mais étant donné que toute théorie sans pratique est vide et sans valeur, fort est de constater que l’applicabilité de ces différents principes dans tous domaines de la vie sociale connaît d’obstacles majeurs venant des individus, des pouvoirs publics et même des membres de ce corps qu’est l’Église. Cela peut se justifier par l’ignorance de ces principes, une mauvaise compréhension ou interprétation de ceux-ci ou tout simplement par leur violation publique ou à travers des actions clandestines en vue de la satisfaction des intérêts privés au détriment de l’intérêt commun.

CONCLUSION

Au terme de notre travail qui reposait essentiellement sur les principes de la DSE, il nous a semblé judicieux de partir d’un exposé synthétique de leur contenu dans un premier abord, puis de présenter l’intérêt d’une telle étude pour notre monde aujourd’hui. Le fil de notre étude nous a fait constater avec force que lesdits principes sont comme des piliers sur lesquels repose la DSE. L’Église, depuis Rerum Novarum du Pape Léon XIII, remet sans cesse en vigueur ces principes, suivant les encycliques, en les adaptant suivant les époques et les circonstances changeantes de l’existence humaine. Pour les modalités d’études, nous nous sommes cantonnés sur quelques principes de la DSE qui ressortent à merveille dans le CDSE à savoir : la dignité de la personne, la subsidiarité, le bien commun, la destination universelle des biens, la participation et la solidarité. Cependant, le constat clair est que ces derniers partent du seul commandement de l’Amour de Dieu et du prochain dont le respect absolu de la dignité de la personne se diffuse aisément au travers des autres principes fondamentaux.
Cependant, il apparaît que la problématique de l’applicabilité d’un tel discours semblant idéaliste se révèle téméraire. Ainsi, les méthodes et les moyens mis en exergue par l’Église pour concrétiser son approche sociale, ressortent avec sagesse et prudence dans la valorisation de la conscience et de la volonté de tout homme. A question sociale, réponse commune ; car au moment où la mondialisation dessine un monde à perte de vitesse, la valeur de l’homme concret a besoin d’un supplément d’âme qu’apportent les principes de la DSE.



BIBLIOGRAHIE


I. Source :

Bible de Jérusalem.
BRAUCOURT-SAHLAS C. & LORIC L., Dictionnaire universel, Paris, Hachette et Edicef,
2002 4ème éd.

II.Documents de l’Église :

BENOIT XVI, Deus charitas est, 2006.
JEAN-PAUL II,
Centesimus annus, 1991.
Laborem Exercens, 1981.
Sollicitudo rei Socialis, 1987.
Catéchisme de l’Eglise Catholique, 1994.
Compendium de la doctrine sociale de l’Église, 2005.

PAUL VI, Concile Œcuménique Vatican II, Gaudium et Spes, 1966.
Populorum prorgessio, 1967.
JEAN XXIII, Encyclique Mater et magistra, 1961.

III Œuvres :

GUERRY Mgr, La doctrine sociale de l’église, Paris, Centurion, 1957, p. 108.
KANT E., Fondement de la métaphysique des mœurs, traduit par Victor Delbos,
Paris, Delagrave, 1969, 221 p.
VALETTE R., Jean-Paul II, lettre encyclique sollicitudo rei socialis, Vatican, Typographie
Polyglotte, 1987, 105 p.
WILLIAMS T., Regina apostolorum, Athéna Pontifical, Rome, 2003, 148 p.


TABLE DES MATIERES


TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS. 1
INTRODUCTION.. 2
I LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA DES. 2
I.1. Le principe de la dignité de la personne humaine. 2
I.2. Le principe du bien commun. 4
I.3. Le principe de subsidiarité. 6
I.4. La destination universelle des biens. 7
I.5. Le principe de participation. 8
I.6. Le principe de solidarité. 9
II. IMPORTANCE DE CETTE ETUDE.. 11
CONCLUSION.. 12
BIBLIOGRAHIE.. 13
TABLE DES MATIERES. 14

[1] Dans l’ensemble de notre travail, le sigle DSE renvoie en même temps à l’enseignement et à la doctrine sociale de l’Eglise. De plus les références des documents de l’Eglise sont fournies dans le texte.
[2] Cf. T. WILLIAMS, Regina apostolorum, Athéna Pontifical, Rome, 2003, p. 3.
[3] Cf. E. KANT, Fondement de la métaphysique des mœurs, traduit par Victor Delbos, Paris, Delagrave, p. 153.
[4] Cf. GUERRY, La doctrine sociale de l’Eglise, Paris, Centurion, 1957, p. 107.
[5] Idem, p. 108.
[6] C. BRAUCOURT-SAHLAS & L. LORIC, Dictionnaire universel, Paris, Hachette et Edicef, 2002 4ème éd. P. 15.
[7] Conseil Pontifical « justice et paix », Agenda social, libreria editrice vaticana, Vatican, 2002. N° 126.
[8] Cf., Idem, n° 127.
[9] R. VALETTE, Jean-Paul II, lettre encyclique sollicitudo rei socialis, Vatican, Typographie polyglotte, 1987, p. 3.

No hay comentarios:

Publicar un comentario